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Par Abdelaziz Gatri – Visas pour les maghrébins, désengagement militaire au Mali, propos inadmissibles pour l’Algérie : Quand Macron met le pied dans le plat

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Nous autres, africains du nord ou subsahariens, aurions aimé être tenus à l’écart de l’escalade politico-électorale française, enclenchée par l’intrusion de l’électron libre, mais non moins dangereux, car fanatique, raciste et irresponsable, Eric Zemmour, dans la course à l’Elysée.

Les retombées désastreuses de la mondialisation et la marée dévastatrice du capital mondial sur les couches sociales déshéritées et même les classes moyennes, ont provoqué la paupérisation générale de toutes les sociétés amarrées à ce système libéral sous forme de jungle déréglée, avec un glissement rapide et dangereux des sociétés occidentales vers la droite, puis l’extrême droite, sous l’influence de courants politiques populistes. Malheureusement, au lieu de s’organiser pour tenir tête à ce système, ces sociétés désorientées, désinformées par des médias possédés par les plus grosses fortunes et manipulées par une classe politique globalement à la solde de ces milliardaires,  ont trouvé dans les communautés arabes et africaines vivant en Europe des coupables désignés.

Et c’est à l’approche des élections que la folie raciste, xénophobe et belliqueuse atteint son paroxysme, comme c’est le cas ces jours-ci en France où, bousculés par ce Zemmour animé par la plus nauséabonde et la plus rétrograde des haines, les macronistes rivalisent de trouvailles pour surenchérir. Et à tout seigneur, tout honneur, c’est Macron en personne qui lance le bal en annonçant, le 10 juin dernier la fin de l’opération anti jihadiste Barkhane en territoire malien, ce qui se traduira par le retrait progressif des forces armées françaises engagées dans cette opération depuis 2013 et la fermeture de bases de l’armée française au Mali.

Pourtant, lors d’un sommet, tenu à N’Djamena en février dernier, avec les partenaires du G5 Sahel (Tchad, Mali, Burkina Faso, Niger, Mauritanie), le président français avait annoncé que Paris ne comptait pas réduire “dans l’immédiat” les effectifs de Barkhane. Ce qui fait dire aux maliens que ce retrait est un « abandon en plein vol ». En réaction,  Le président français avait qualifié jeudi dernier de «honte» les accusations d’«abandon».

Ainsi, tout en affirmant que  «Sans la France au Sahel, il n’y aurait plus de gouvernement au Mali», et que «Les terroristes auraient pris le contrôle d’abord de Bamako et de tout le pays», il décide quand-même le retrait de ses troupes. Si ça, n’est pas de l’inconséquence.

Continuant sans nuances, il a lancé : « Il faut que l’Etat revienne avec sa justice, son éducation, sa police partout, en particulier au Mali », le Mali « où des pans entiers de territoire restent livrés à eux-mêmes face aux djihadistes, aux tensions intercommunautaires et aux trafics ». Il n’en fallait pas moins pour que le ministère malien des affaires étrangères convoque l’ambassadeur de France pour lui exprimer « une vive protestation contre ces propos regrettables, inamicaux et désobligeants » en invitant « les autorités françaises à la retenue, en évitant des jugements de valeur ».

Sur sa lancée, et faisant feu de tout bois dès qu’il s’agit de sanctionner les méchants pays d’Afrique du Nord, coupables de rechigner à récupérer leurs méchants ressortissants, émigrés en France ou nés « là-bas », mais surtout radicalisés sous le ciel de l’hexagone, grâce à des imams et des prédicateurs accueillis à bras ouverts au nom d’une certaine idée des droits de l’homme, mais surtout armée de réserve entretenue au nez et à la barbe de leurs pays d’origine, Macron décide d’opérer  des restrictions drastiques sur les visas accordés aux populations maghrébines. Et si l’Algérie a décidé la convocation de l’ambassadeur de France à Alger par le ministère des affaires étrangères pour protester contre la décision de Paris, et si le Maroc avait déploré la décision de la France à l’égard des ressortissants du royaume, la qualifiant d’ « injustifiée », la Tunisie, présidence et diplomatie, s’est emmurée dans un silence sidéral.

Pris sous le feu croisé de Zemmour et de Le Pen, et obnubilé par ses craintes de les voir le déposer lors des élections à venir, Macron se lance dans une folle surenchère xénophobe tous azimuts contre tout ce qui est basané. Réunissant à l’Elysée un panel de  « franco-algériens », enfants d’immigrés, de harkis…, « petits-enfants » de la guerre d’Algérie, soi-disant pour échanger « librement » sur ce conflit, remarquez le timing, il jette un pavé dans la mare des relations avec l’Algérie, déjà troublée par la restriction des visas, en émettant des doutes sous forme « d’innocentes »  interrogations sur l’existence de l’Algérie en tant qu’Etat-nation avant l’arrivée des français en 1830.

Mais, perfide comme il est, n’a pas parlé d’Etat algérien, mais de nation algérienne. Il avait dit, en l’occurrence: “La construction de l’Algérie comme nation est un phénomène à regarder. Est-ce qu’il y avait une nation algérienne avant la colonisation française ? Ça, c’est la question”. Et c’est là où c’est plus grave, parce que les États peuvent s’estomper, momentanément, comme en France en 1939, ou définitivement, comme Rome ou Carthage, mais les nations demeurent et survivent aux États. S’il avait dit: “est-ce qu’il y avait un Etat algérien avant la colonisation française ?”, l’interrogation aurait peut-être eu un brin de légitimité, car l’État en place à Alger avant 1830 était le représentant de la Porte Sublime, et avait peu de choses à voir avec le peuple algérien, sauf les brimades, les expéditions punitives et les impôts qu’il lui faisait subir. Mais l’Algérie, en tant que nation, avait au moins 2300 ans d’âge. Elle ne s’appelait évidemment pas l’Algérie, comme la France ne s’appelait pas la France, et l’Italie qui n’était devenue l’Italie qu’à la fin du 19ème siècle. Mais le peuple, la terre, la langue berbère qui est parlée de nos jours par des millions d’habitants, comme l’armée  et d’autres attributs de la nation étaient là, et même l’Etat de Numidie, contemporain de Rome et de Carthage, à l’heure où la Gaule n’était qu’un ensemble de territoires épars, habités par des tribus venus d’endroits différents, parlant plusieurs langages déclinés en plusieurs dialectes tous disparus aujourd’hui, et surtout sans Etat organisé en tant que tel. D’autres attributs de la nation algérienne sont venus se greffer après, comme l’islam, et la langue arabe avec.

La parenthèse ottomane doit donc être prise à sa juste valeur, c’est-à-dire une parenthèse coloniale qui n’a rien à envier à la parenthèse française, ni en horreur, ni en immoralité. Décidément, la décolonisation tarde à investir certains esprits.

Abdelaziz GATRI, activiste politique, Alliance patriotique pour l’ordre et la souveraineté (A.P.O.S).

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Publié par
Tunisie Numérique