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Djibouti : Le président Guelleh a fait des faiblesses une force, avec des résultats spectaculaires

Djibouti : Le président Guelleh a fait des faiblesses une force, avec des résultats spectaculaires

Djibouti, qui s’est tardivement affranchi du joug français (l’indépendance du pays a été officiellement proclamée en 1977), a fait d’impressionnants bonds en avant dans un temps relativement court. Si la Banque africaine de développement (BAD) et le magazine britannique The Economist l’ont placé parmi les économies les plus dynamiques du continent et dans le Top 20 mondial – avec un taux de croissance de 6,2% en 2024 – c’est pour de bonnes raisons…

Les grands de ce monde se bousculent pour les meilleures places

L’intérêt géostratégique de ce pays de 23 200 km2 niché dans l’Est de l’Afrique est tel que des puissances mondiales se bousculent pour y installer leurs quartiers. Les USA, la France, l’Italie et le Japon y ont des bases militaires pour avoir une vue synoptique sur la région ; même l’Espagne et la très discrète Allemagne y ont des contingents. La Chine a frappé à la porte en 2017 et depuis les relations avec Djibouti montent crescendo, à tous les niveaux.

La trajectoire très heurtée des Djiboutiens et toutes les guerres qui ont peuplé leur histoire expliquent sans doute leur résilience, leur force et leur capacité phénoménale à se projeter vers l’avant. En 1991 un conflit armé éclate entre le gouvernement et le Front pour la restauration de l’unité et la démocratie (FRUD). Il faudra 3 ans (en 1994) pour que l’armée nationale mette un terme à ses déroutes et reprenne en main le pays. Sauf que le traité de paix est paraphé par une frange du FRUD, la partie la plus radicale – le FRUD armé – refuse de déposer les armes. Donc les problèmes des Djiboutiens et du gouvernement perdurent jusqu’en 2001. Et le pire est à venir…

Le 10 juin 2008 Djibouti et l’Érythrée se déclarent la guerre. Le premier accuse la seconde d’avoir subventionné la branche armée anti-gouvernemental du FRUD de 1991 à 1994. L’Érythrée réclame le contrôle de la zone du cap Douméra, point littoral de la frontière entre les deux pays. En janvier 2009 le Conseil de sécurité des Nations unies dit son mot et édicte des sanctions contre l’Érythrée. Djibouti recouvre ses droits, le droit de bâtir un avenir prospère aux 1,1 million d’habitants, loin de la violence armée.

La chose n’est pas simple quand on est l’un des pays les plus petits d’Afrique, avec une économie qui joue dans la catégorie des “petits”. Dans ces conditions il est très difficile de diversifier sa production et de se défaire de la dépendance des marchés étrangers. A la moindre tension dans la conjoncture internationale (c’est le cas actuellement avec deux guerres, en Ukraine et au Proche-Orient, après les tourments de la pandémie du Coronavirus) les flux de capitaux en direction de Djibouti se contractent.

Le pays ne peut même pas compter sur son secteur agricole pour se faire une santé, avec moins de 1000 kilomètres carrés de terres arables (0,04% de la superficie totale du territoire). Vous me direz aussi qu’avec des précipitations moyennes d’à peine 130 millimètres par an il est difficile d’avoir des ambitions en la matière. Alors il n’y a pas d’autre alternative : Djibouti se rabat presque totalement sur ses importations pour nourrir sa population.

Le salut viendra de la position géographique du pays, à la porte méridionale de la mer Rouge, la jonction entre l’Afrique et le Moyen-Orient. Djibouti est à quelques encablures des voies maritimes qui affichent les trafics commerciaux les plus denses du monde. Donc les ténors du commerce mondial font tout pour y avoir un oeil – des bases militaires – sur les navires, même l’OTAN campe sur place. C’est dire la place très particulière du pays d’Ismail Omar Guelleh. Djibouti a décidé d’en faire sa force et les résultats sont spectaculaires.

Pourvu que le pays exploite son gros potentiel…

L’économie est adossée sur un imposant complexe portuaire, parmi les plus modernes de la planète. Les flux de marchandises qui transitent par le port de Djibouti devraient atteindre rapidement des sommets, en même tant que le développement économique de l’Éthiopie, pays voisin et partenaire commercial de premier plan. Si les voisins vont bien, Djibouti, dont beaucoup de pays enclavés dépendent pour importer et exporter, ira bien forcément.

Les autorités djiboutiennes ont d’autres cordes à leur arc : Le patrimoine naturel qui peut faire éclore un tourisme haut de gamme, des ressources marines inexploitées et une infrastructure de câbles de télécommunications sous-marins qui pourrait sous-tendre des activités numériques et de services florissantes. Les énergies renouvelables pourraient aussi générer de précieux points de croissance dans un pays qui a un très gros potentiel géothermique, solaire et éolien.

L’économie nationale montre des signes de reprise après la mauvaise passe de 2022. Le pays doit cette bonne nouvelle au rebond du commerce et de la demande de services logistiques en Éthiopie, après l’accord de paix conclu entre le gouvernement fédéral éthiopien et les rebelles du Tigré en novembre 2022. La croissance du PIB, évaluée à 3,1% en 2022, est montée à 4,7% l’an dernier et on prédit 6,2 pour 2024. Le taux d’inflation en glissement annuel, qui avait culminé 11% en juillet 2022, est retombé à 1,2% en juillet 2023…

Reste à solutionner le problème des tensions budgétaires à cause de la chute des recettes fiscales, des dernières mesures d’exonérations fiscales et de l’explosion du coût du service de la dette. La bonne nouvelle c’est que le secteur bancaire tient le choc avec une rentabilité croissante et un repli des crédits improductifs, en dépit des difficultés économiques ces derniers mois. Le commerce extérieur et les investissements dans les grands chantiers publics devraient faire beaucoup de bien au PIB du pays.

Toutes ces bonnes perspectives tiennent à plusieurs fils, endogènes et exogènes : Le gonflement de la dette publique, les tensions régionales, le dérèglement climatique et l’accentuation du conflit au Proche-Orient, sans parler des risques de prolongement et d’extension de la guerre en Ukraine. Autant dire qu’il faudra plus que la bonne volonté des autorités pour maintenir la stabilité économique et la cadence de la croissance de Djibouti.

 

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