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Par Henda Haouala – La série TV « Ken ya makenech » : délicieuse, grave et soignée

Par Henda  Haouala – La série TV « Ken ya makenech » : délicieuse, grave et soignée

« Ken ya makenech » ou « il n’était pas une fois » , la série télévisée diffusée sur la Watania 1 qui va dans un crescendo dramatique où le réalisateur Abdelhamid Bouchnak transcende toutes les limites de la mise en scène pour raconter un conte féérique des temps modernes où il sublime les normes du récit en le composant en blocs narratifs, créant un ensemble volontairement déstructuré. Abdelhamid Bouchnak, artistiquement rebelle, repousse encore une fois les limites du déjà vu déployant de nouveaux modèles d’imagination quant à la mise en scène, la direction de ses acteurs et dans sa mise en image qui jouent sans cesse des effets de montage, nous renvoyant à l’école expressionniste qui brise carrément la linéarité narrative où la logique n’a pas le temps de s’installer, laissant planer un climat d’incertitude et d’appréhension.

Clairement, Abdelhamid Bouchnak veut secouer, dérouter et déstabiliser derrière un scénario qui pétille de l’évidence de sa complexité. Abdelhamid Bouchnak et Hatem Belhaj, pour leur première collaboration, forment un duo qui sonne juste, nous offrant un scénario aux dialogues qui font mouche aussi bien dans l’humour que dans l’émotion. Avec Aziz Jebali, ce duo s’est séduit et ça se voit,  ils ont décidé de raconter leur propre conte, mi merveilleux mi maudit, celui d’un pays très lointain mais ô combien proche: la Tunisie.

La trajectoire politique de la série « Ken ya makenech » est claire et assumée, détournée par un texte subtil et ingénieux et des métaphores délicates.

De quoi ça parle ? Tout simplement de nous au jour d’aujourd’hui, de notre pays de 2021 avec toutes ses absurdités, ses incohérences et ses bavures dans un décalage esthétique gigantesque.

« Ken ya makenech » est une création qui se conjugue au féminin à l’instar de Nouba, dans le sens où  Abdelhamid Bouchnak construit et affectionne ses personnages les plus étranges et les plus siphonnés qui soient, le féminin, c’est toujours la mère mais aussi la famille, la communauté… La patrie.

« Ken ya makenech » est un conte efficace dont l’issue est moins un enjeu en soit que la manière de le raconter. En prenant parti pour un scénario tout aussi sensoriel qu’intuitif, la série ne semble pas chercher la performance à tout prix mais à sortir des standards de l’écriture scénaristique et de la réalisation, en faisant du fantastique l’identité même de cette œuvre en ayant recours à de grandes références cinématographiques, une Alice au pays des merveilles de Tim Burton se laisse deviner à travers le personnage de la femme du roi.

« Ken ya makenech » est une série délicieuse, grave et soignée à tous les étages, profondément humaine et qui marquera, plus tard, mais pas dans l’immédiat, la production télévisuelle tunisienne car elle nous révèle, un peu en avance, des errances intérieures qui nous sont propres, mais pas encore totalement assumées.

Henda HAOUALA – Maître de Conférences en Techniques audiovisuelles et Cinéma.

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