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Exclusif – Le baromètre du e-commerce en Tunisie vague 04 : Décryptage des tendances

Exclusif – Le baromètre du e-commerce en Tunisie vague 04 : Décryptage des tendances

Le secteur du e-commerce est en pleine effervescence en Tunisie, et il est temps de plonger au cœur des statistiques pour dévoiler les tendances réelles de cette révolution numérique. La quatrième vague du Baromètre du e-commerce apporte des éclairages essentiels sur la manière dont les Tunisiens embrassent le shopping en ligne.

Le marché mondial du e-commerce connaît une croissance exponentielle, avec une projection de 3,64 billions de dollars américains en 2023, enregistrant une progression de 9,6 % par rapport à l’année précédente, selon Statista. Cette tendance ne s’arrête pas là, avec une estimation d’une croissance annuelle moyenne de 11,17 % de 2023 à 2027, faisant grimper le marché à des sommets vertigineux de 5,56 billions de dollars américains d’ici à 2027.

La Chine est championne mondiale du e-commerce et tisse sa toile

La Chine s’accapare la part du lion et domine le marché mondial du e-commerce avec un volume de marché projeté de 1 318,7 milliards de dollars américains en 2023, soit plus de 36% de part de marché. L’électronique est secteur le plus important du e-commerce chinois qui devrait croître à un rythme annuel moyen de 12,2 % jusqu’en 2027. Dans le cadre de la stratégie « Made in China 2025 » la Chine trace les nouvelles routes de la soie du numérique afin de soutenir le commerce électronique et son expansion mondiale.

Selon cette tendance, le marché chinois devrait afficher les taux de croissance les plus élevés parmi les trois principales régions (les États-Unis, la Chine et l’Europe).

Les Etats-Unis talonnent la Chine avec un marché estimé à 925,4 milliards de dollars américains en 2023. Le taux de croissance annuel moyen du e-commerce américain est évalué à 11,2 % pour la période 2023-2027.

Le troisième plus grand marché du commerce électronique en 2023 est l’Europe, avec des revenus de 631,9 milliards de dollars. Une croissance annuelle de 9,3 % est attendue pour l’Europe d’ici 2027.

Le e-commerce : Une économie à part entière

En voilà quelques chiffres qui devraient clouer le bec à ceux qui croient encore que le e-commerce est un phénomène de mode et qu’on a encore le choix d’embarquer ou non dans l’aventure.

N’en déplaise à ces ‘‘éternels récalcitrants averses’’, le commerce électronique est un virage inéluctable qui s’est érigé au rang de marché à part entière. Une économie digitale se développe à grande allure et bouscule les habitudes de consommation des consommateurs de plus en plus connectés, mobiles et actifs sur les réseaux sociaux. Des communautés de socionautes se développent et bousculent les tabous du commerce traditionnel.

Les consommateurs ont le pouvoir, se réunissent en communautés et font la pluie et le beau temps des commerçants.

Les entreprises n’ont plus le choix. Erik Qualman l’avait prédit déjà en 2016 (dans son livre Socialnomics: How Social Media Transforms the Way We Live and Do Business), “ The ROI of social media is that your business will still exist in 5 years”.  En d’autres termes l’utilisation efficace des médias sociaux peut contribuer à la croissance, à la pérennité et à la réussite à long terme de l’entreprise.

Les médias sociaux sont un moyen puissant de construire une présence en ligne, d’attirer de nouveaux clients, de fidéliser les clients existants, de promouvoir la marque et de générer des ventes, ce qui peut contribuer à assurer la viabilité de l’entreprise sur le long terme.

A l’inverse, le manque d’investissement dans les médias sociaux pourrait avoir un impact négatif sur la survie de l’entreprise à long terme. En d’autres termes, si l’entreprise ne tire pas parti des médias sociaux pour promouvoir ses activités, elle pourra être à risque de ne pas survivre dans les cinq prochaines années en raison de la concurrence, du manque de visibilité en ligne, ou de la difficulté à atteindre de nouveaux clients.

Le e-commerce évolue : bienvenue dans l’ère du u-commerce

Depuis ses débuts dans les années 90, le e-commerce a subi les tendances avec des appellations diverses : m-commerce, v-commerce , me-commerce, s-commerce,…. La dernière ventilation en date est celle de u-commerce pour commerce électronique ubiquitaire. Cet u-commerce cache une logique simple : être présent quand le consommateur pense à acheter.

