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Gabon : L’épidémie des coups d’État freine la dynastie Bongo et c’était prévisible…

Gabon : L’épidémie des coups d’État freine la dynastie Bongo et c’était prévisible…

On est loin d’en avoir fini avec le chaudron nigérien et ses inquiétants développements, ses contrecoups pour toute la région et l’Afrique, voilà que l’épidémie des coups d’État frappe déjà ailleurs, en Afrique centrale cette fois, au Gabon, pourtant réputé pour sa stabilité. Le 11 juillet dernier on vous parlait de la situation ubuesque de ce pays qui a à sa tête un président – Ali Bongo Ondimba – fortement handicapé par un accident vasculaire cérébral, pourtant il brigue et finalement obtient un troisième mandat dans des conditions obscures, après 14 ans de règne sans partage. Ce sera le mandat de trop…

Chronique d’une tragédie annoncée

La réélection très contestée de Bongo, accusé d’avoir activé la machine à frauder, a fait naître une crise politique d’une gravité sans précédent. Au scrutin de 2016 il avait comme adversaire Jean Ping et sa réélection avait déjà provoqué des remous. Mais cette fois le bruit est beaucoup plus intense, à la faveur du bouillonnement au sein d’une jeunesse qui a décidé de prendre son destin en main. Le pouvoir en place a flairé le danger en coupant l’accès à internet et en décrétant un couvre-feu avant même la présidentielle, le 26 août 2023. Cela n’a pas calmé la rue. L’armée gabonaise s’en est mêlée.

La réélection du président sortant a été officialisée hier mardi 29 août dans la soirée. Très tôt dans la matinée du mercredi des militaires ont fait savoir qu’ils mettent «fin au régime en place», ont déclaré nuls et non avenus les résultats de l’élection et annoncé la dissolution de toutes les institutions du pays. Bongo n’a pas écouté la voix de la raison en passant pacifiquement la main, l’armée la prend.

Il est encore trop tôt pour tirer quelque enseignement de ce séisme politique majeur mais de toute évidence tous les ingrédients étaient réunis pour que le Gabon bascule et prenne une trajectoire dont on est incapable de prévoir l’issue. Bongo n’aura pas la même fin de règne que son papa, qui a tenu le pays d’une main de fer durant 41 ans. A son décès, en 2009, le fils prend les rênes après une parodie d’élection comme l’Afrique sait en fabriquer. Le père fut un des grands acteurs de la «Françafrique», la succession dynastique n’a pas fondamentalement remis en cause ce système.

De gros intérêts économiques français, comme au Niger…

Mais depuis 2010 il y a de l’eau dans le gaz entre Paris et Libreville. La famille Bongo a très mal encaissé les enquêtes déclenchées par la justice française sur les «biens mal acquis» qui nichent un peu partout dans l’Hexagone, notamment un impressionnant patrimoine immobilier acheté avec les deniers publics détournés du Gabon. Cela n’a en rien impacté les gros intérêts économiques français au Gabon, l’un des pays les plus aisés du continent africain, avec un PIB par habitant de 8820 dollars en 2022.

Le Gabon doit ses recettes à la manne pétrolière, au bois et au manganèse surtout, des revenus qui arrosent copieusement une population d’à peine 2,3 millions d’habitants. Mais voilà, cette situation confortable a ses limites : le pays est englué dans un faible niveau de développement, une sous-industrialisation, une économie peu diversifiée et qui s’adosse trop sur les hydrocarbures…

La conséquence immédiate c’est qu’un habitant sur trois vivait sous le seuil de pauvreté à fin 2022, d’après la Banque mondiale, un scandale absolu dans ce richissime petit Etat d’Afrique centrale. Alors qu’à côté la classe dirigeante baigne dans une insolente opulence, se vautre dans la corruption et les détournements de fonds publics à tous les étages. C’est aussi tout cela que la dynastie Bongo a fini par payer.  

 

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