Culture

Tribune de la Ministre des Affaires Culturelles Chiraz Latiri

Tribune de la Ministre des Affaires Culturelles Chiraz Latiri

Protéger et valoriser notre patrimoine culturel, assurer un accès égalitaire et juste à la culture, encourager l’innovation et la création pour construire ensemble une Tunisie digne de sa riche histoire.

A l’occasion de la célébration du Mois du Patrimoine, il me tient à cœur de souligner l’extrême richesse du patrimoine tunisien, matériel et immatériel, qui témoigne de ce qui forge aujourd’hui encore l’identité tunisienne dans sa diversité et sa pluralité. En effet, ce patrimoine est constitué des empreintes de notre histoire, traversée par des civilisations qui ont marqué l’humanité, qu’elles soient numide, phénicienne, punique, romaine, byzantine, arabe, andalouse ou encore ottomane, et dont on retrouve les vestiges remarquables et les merveilles architecturales sur l’ensemble de notre territoire.

Cette célébration se déroule dans des conditions inédites, celles d’une crise sanitaire globale, due au COVID-19. Et si cette crise nous affecte tous, elle a forcé l’ensemble du secteur culturel à un temps d’arrêt qui a également apporté son lot d’incertitudes. Ce temps d’arrêt, qui coïncide avec le début de mon mandat en tant que Ministre des affaires culturelles, est pour tous un temps de réflexion précieux. Mais face aux immenses défis et aux urgences auxquelles le secteur et ses acteurs font face, le temps est déjà pour nous à l’action. Initiative pionnière, le Fonds Relance Culture est à la fois une réponse immédiate pour sauver le secteur, et un projet pour sa relance et sa restructuration sur des bases plus solides afin de maintenir et de développer son tissu économique et social.

Dans le cadre de mon action ministérielle, je revendique une vision du patrimoine qui établit un lien tangible entre notre passé et notre avenir et, qui porte un projet qui s’adresse à l’ensemble des tunisiennes et tunisiens, sans distinction aucune. Ce patrimoine que nous avons en partage n’est ni accessoire ni inerte, et ne saurait être réduit à un élément de fierté nationale aux allures purement folkloriques, ornementales et festives. Il a bien au contraire un véritable potentiel de création de richesses, et constitue un levier pour un développement social et économique que je conçois comme étant nécessairement éthique, égalitaire, inclusif et durable.

Plus que jamais le Ministère des Affaires Culturelles entend assumer pleinement cette responsabilité en offrant une politique culturelle qui établira dans les prochains mois de nouveaux mécanismes de protection, de gestion et d’exploitation du patrimoine, tout en encourageant la création et l’innovation. Il est de notre devoir de préserver et de restaurer ce patrimoine, gardien de notre mémoire, et d’en assurer la valorisation afin de permettre à la culture de déployer son rôle rassembleur et émancipateur et aux artistes d’exercer leur liberté de création et d’expression.

Si la culture et le patrimoine sont des questions d’intérêt général inscrites dans la Constitution de 2014, il me semble que nous devons tous, individuellement et collectivement, être à la hauteur de ce passé si riche qui, n’en doutons pas, est l’une des clés de notre avenir. A à ce titre, je considère la Tunisie comme un vaste laboratoire d’idées qui se distingue par son extraordinaire capacité de création et d’innovation, où nous sommes tous invités à échanger, penser et concevoir collectivement, de manière stratégique et concertée.

Cette conscience, je la partage avec l’ensemble des Ministres avec lesquels nous avons déjà amorcé un travail de réflexion sur les stratégies sectorielles nationales, en plaçant la décentralisation comme axe prioritaire. En effet, si l’inscription de la décentralisation dans la Constitution consacre la région comme un espace pertinent de mise en place des politiques publiques de développement territorial, la culture doit s’inscrire de manière transversale dans l’ensemble de ces politiques.

Pour mener à bien notre projet de décentralisation, les acteurs locaux et régionaux doivent devenir de véritables partenaires. Ceux qui sont placés sous la tutelle du Ministère, bénéficieront d’outils pour se renforcer et assurer les conditions de leur autonomisation, en respectant les principes de bonne gouvernance et de transparence. Dans cet esprit, le réseau des directions régionales des affaires culturelles sera amené à jouer un rôle plus important en termes de proximité et d’interactions avec les citoyens, les artistes, le tissu associatif ainsi qu’avec les industries culturelles et créatives.

C’est parce que je considère que la décentralisation n’a de sens que si elle garantit l’implication et la participation de toutes et tous que mon projet entend exploiter, au mieux et à travers des dispositifs pilotes et innovants, le vaste maillage territorial des sites patrimoniaux et des structures culturelles publiques dont font partie les Maisons de la culture. En effet, ce dense maillage, porteur d’avenir, a un potentiel extraordinaire qui permettra d’assurer l’accès et la diversité des contenus culturels, tout en étant à l’écoute des attentes locales. Notre ambition est également de faire de ces établissements publics, mis en réseaux, des incubateurs pour découvrir et accompagner les talents émergents.