Pour les puristes, le e-commerce idéal , serait donc basé sur les 04 « u » :

  • Ubiquité :

Pour les commerçants il faudra être accessible de n’importe où, n’importe quand et de n’importe quel dispositif (Any where, any time, any device).

Comme le dit Denis Terrien, le fondateur d’Amazon.fr  et actuel Pdg du groupe 3 Suisses International (3SI) : Il n’y aura pas de commerce sans distance (u-commerce) s’il n’y a pas de développement fort de services pour l’accompagner”

  • Unicité :

L’unicité permet aux utilisateurs d’être identifiés non seulement par leur identité, mais également par leur profil, leurs préférences et leur géolocalisation. Les informations sont personnalisées en fonction de chaque individu, de l’appareil utilisé, et du contexte, incluant l’heure de la journée, le lieu, et le rôle de l’individu à ce moment-là (au travail, en famille, en train de faire des courses, en loisirs, etc.).

  • Universalité

Peu importe le terminal ou dispositif utilisé, l’universalité implique que l’internaute peut accéder au contenu partout et en tout temps.

  • Unisson

L’unisson se traduit par l’intégration des données au sein de multiples applications, offrant ainsi aux utilisateurs une vision cohérente de leurs informations, indépendamment de l’appareil qu’ils utilisent. Cette harmonisation garantit une expérience client fluide et homogène sur l’ensemble de la plateforme, améliorant ainsi la satisfaction et la fidélité des clients.

Un e-commerce qui ne connaît pas la crise

Connu comme une chasse aux aubaines, le commerce électronique permet aux consommateurs de trouver rapidement et à moindre coût le produit répondant aux besoins. L’information étant rendue accessible, les commerçants doivent rivaliser d’ingéniosité afin de bâtir un tunnel de vente efficace et efficient. L’objectif ultime est bien entendu d’attirer, convertir et retenir le consommateur.

Le commerce électronique bâti autour de la création de la valeur consommateur permet aux entreprises, outre les avantages de dématérialisation en aval, d’optimiser la chaîne de valeur globale via une intégration en amont et de propulser ainsi le business model de l’entreprise.

Le e-commerce constitue, dans ce sens, un levier de marché et un accélérateur confirmé aux affaires.

Mieux encore le e-commerce est non seulement une alternative au commerce traditionnel mais une solution de rechange et les différentes crises mondiales l’ont démontré.

Plus la crise économique s’accentue, plus le pouvoir d’achat du consommateur baisse, plus le web se positionne comme le canal privilégié pour trouver ce que le consommateur cherche au meilleur prix et dans les meilleures conditions. Le même effet miroir est constaté du côté du commerçant qui cherchera grâce au e-commerce à écouler sa marchandise plus rapidement et à moindre coût en allant au-delà de sa zone de chalandise. Le e-commerce est ainsi un accélérateur des ventes.

Le e-commerce a prouvé sa résilience face aux crises économiques, offrant aux consommateurs la possibilité de trouver des produits à des prix avantageux. La pandémie de COVID-19 a accéléré cette tendance, stimulant les achats en ligne même dans des secteurs traditionnellement moins adaptés à cette forme de commerce.

La dernière crise sanitaire du COVID-19 est venue donner le coup de grâce aux modèles brick and mortar (brique et mortier en français) des entreprises classiques qui disposent d’un ou de plusieurs points de vente physiques. En effet, dans une situation de confinement où la mobilité est réduite, le modèle de commerce physique était paralysé. Tant les consommateurs que les commerçants devaient, à tout prix, trouver un moyen d’interagir en dehors des canaux classiques, confinement et distanciation sociale obligent.

Le COVID-19 a été un véritable coup de fouet pour prendre finalement le virage numérique et faire le pas vers les achats et la vente en ligne même pour des secteurs qui étaient fondamentalement peu ou carrément adaptés au e-commerce comme l’épicerie, les primeurs, la poissonnerie, la boucherie, l’habillement,…

La pandémie de Covid-19 a dopé le commerce électronique. Les spécialistes qualifient cette croissance soudaine de véritable boom, du e-commerce et du secteur du numérique en général. Une croissance à 2 chiffres a été observée même dans les marchés les moins matures et à faible inclusion numérique.

En effet, selon la CNUCED, la part du commerce électronique dans le commerce de détail mondial est ainsi passée de 14 % en 2019 à environ 17 % en 2020. Déjà la CNUCED avait prédit que la tendance enregistrée pour le commerce électronique en 2020 devrait se maintenir au cours de la reprise. Le commerce électronique ne serait-il donc pas devenu la nouvelle normalité ?

