L’efficacité dans une discrétion presque totale, ces qualificatifs collent bien à ce pays d’Afrique australe qui a beaucoup d’atouts dans sa manche, beaucoup plus que sa faune et sa flore qui font le bonheur des touristes du monde entier. On dit du Botswana, à juste titre, que ses indicateurs macroéconomiques sont les plus costauds dans cette partie de l’Afrique, même plus que la première économie du continent, l’Afrique du Sud. C’est pour vous dire. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : le taux de croissance botswanais a enregistré une forte poussée en 2022 (+5,8%), après l’envolée de la précédente année, +11,9%. Entre temps il y a eu les tourments du Coronavirus, la croissance avait plongé à -8,7% en 2020.
Le président Masisi a-t-il les moyens de sa politique ?
Le Botswana va mieux en 2024, nettement mieux, mais il reste à achever les grands chantiers pour que le pays atteigne les paliers supérieurs : la diversification de l’économie – elle dépend trop de l’extraction des diamants -, l’amélioration de l’environnement des affaires, l’inversion de la courbe du chômage, hausser le niveau de la formation et de la main d’oeuvre, réduire les inégalités criantes, etc. Ces points sont contenus dans le plan de réformes dévoilé par le gouvernement pour relancer le pays après la pandémie du Covid-19. Transformer le modèle économique du pays pour le rendre plus durable et plus inclusif, ont promis les autorités, les 2,3 millions de Botswanais les attendent au tournant.
Cette affaire sera surtout celle du président Mokgweetsi Masisi, choisi par les électeurs en avril 2018, au terme des deux mandats de Ian Khama, fils du premier président du Botswana, Seretse Khama. Sa formation, le BDP (Botswana Democratic Party), a raflé dans le même élan les élections générales d’octobre 2019. Vous l’avez compris, c’est le même parti qui tient les rênes du pays depuis son indépendance, en 1966, mais personne ne doute du caractère démocratique des institutions du Botswana, avec des scrutins libres et transparents tous les 5 ans….
Donc ce sont les citoyens qui ont décidé, en âme et conscience, sur la base des promesses tenues, de laisser le BDP dicter sa loi depuis des décennies. Les promesses sont politiques mais elles sont surtout sociales et économiques. Le Botswana affichait un PIB (produit intérieur brut) de près de 19 milliards de dollars en 2022, ce qui fait un joli PIB par habitant (à peine 2,3 millions de personnes) de 7250 USD. Mais le 7ème pays le plus riche d’Afrique subsaharienne ne se repose pas sur ses lauriers, il s’active pour s’imposer parmi les nations à haut-revenu d’ici 2036.
Tout ce qui brille est un diamant, mais attention…
Le taux de croissance annuel moyen du Botswana était aux alentours de 7% dans la première moitié des années 2010, il est tombé à 3% dans la seconde (on met de côté 2020 du fait de la pandémie mondiale). Le pays a payé cher sa dépendance des marchés du diamant, plombés par le repli de la demande et la fonte des prix. Il y a aussi le boulet des dépenses colossales pour faire tourner le secteur public, lequel fournit 40% des emplois formels et 50% des salaires formels.
L’industrie d’extraction, les mines surtout, sont la colonne vertébrale de l’économie nationale : plus de 21% du PIB en moyenne et 40% des revenus de l’Etat ces dernières années (hors 2020). Le Botswana est le 2ème producteur mondial de diamant, lequel représente actuellement un quart du PIB du pays et 90% des recettes à l’export. Le pays a certes enchaîné les records de croissance depuis des décennies grâce aux pierres précieuses, mais la dynamique a beaucoup nui aux investissements dans les secteurs agricole (moins de 2% du PIB ces dernières années) et manufacturier (moins de 6% du PIB).
Les autorités ont senti l’extrême fragilité de la structure de leur économie durant la crise du Coronavirus. La pandémie a frappé tous les marchés, surtout ceux du luxe. Un cataclysme financier pour les diamants botswanais. Et puisque de toute façon leurs jours sont comptés – 20 à 30 ans de réserves disent les estimations -, le gouvernement se démène pour diversifier les socles de l’économie du pays et faire la promotion des autres niches auprès des investisseurs étrangers.
Avant le Covid le pays n’avait presque jamais contracté un prêt extérieur
Gonfler le flux des échanges commerciaux avec les partenaires étrangers est devenu une priorité absolue. Les stratégies de transformation et de diversification de l’économie (Reset Agenda et Economic and Recovery Tranformation Plan, ERTR) ont identifié les obstacles structurels à la croissance et ont dévoilé des réformes sans précédent pour lever les freins. Les agro-industries, les services financiers, les technologies de l’information et de la télécommunication, les industries manufacturières, l’éducation et la formation professionnelle, les infrastructures (énergie, transport…) font partie des urgences.
Mais il faudra faire preuve de volontarisme pour bousculer les pesanteurs cimentées par l’économie de rente – les diamants. Pour faire bouger l’économie du pays, surtout le secteur privé, il faudra beaucoup plus que des effets d’annonce. Et ça passe par une réforme en profondeur du climat des affaires. Entre 2010 et 2020 (nous ne disposons pas de données plus récentes) le Botswana a chuté de plus de 40 places au classement Doing Business, 87ème pays sur 180.
Bonne nouvelle en octobre 2021 : la sortie de la liste grise du Groupe d’Action Financière (GAFI). Le pays traversait le tunnel depuis 2018, épinglé pour des écarts dans le combat contre le blanchiment et le financement du terrorisme. D’autres motifs de satisfaction : Le recul de la pauvreté (son taux est plus faible que dans le voisinage, 14,7% en 2022) et les prouesses dans l’Indice de développement humain (IDH). En 2020 le Botswana était la 6ème nation la mieux classée en Afrique subsaharienne et la 100ème dans le monde – sur 188 pays. Bon, peut mieux faire mais tout de même.
Avant la crise du Coronavirus le Botswana n’avait quasiment jamais sollicité un prêt extérieur, même concessionnel, la musique a bien changé depuis. Le gouvernement n’hésite plus à s’endetter à l’étranger pour résorber le déficit budgétaire et pour laisser respirer le fonds souverain qui a beaucoup servi. Mais les besoins en financements enflent, les autorités n’auront d’autre choix que d’accélérer les réformes pour doper l’économie et se dégager des marges de manœuvre par le biais de l’élargissement de l’assiette fiscale du privé.
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