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Ma vie: Sihem entretien ses parents et ses 3 sœurs de Kasserine

Ma vie: Sihem entretien ses parents et ses 3 sœurs de Kasserine

Tunisie Numérique a mené une série d’interviews auprès des familles tunisiennes pour savoir comment elles gèrent leurs budgets en ces temps de crise que traverse le pays.

Ces tunisiens proviennent de différentes classes sociales, sont d’âges différents et habitent dans des quartiers aussi bien huppés que populaires. Ils ont accepté volontairement de répondre de manière spontanée et anonyme aux questions de Tunisie Numérique. Les récits ont été retranscrits tels quels.

Sihem, 36 ans, est diplômée de l’enseignement supérieur.

Sihem travaille actuellement chez un opticien contre 300 dinars par mois. Elle n’est pas déclarée et ne possède aucune couverture sociale.

Le père de Sihem, ‘‘Am Ali’’, a 62 ans, il est à la retraite. Sa mère, ‘‘Ommi Hlima’’, a 59 ans et n’a jamais travaillé.

Sihem a 3 sœurs :

  • Karima : 34 ans, divorcée, sans travail.
  • Malika : 24 ans, diplômée de l’enseignement supérieur. Elle travaille dans une société privée et est payée au SMIG.
  • Hana : 23 ans, diplômée de l’enseignement supérieur. Elle travaille à temps partiel dans une société privée et touche 250 dinars par mois.

Travailler pour vivre

Sihem se confie à nous : « Je travaille avec un faible salaire pour aider mes parents et mes 3 sœurs. J’ai étudié toutes ses années pour gagner des miettes …sans pouvoir un jour réaliser mes rêves. »

Sihem continue tristement : « J’ai 36 ans et je suis encore célibataire. Je suis diplômée en informatique appliquée à la gestion. Mon rêve est de travailler dans une institution financière et d’en finir avec la précarité. Ça fait 10 ans que je me trimballe de société en société en tant que contractuelle ».

Sihem nous parle de son expérience de travail : « J’ai travaillé dans plusieurs sociétés sans pouvoir être recrutée. Je n’ai jamais dépassé les 02 ans dans une même boîte.  Mes droits ont été souvent bafoués et mon salaire était bien en dessous des efforts fournis. Je n’avais pas le choix. C’était soit l’exploitation, soit le chômage. A ma place que feriez-vous ? ».

Une situation précaire…

Sihem nous dit : « Depuis plusieurs années, mon père ne pouvait plus subvenir aux besoins de la famille. Tout est devenu cher et les prix n’arrêtent pas de grimper. J’ai dû travailler pour assurer les frais de scolarité de mes sœurs. Je voulais qu’elles réussissent leurs études et qu’elles s’en sortent ! »

Sihem continue : « Je suis diplômée en 2011. Avant la fameuse révolution de la dignité et de la liberté- ثورة الكرامة و الحرية  ma vie était meilleure que maintenant. »

Sihem nous informe que son père souffre d’une maladie rare qui le contraint se déplacer chaque semaine de Kasserine à Sousse pour suivre le traitement. Les frais de soins sont pris en charge en grande majorité par la CNAM. Sihem se charge de payer la partie non couverte par l’assurance maladie.

La famille habite la maison familiale propriété de ‘‘Am Ali’’ et ne paie donc pas de loyer.

Sihem nous dit à ce sujet : « Heureusement qu’on n’a pas de loyer à payer. On n’arrive même pas à payer l’essentiel de nos besoins. Même à la pharmacie on a un carnet de crédit- دفتر كريد. Je n’ai souvent pas le moyen d’acheter les médicaments et le pharmacien Yarham Waldih-يرحم والديه me fait crédit. Je le rembourse dès que je touche mon salaire de 300 dinars. Il ne nous reste plus grand-chose après ».

Le père de Sihem touche une pension de retraite de 500 dinars après 28 ans de loyaux services dans une unité industrielle de produits chimiques. Ce travail a affecté sa santé et a engendré de graves séquelles pulmonaires et neurologiques.

Même à la retraite ‘‘Am Ali’’ travaille pour arrondir ses fins de mois. Il est travailleur journalier, au noir, et fait des petits travaux de bricolage avec un promoteur immobilier de la région. Il peut gagner jusqu’à 100 dinars par mois pour 4 jours de travail mais il travaille souvent moins vu son état de santé.

Le budget Familial

Le revenu familial total ne dépasse pas les 1450 dinars par mois.

La famille n’a pas de voiture. Aucun membre de la famille n’a de compte bancaire, ni d’épargne.

La famille n’a pas de budget vacances. Sihem nous dit à ce sujet : « On arrive à peine à nous acheter de quoi manger. A 15 dinars l’huile d’olive est un luxe qu’on ne peut pas se permettre. Pourtant les médecins prescrivent qu’on cuisine avec pour papa ». Elle rajoute : « Durant l’été, les seuls déplacements concernent les fêtes de mariage familiales, ce sont nos seuls moments de distraction ».

La famille s’habille exclusivement de la fripe.

La famille doit rembourser des dettes à des amis qui l’ont soutenu pour payer les frais d’analyses et de radiologie dans une clinique privée.

Sihem et son papa ont la charge de la gestion budgétaire. Ils font ensemble les courses pour toute la famille.

  • Frais de produits alimentaires et d’entretien : 400 dinars par mois.
  • Frais de STEG : 70 dinars par mois.
  • Frais de SONEDE : 50 dinars par mois.
  • Dépenses de santé de ‘‘Am Ali’’ : 600 dinars par mois sans compter les frais de soin des autres membres atteints de problèmes d’ulcères estomac.

La famille n’a pas de budget spécial pour Ramadhan. Un maximum de 150 dinars supplémentaire est ajouté au budget alimentation.

Pour l’Aïd Fitr la famille achète pour 100 dinars de gâteaux traditionnels et de la viande.

350 dinars sont consacrés pour le mouton de l’Aïd.

Le budget habillement ne dépasse pas les 250 dinars annuellement pour toute la famille.

« Si je ne trouve pas de travail décent, je n’aurai nul choix que de quitter ce pays. J’irai n’importe où pour gagner assez d’argent et aider mes vieux parents. Je veux leur acheter une voiture, payer leurs frais de santé, leur acheter des vêtements neufs…Mes parents ont assez soufferts » fini par nous dévoiler Sihem.

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