Qu’en est-il en Tunisie ?

Plusieurs sources/départements  suivent les indicateurs du commerce électronique en Tunisie à savoir :

  • Le Ministère du commerce et de développement des exportations;
  • Monétique Tunisie;
  • La Poste tunisienne;
  • Le Ministère des technologies de la communication ;
  • La Banque Centrale de Tunisie qui a pris récemment le ‘‘lead’’ du dossier et qui édite trimestriellement son Bulletin des paiements;

Le plus récent bulletin n°5 des paiements de la BCT est celui du 1er semestre 2023 (publié le 19/09/2023)! Selon ce même document, on compterait 1102 sites web marchands actifs (site ayant enregistré au moins 1 transaction durant une année glissante). Pour rappel le nombre de site de commerce électronique était de 2182 en 2020. Le Ministère des technologies parle de 411 sites web de commerce électronique utilisant la plateforme e-dinar en 2021 contre 365 sites en 2020.

Selon le dernier bulletin de la BCT, on dénombre 6722 mille cartes bancaires et postales.

Quant au paiement mobile, les quatorze prestataires de services autorisés comptent 222 mille wallets, qui ont permis près de 78,7  mille transactions pour une valeur moyenne de 17 millions de dinars, soit un paiement moyen de près de 216 dinars.

Le nombre de transactions de paiement électronique a augmenté de 35,2%, atteignant 7,5 millions de transactions. La valeur de ces transactions a augmenté de 41,6% pour atteindre 538,8 millions de dinars entre Juin 2022 et Juin 2023.

Les chiffres officiels de la BCT présentent le commerce électronique d’un point de vue purement transactionnel. Il s’agit dans ce contexte d’une vision qui repose sur l’hypothèse que peu importe le processus d’achat, la transaction finit par être payée moyennant un instrument de paiement électronique.

Cette vision purement transactionnelle ne permet pas de capturer tout le flux des échanges et le réel potentiel du commerce électronique.

Ces chiffres de la BCT excluent bien évidemment les paiements à la livraison en cash ou par chèque et surtout les ventes via des pages sociales non réglementées et échappant à tout contrôle.

Ce e-commerce parallèle représenterait, selon les experts, au moins le double du volume d’affaires de son homologue classique. Les chiffres de la BCT ne sont que la pointe visible de l’Iceberg. Le marché réel du e-commerce tunisien serait dans cette logique beaucoup plus important et il conviendrait d’aller au-delà des chiffres officiels pour comprendre cette vraie dynamique de marché.

Le baromètre du e-commerce en Tunisie

Etant donné les limites des chiffres officiels permettant de fournir une image fidèle et complète du e-commerce Tunisien, MDWEB a lancé en 2018 le baromètre du commerce électronique.

Ce baromètre contrairement aux chiffres de la BCT est orienté vers la fonction de la demande. Il a pour objectifs de Mettre en place un outil de mesure global et périodique pour analyser et suivre les principaux indicateurs du e-com.

Ce baromètre vise donc à fournir un état des lieux fidèle du e-com pour une meilleure connaissance du marché et constituer des éléments fiables pour une prise de décision ou une réflexion stratégique sur le secteur : pour les détaillants et les acteurs de l’écosystème du e-commerce dans une logique inclusive.

Ce baromètre permet de disposer d’un outil de mesure du comportement des internautes en matière d’achat en ligne et notamment d’indicateurs qui n’existent pas dans les chiffres officiels tels que :

  • Le taux de pénétration du commerce en ligne ;
  • Le comportement des acheteurs en ligne : ancienneté, fréquence, produits achetés, moyens, médias et appareils utilisés, panier moyen ;
  • Les intentions d’achat ;
  • Les motivations et les freins à l’achat ;
  • Le profil des acheteurs et des non acheteurs ;

Il est à rappeler que ce baromètre a suscité l’intérêt de la CNUCED qui dans le cadre de l’évaluation de l’état de préparation de la Tunisie au commerce électronique (eT Ready), s’est appuyée sur cette expertise tunisienne pour lancer une enquête en ligne portant sur ‘‘le Consommateur tunisien, Internet et les achats en ligne’’. Cette étude réalisée entre le 19 Mai et le 27 Juin 2021 est considérée comme une prolongation du baromètre dans sa vague 03.

MDWEB vient de dévoiler les résultats de sa vague 04 du baromètre de e-commerce. Ci-après, en exclusivité, les principaux chiffres clés et apprentissages.