La prise en compte des spécificités locales et régionales est un élément central dans notre stratégie de valorisation du patrimoine tunisien. Ainsi, l’une de nos aspirations est de créer des clusters d’économie sociale qui allient tourisme culturel, patrimoine, création, innovation et recherche. En interconnectant un réseau d’acteurs qui partagent des intérêts stratégiques, notre ambition est de développer l’attractivité territoriale, de générer de l’emploi et d’assurer la diversité culturelle inter-régionale. En créant des écosystèmes qui offrent des expériences de « l’art de vivre tunisien » avec des spécificités locales, cette démarche s’accompagne d’un diagnostic des tendances et de la demande, et nécessite une amélioration de la qualité de l’offre et des services, qui passe notamment la professionnalisation et l’adaptation des filières de formation.

Si nous avons d’ores et déjà amorcé des réflexions et concertations en ce sens, c’est parce que je considère que notre patrimoine, une fois reconnu et protégé, doit être en mouvement, vivre et accueillir la création. Notre Tunisie, aujourd’hui pleinement africaine, arabe et méditerranéenne, regorge de sites archéologiques qui font raisonner les noms de figures illustres, de Massinissa à Elissa, de Kahina à Hannibal en passant par Amilcar ou Méduse. Cela nous appelle à la responsabilité et à l’humilité, car l’ensemble de ces sites remarquables méritent une attention toute particulière, tant il est de notre devoir de que les générations futures puissent connaître et aimer ce patrimoine. A titre d’exemple, la valorisation et l’exploitation du site d’Oudhna dont le réaménagement en parc archéologique se poursuit jusqu’en 2022, pourra constituer l’un des projets pilotes de ce mandat afin de permettre à cette cité antique de devenir un véritable pôle de tourisme culturel doté d’équipements et d’infrastructures adaptés.

Ces ambitions que je porte pour la Tunisie reposent sur des axes stratégiques et programmatiques qui guideront les actions du Ministère des Affaires Culturelles :

  • La place centrale des artistes, créateurs et acteurs culturels : le Ministère des Affaires Culturelles se place à leur côté et engage des réformes pour leur assurer un statut, consolider leur régime social et la protection de leurs droits. L’action ministérielle vise à fournir des formations et une insertion professionnelle adaptées aux réalités du secteur national et international. Elle vise également à faciliter la mobilité des artistes et à assurer la diffusion et l’exportation de la création artistique et culturelle tunisienne.
  • L’accès, la diversité et la décentralisation : s’engager pour garantir la culture et l’expression artistique pour tous, par tous, partout, à travers la préservation et la valorisation patrimoniale,  en encourageant l’enrichissement de l’offre culturelle dans ses expressions diverses, l’enrichissement de la qualité des services, et de la médiation culturelle, tout en soutenant les initiatives de la société civile.
  • L’engagement et la concertation de l’ensemble du secteur culturel, à travers la structuration de collaborations transversales et de collaborations interministérielles et intersectorielles. En encourageant le développement des partenariats publics-privés (PPP), en soutenant l’entrepreneuriat En stimulant l’innovation organisationnelle des structures existantes et en accompagnant la création d’entreprises innovantes.
  • L’élaboration de stratégies pour soutenir la création et le développement des industries culturelles et créatives. En renforçant les initiatives entrepreneuriales dans le secteur culturel, en favorisant l’accès aux marchés internationaux, en offrant de nouveaux cadres pour encourager les investissements dans le secteur.
  • L’élaboration d’une stratégie transversale de digitalisation et l’exploitation des technologies numériques au service du secteur artistique, culturel et créatif. Créer un environnement propice au développement de ces outils, utiles pour la préservation et la mise en valeur du patrimoine, à la diffusion de la création contemporaine et au rayonnement culturel tunisien. Cette stratégie prend en considération la fracture numérique et les inégalités sociales, économiques et géographiques qu’elles recouvrent. L’enrichissement et l’augmentation de l’accès et de l’offre vont de pair avec un travail de médiation culturelle adapté.

Face à cette crise sans précédent que nous vivons et alors que son impact à long terme est encore impossible à évaluer, je reste optimiste et convaincue que l’espoir pour la culture tunisienne réside dans la qualité de ces initiatives que nous portons ensemble, car elles reflètent notre aspiration commune à défendre ces belles valeurs culturelles constitutives de notre société et de notre identité.

C’est pourquoi je souhaite saluer l’ensemble des artistes et créateurs, des professionnels, des chercheurs, des associations et des passionnés, actifs dans tout le pays qui sont les vecteurs de la transmission de notre patrimoine et qui nous donnent à voir la résilience de la scène culturelle et artistique tunisienne.

 

Soyons fiers de notre Tunisie.

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