Réduire et compenser les émissions CO2 et l’empreinte carbone est un enjeu de taille pour les entreprises. Présenté par la Commission européenne, le mécanisme d’ajustement carbone aux frontières vise à taxer les émissions de CO2 liées aux importations d’acier, de ciment, d’engrais, d’aluminium et d’électricité.
Ce dispositif n’entre en vigueur qu’à partir de 2026, mais il ne va pas sans questionner l’impact sur la compétitivité des entreprises tunisiennes par rapport à leurs concurrents. Les exportateurs tunisiens vers l’Union européenne, premier partenaire de la Tunisie, devront déclarer la quantité d’émissions contenues dans les biens exportés.
En effet, une taxe aux frontières sera imposée aux produits exportés. Cela requiert des efforts de la part du secteur public et du secteur privé en matière d’efficacité énergétique qui constitue un vaste champ d’innovations technologiques et financières.
Pour Rafik Missaoui, expert en énergie et climat, la décarbonation passe par l’utilisation des énergies renouvelables et le renforcement de l’efficacité énergétique dans le processus de production. “Nos entreprises exportatrices sont menacées par une perte de compétitivité sur le marché européen. Le cadre réglementaire est là. Aujourd’hui, la balle est dans le camp de nos entreprises”, estime Rafik Missaoui dans une déclaration à Tunisie Numérique.
Des actions et des besoins en financement
Pour une meilleure rentabilité et une plus grande efficacité, des experts tunisiens estiment que chaque dinar investi dans la transition énergétique permet un investissement de 5 dinars dans la maîtrise de l’énergie, réduit de 7 dinars la facture énergétique et permet à l’Etat d’éviter une subvention de 3 dinars.
Pour la période 2023-2025, les besoins en financement pour les projets de transition énergétique sont estimés à 650 millions de dinars. D’ici 2030, ces besoins atteindront les 2230 millions de dinars. L’efficacité énergétique est assurément un domaine prometteur pour le secteur privé dont les acteurs peuvent financer la plupart des investissements relatifs aux équipements et aux infrastructures.
Selon Lotfi Brahem, enseignant – Ingénieur chercheur en Génie des Procédés, pour faire des économies d’énergie il faut au moins utiliser une énergie pour fournir le même niveau de service énergétique.
Les exemples ne manquent pas : Dans l’industrie des plans d’action sont possibles comme l’installation d’un circuit vapeur, un circuit d’air comprimé, une lumière de qualité pour améliorer la productivité, la récupération de la chaleur perdue dans le processus de fabrication, le recours à l’isolation thermique, la cogénération, la biomasse, l’hydrogène vert, l’implémentation de la norme ISO 50001 – 2018…
Choix irréversible
“Les industriels tunisiens sont contraints d’investir dans l’efficacité énergétique et les énergies renouvelables pour diminuer l’empreinte carbone dans leurs produits, notamment ceux destinés à l’export. Mais ces industriels ont besoin d’accompagnement et de mécanismes pour atteindre cet objectif, d’où le rôle important de l’ANME”, déclare Fethi Hanchi, Directeur général de l’Agence Nationale de Maîtrise de l’Énergie (ANME) à Tunisie Numérique en marge du MEETMED WEEK, organisé du 22 au 24 avril 2024 à Hammamet en collaboration avec l’Agence algérienne de rationalisation de l’énergie et financé par l’Union européenne.
Pour ce faire, l’ANME œuvre actuellement à mettre en place, avant la fin de l’année en cours, une plateforme de comptabilité carbone qui englobe tous les outils nécessaires pour permettre aux entreprises tunisiennes, dans une première étape, d’évaluer le contenu carbone dans leurs produits dans une démarche de décarbonation.
Au niveau des entreprises, des actions sont à mener en vue de réduire la quantité d’émissions contenues dans les maillons de la chaîne d’approvisionnement (moyens de transport…). Pour encourager le secteur privé à se lancer dans des processus d’efficacité énergétique, l’Etat a déjà accordé, à travers le Fonds de transition énergétique (FTE), durant la période 2010 – 2022, un montant de 360 millions de dinars au titre des primes dont 25 millions de dinars accordés en 2022.
Une moyenne annuelle de 120 contrats-programmes sont signés pour un engagement estimé entre 60 et 70 millions de dinars au titre des primes. Notons que plusieurs entreprises mettent en place des plans d’action d’efficacité énergétique sans demander des primes et des financements, ce qui reflète l’importance de l’économie d’énergie pour les industriels.
Exemple d’actions d’efficacité énergétique :
Visite dans une entreprise de fabrication de produits d’économie d’énergie
La fabrication de produits d’économie d’énergie semble être rentables pour les industriels tunisiens. Dans le cadre des Journées des journalistes ambassadeurs de la transition énergétique organisées par l’ANME et à laquelle ont pris part deux journalistes de Tunisie Numérique, une visite a été organisée dans l’entreprise Sky Energy Company installée à Zaghouan et spécialisée dans la fabrication de produits d’éclairage intérieur, d’éclairage public extérieur et d’éclairage professionnel et industriel permettant une économie d’énergie et une réduction des coûts de possession et de maintenance.
Cette success story 100% tunisienne dans son domaine a été lancée depuis presque six ans. Elle commercialise ses produits dans plus de 600 magasins et grandes surfaces implantés dans le pays. L’entreprise compte diversifier davantage ses marchés à l’export à l’instar du marché algérien.
“Pour être compétitifs, baisser les coût et réaliser une plus forte valeur ajoutée en matière de technologie LED, nous sommes actuellement à un taux d’intégration d’environ 70% à travers la transformation de la matière première dans trois unités à savoir la partie électronique, la partie lumineuse et la partie mécanique (l’injection aluminium). Diversifier les marchés à l’export est notre espoir”, déclare Sadri Chakroun, Directeur général de Sky Energy Company.
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