Cette vague 04 est basée comme les précédentes sur une enquête en ligne en mode CAWI avec questionnaire auto-administrés sur Internet Période de communication a été du 23 Mai au 14 Août 2023. La marge d’erreur est de 5% avec un niveau de confiance de 95%.

Il en ressort de cette quatrième vague que près de ¾  des internautes Tunisiens (74,6% ) ont acheté en ligne. Plus de la moitié (51,4% ) des acheteurs en ligne font au moins un achat par mois et 22.4% achètent au moins une fois par semaine.

Les 3 types de produits/services les plus achetés sur Internet sont : Règlement de Factures (téléphone, Internet STEG, SONEDE) (51%), Textile et Habillement (38,8%) et Recharge Téléphone (37,3%).

La valeur moyenne des achats est de 156,4 Dinars par mois. Il est à rappeler que la panier moyen était de 150,4 Dinars par mois lors de la vague 03 du baromètre.

La moitié des acheteurs dépensent moins de 93,1 Dinars pour leurs achats par mois.

Les canaux les plus utilisés pour les achats en ligne sont les sites web des commerçants (76,5%) et les réseaux sociaux (38%).

Le téléphone et le PC sont les 2 dispositifs les plus utilisés par les acheteurs en ligne (72,2% et 71%).

Plus de la moitié des acheteurs soit 50,6% paient exclusivement à la livraison leur achats en ligne. Seulement 16,5% paient à la commande (en ligne).

L’argent liquide est le moyen le plus utilisé pour les paiements à la livraison (94,4%) suivi par le paiement par carte bancaire/TPE (22,1%) et les chèques (18,8%).

La carte bancaire est de loin le moyen le plus utilisé pour les paiements à la commande (91,3%) suivi par le paiement par carte de la poste (11,9%).

La manque de confiance dans le site/commerçant (59,6%) et le système de paiement (31,9%) sont les principales raisons pour lesquelles les acheteurs paient à la livraison.

Le livreur du vendeur (63,5%) ou le livreur privé (51,8%) sont les deux modes préférés par les acheteurs. La livraison en drive ou en point relais arrive en 3ème position avec 23,9%.

Les critères les plus importants pour faire les achats en ligne sont la clarté du site (59,6%) et l’attractivité des prix (52,9%)

La manque de protection des consommateurs (qualité, droit à la réparation et dommage, droit à la garantie, etc.) (69%) et le non-accès aux sites web étrangers (34,8%) sont les principaux freins à l’achat en ligne.

Et après ! Quelles sont les leçons à tirer ?

En attendant l’exécution du plan d’action du Ministère du Commerce et du Développement des Exportation, beaucoup de choses restent à faire.

Le e-commerce doit être inclusif. Pour avancer vite et bien, certains quick wins peuvent être réalisés rapidement.

Que faudrait-il pour disposer d’un portail national basé sur un annuaire des sites de commerce électronique. Les opérateurs de paiement électronique tunisiens disposent déjà de la liste des commerçant exploitant en ligne ces kits.

Pourquoi ne communiqueraient-ils pas pour faire connaitre au grand public les sites sur lesquels ils peuvent acheter et payer en toute quiétude. Pourquoi l’internaute tunisien est toujours voué à lui-même et qu’il est condamné à faire de l’achat en ligne une opération risquée de ‘‘fly by night’’.

Pourquoi le Label de fiabilité des sites de e-commerce n’a toujours pas été lancé ?

Toutes les études convergent pour dire que la confiance est le nerf de guerre du commerce électronique. Sans confiance, il n’y a pas d’échange.

Cette confiance passe par les partenaires et les processus. Un grand effort de sensibilisation reste à faire par les institutions monétaires et autres opérateurs de paiement pour vulgariser le e-commerce et le rendre accessible aux consommateurs et entreprises. Aussi faut-il que ces institutions le veuillent.  Pour l’instant tout laisse penser que non.

On en est encore et toujours au même point :  un paradoxe de l’œuf et la poule, logique à un problème moral, qui se traduit par ‘‘ On n’offre pas la prestation car le consommateur ne le demande pas !’’ C’était un PDG d’une banque qui me l’avait confié en juillet 2005 en abordant le e-commerce. Aujourd’hui rien n’a toujours été fait. C’est à croire que le statuquo paie !

Par Walid Kooli

Enseignant universitaire, expert accompagnateur en commerce électronique, stratégies et transformation digitales des entreprises.

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