Les fans du style décomplexé du chef de l’Etat français, Emmanuel Macron, ont été magistralement servis par le brillant orateur lors de son point de presse du 9 décembre 2021. Le président français, adossé sur l’énergie de sa jeunesse, sa grande capacité d’analyse et son pragmatisme, épaulé par de brillants collaborateurs (Jean-Yves Le Drian, Bruno Le Maire, Gérald Darmanin…), a épaté la galerie avec un grand programme de relance du projet européen. S’il va à son terme, Macron pourrait vite incarner ce grand leadership que l’Union européenne (UE) cherche depuis ses premiers pas. Par contre pour l’Afrique, le moins qu’on puisse dire est que les annonces comportent des points inquiétants…
Le président français n’a pas choisi la facilité. En effet il va présider le Conseil de l’UE – à partir du 1er janvier 2022 – alors que des élections auront lieu chez lui en avril 2022. C’est-à-dire qu’en même temps qu’il va entreprendre l’énorme chantier de la construction d’une vraie puissance européenne, il va battre campagne pour rempiler pour un second et dernier mandat. Alors qu’il aurait pu, comme l’a fait l’Allemagne, décaler la présidence de l’UE pour se focaliser sur sa réélection.
Il faut être très sûr de soi, de son bilan, de ses chances d’écraser tous ses concurrents à la présidentielle pour pouvoir se permettre de candidater et en même affronter le casse-tête européen avec son système archi complexe de gouvernance. A moins que Macron cherche à se servir de ses thèmes de campagne électorale pour servir sa cause de futur leader européen et vice-versa, et ça c’est une mauvaise nouvelle pour ses “amis” africains…
La droitisation, parfois extrême, de la scène politique française n’est plus à démontrer. Au point que la gauche n’est même plus audible. Et les thèmes qu’a développés Macron dans son point de presse sur l’Europe sont exactement les mêmes qui courent dans la bouche de ses challengers de droite et d’extrême droite au prochain scrutin français. Et que dire du projet d’interdire dans toute l’UE l’importation du cacao dont l’exploitation détruit des forêts, un coup direct dans le ventre de la Côte d’Ivoire, premier producteur mondial de l’or brun.
Ce qui a frappé les esprits c’est l’insistance du président français sur la nécessité de réformer l’espace Schengen pour renforcer les frontières extérieures de l’Europe. Pour les protéger de quoi ? Et bien des invasions massives de migrants qui pourraient faire sombrer l’Europe. Carrément. C’est exactement ce que disent Eric Zemmour et Marine Le Pen, et même la nouvelle championne de la droite, Valérie Pécresse, mais dans des termes plus policés…
C’est l’histoire d’un homme, vif et intelligent, qui est en train de bâtir tranquillement sa légende pour que son nom soit libellé en lettres d’or dans les annales de l’Histoire, comme un certain général de Gaulle. Que font les chefs d’Etats africains pour exister face à Macron et face aux autres grands défis de la planète ? Rien. Il y a de fortes chances que le sort des migrants africains soit scellé par ce nouveau pacte qu’avait déjà dévoilé le chef de l’Etat français sans que les leaders africains n’aient leur mot à dire, parce que divisés et donc faibles. Une vraie Union africaine – enfin ! – pour peser dans la direction des affaires du monde serait la solution, mais on en est très loin…
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