Tunisie

Par H. Haouala – Par-delà les montagnes : Une possibilité d’amour paternel et de magie

Par H. Haouala – Par-delà les montagnes : Une possibilité d’amour paternel et de magie

Mohamed Ben Attia signe son troisième long-métrage « Par-delà les montagnes » (Oura el Jbal) actuellement dans les salles de cinéma tunisiennes. Après inhebek hédi (2016) et Weldi (2018), la nouvelle fiction de Mohamed Ben Attia a fait sa première mondiale à la 80ème Mostra de Venise (Septembre 2023) dans la section Orizzonti.

« Par-delà les montagnes » est un film pas comme les autres. Le réalisateur-scénariste nous prend doucement la main pour nous faire voyager dans l’univers « insensé » du protagoniste Rafik, joué par Majd Mastoura. Cependant, plus nous avançons dans l’histoire plus « l’insensé » demeure possible, cohérent mais à une seule condition : celle de pouvoir laisser libre cours à cet enfant qui sommeille au fond de chacun de nous. « Par-delà les montagnes », est une fiction qui porte une âme d’enfant sans être enfantin. Cette fiction est poétique, fantastique, dramatique aux couleurs d’un gentil thriller mais ô combien humaine. Le réalisateur prend le temps de dépeindre l’homme à son état brut. Le personnage de Rafik est déconnecté de la réalité jusqu’au moment où il kidnappe son fils le petit Yassine joué par Walid Bouchhioua. Errés dans les montagnes, les choses commencent à prendre sens, les personnages se définissent plus et l’intrigue prend place. Le spectateur est maintenu en haleine : le danger est bien présent, l’histoire pourrait basculer à tout moment.

Le film assume parfaitement sa conception féérique voire même philosophique me rappelant « Le Maître Ignorant » du philosophe Jacques Rancière. 

Il écrit : « L’individualité est la loi du monde et que toutes les intelligences sont différentes ». Mohamed Ben Attia résume cette réflexion dans la séquence où Yassine et Oussema mènent cette discussion nocturne où chacun parle de son père. Entre le système solaire, les galaxies et pouvoir voler ce n’est finalement « qu’une courbe d’esprits pensants autour de la vérité ».

Ce qui m’a touché dans ce film c’est cette frontière indéfinie entre le « il faut » et « il ne faut pas ». C’est cette tranchée sur la paternité, l’amour paternel et le monde vu par les yeux d’un enfant. Tout ce que le réalisateur filme est une possibilité de vérité, d’amour et de rêve. Toute la magie du cinéma est là. Tout ce qui est filmé n’est pas le duplicata du monde non filmé, toute la complexité d’un scénario n’est que peu de chose devant celle de l’HOMME. Et c’est de l’être humain qu’il s’agit dans ce film. Le cinéaste abandonne dans ce film tous les artifices techniques : sa caméra est posée, ses plans sont fixes pour dessiner le portrait de ses personnages, l’esthétique est accordée aux regards, à l’étendue, à l’infini et au silence. Quant à Majd Mastoura il confirme que c’est un acteur disposant de plusieurs cordes à son arc. Il ne s’est pas perdu dans le silence ni dans le décor, bien au contraire, il a su garder son âme du début jusqu’à la fin. Majd s’est accroché à son personnage et surtout il n’a pas manqué à sa parole, même quand il disait que les montagnes changent de direction !

« Par-delà les montagnes » est un film qui nous en apprend sur les frontières entre le raisonnable et l’absurde ou comment rationnaliser l’aliénation. Tout est dans l’art de se vaincre soi-même. Un autre concept philosophique.

Henda Haouala

Dr. Maître de conférences en techniques audiovisuelles et cinéma

 

 

 

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