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Sénégal : le Conseil constitutionnel casse la parole présidentielle, l’élection sera organisée sans délai et le mandat de Sall ne sera pas prolongé

Sénégal : le Conseil constitutionnel casse la parole présidentielle, l’élection sera organisée sans délai et le mandat de Sall ne sera pas prolongé

Le chef de l’Etat sénégalais, Macky Sall, croyait avoir bétonné son affaire en instrumentalisant le Parlement (ne nous y trompons pas, le régime est présidentiel) pour acter le report de l’élection au 15 décembre 2024 (elle était censée se tenir ce 25 février) et dans la foulée le prolongement du mandat présidentiel. Depuis la tension politique est montée de plusieurs crans, avec une opposition et une société civile qui éructent, crient à la forfaiture, manifestent (3 morts tout de même dans la répression systématique de toute contestation). Depuis tous les regards sont tournés vers le Conseil constitutionnel pour dire le droit puisque de toute évidence il ne revient pas au président de la République de le dire. Les 7 Sages ont pris leur responsabilité en administrant un camouflet à Macky Sall…

Un verdict sans appel

  1. Violation de la Constitution: Les requérants ont soutenu que la loi attaquée violait la Constitution en prolongeant le mandat du Président de la République au-delà de la limite de cinq ans prévue par les articles 27 et 103 de la Constitution. Le Conseil a confirmé cette interprétation, rappelant que la durée du mandat présidentiel est intangible et ne peut être modifiée par des mesures temporaires ou spécifiques.
  2. Principe de sécurité juridique et de stabilité des institutions: Le Conseil a souligné que le report de l’élection présidentielle et la prolongation du mandat présidentiel allaient à l’encontre du principe de sécurité juridique et de la stabilité des institutions, des valeurs à valeur constitutionnelle. Ces principes sont essentiels pour garantir la confiance des citoyens dans le cadre légal et institutionnel du pays.
  3. Absence de base légale pour le report de l’élection: Le Conseil a noté que le décret abrogeant le décret convoquant le corps électoral manquait de base légale, car le Président de la République ne dispose pas du pouvoir unilatéral de reporter ou d’annuler une élection. Cette action devrait être fondée sur des dispositions légales claires et constitutionnelles.
  4. Plénitude de juridiction du Conseil constitutionnel en matière électorale: Le Conseil a rappelé son rôle exclusif de régulateur des élections nationales, affirmant sa compétence pour décider de la régularité et du calendrier des élections. Il a souligné que toute décision affectant le processus électoral doit respecter les procédures constitutionnelles et légales, garantissant ainsi la légitimité de l’exercice démocratique. Fin de citation…

Encore un coup de force du président ou la voie de la raison?

Le jugement rendu par le Conseil constitutionnel est sans appel, vu que par définition ses décisions ne peuvent faire l’objet d’aucun recours. Donc théoriquement la messe est dite et le chef de l’Etat est sommé de convoquer les électeurs dans les plus brefs délais, pas le 24 février comme prévu mais certainement pas le 15 décembre prochain comme le voulait Sall. Alors que va-t-il faire ? Tenter encore une fois le coup de force pour dicter sa loi et ou se ranger à cette position de droit et aussi de bons sens pour faire retomber la crise politique ? A moins qu’il ait secrètement mandaté les 7 Sages pour dire et faire ce que lui ne peut pas au risque de se déjuger et se discréditer encore plus. Mystère…

Ce qui est certain c’est que la séquence politique est intéressante à bien des égards. Les anciens présidents Abdou Diouf et Abdoulaye Wade ont signé un texte commun pour tenter de ramener à la raison tous les acteurs politiques du pays. Sauf que cet appel a été compris, par la majorité présidentielle et les opposants, comme une validation du report de l’élection. Face au tollé le président Diouf a repris sa plume pour indiquer ceci : “Je tiens à préciser afin qu’il n’y ait aucune équivoque, que le Conseil constitutionnel que j’ai créé en 1992, reste le garant ultime de nos institutions et de notre démocratie. C’est à lui et à lui seul de dire le droit et de prendre les décisions qui s’imposent à tous concernant le calendrier électoral et le respect de la durée du mandat présidentiel“. C’est exactement ce que le Conseil vient de faire.

Entre temps le président Sall joue la carte de l’amnistie générale et commence à libérer les centaines de prisonniers politiques dont le seul tort a été de contester l’autoritarisme du chef de l’Etat. Mais personne n’est dupe : Si le président de la République sort de prison des gens qui n’auraient jamais dû y entrer c’est aussi pour obtenir en retour sa propre amnistie pour les dizaines de morts, les détentions arbitraires, les gros dossiers de corruption et de détournement de fonds mouillant ses proches, des crimes et délits documentés par l’Office National de lutte contre la Fraude et la Corruption (OFNAC), etc. Donc en mettent la pression sur Macky Sall pour organiser sans délai la présidentielle le Conseil constitutionnel lui retire un argumentaire pour obtenir l’absolution de ses péchés…

 

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