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L’or liquide de la Tunisie : le parcours de l’huile d’olive tunisienne entre succès et obstacles

L’or liquide de la Tunisie : le parcours de l’huile d’olive tunisienne entre succès et obstacles

L’huile d’olive occupe une place d’importance primordiale en Tunisie, tant du point de vue économique que culturel. Ce précieux trésor méditerranéen est non seulement un moteur essentiel de l’économie nationale, générant des revenus substantiels grâce à ses exportations vers l’Union européenne et au-delà, mais il incarne également une tradition ancienne profondément enracinée dans le tissu culturel du pays. 

Toutefois, Le secteur de l’huile d’olive en Tunisie est confronté à un ensemble de défis importants. La sécheresse, en particulier dans certaines régions affecte. La concurrence internationale, en particulier des pays voisins de la Méditerranée, qui exerce une pression sur les prix et la part de marché tunisienne. La vente en vrac, qui prévaut dans certaines exportations, peut limiter la valeur ajoutée et la reconnaissance de la qualité des produits tunisiens. De plus, le système de quotas pour les exportations vers l’Union européenne a été source de préoccupations en raison de ses limitations et de sa complexité. 

Des exportations record de près de 3 milliards de dinars en 2022/2023

La Tunisie est le premier exportateur mondial d’huile d’olive en dehors de l’UE. Alors que les prix de la denrée sur le marché explosent depuis le début de l’année, l’industrie locale est en passe de réaliser sa meilleure performance à l’export d’ici la fin de la campagne de 2022/2023.

En Tunisie, l’industrie oléicole devrait engranger jusqu’à 3 milliards de dinars (900 millions $) grâce à ses exportations d’huiles d’olive en 2022/2023. C’est ce qu’estime l’Office national de l’huile (ONH) le 8 septembre dernier.

Ces prévisions, si elles se réalisent, traduiraient une hausse de 36% par rapport aux 2,2 milliards de dinars (707 millions $) de revenus obtenus au cours de l’exercice précédent. Pour conforter ses attentes, le responsable indique en effet que la valeur des exportations d’huile d’olive tunisienne durant les 8 premiers mois de l’année 2023 a atteint 2,7 milliards de dinars (861 millions $). Un montant qui traduit déjà une hausse de 22% par rapport à l’ensemble des revenus d’exportations de la campagne précédente.

Cette croissance des recettes de l’industrie oléicole tient principalement à une appréciation des prix de l’huile d’olive sur le marché international sur fond d’incertitudes d’approvisionnement de la denrée liées à la grave sécheresse qui frappe plusieurs fournisseurs, dont l’Espagne qui fournit habituellement 40 % de l’offre mondiale.

En août dernier, la tonne d’huile d’olive s’est ainsi négociée autour de 9 000 $ sur le marché international, soit deux fois plus que le tarif de 4247 $ affiché un an plus tôt. 

Une campagne 2023-2024 meilleure que la campagne précédente

La Tunisie s’attend à ce que sa production d’olives atteigne 1 million de tonnes au cours de la saison 2023-2024, avec 200 000 tonnes d’huile d’olive au total, soit une augmentation de 11% par rapport à la saison précédente. C’est ce qu’a déclaré la représentante de la Direction générale de la production agricole au ministère de l’Agriculture, des Ressources hydrauliques et de la Pêche, Dorsaf Ben Ahmed à la presse. 

Une conjoncture internationale favorable aux exportations tunisiennes

Le prix de l’huile d’olive subit en effet une envolée remarquable, son niveau mondial ayant grimpé à 8900 dollars (8326 euros) la tonne en septembre, rapporte des médias internationaux. En août, l'”or liquide” affichait déjà un prix moyen 130% supérieur à celui de l’année dernière. En cause: les sécheresses qui frappent plusieurs régions de la Méditerranée et où se produisent une grande partie des huiles d’olive du monde.

Des conditions météorologiques qui ont entraîné une chute drastique de la production ibérique d’huile d’olive par rapport aux saisons précédentes. Selon les données de la société d’information sur le marché des matières premières Mintec, L’Espagne en a produit au cours de la dernière saison 610.000 tonnes: c’est moitié moins que sa production habituelle. La Grèce et l’Italie ont également été touchés par des épisodes de sécheresses intenses ces derniers mois. Or ils sont respectivement les deuxième et troisième, producteurs d’huile d’olive, d’après des données du Conseil oléicole international, une organisation intergouvernementale qui représente plus de 98% de la production mondiale.

Débat autour du système de quotas 

L’huile d’olive tunisienne a longtemps été un pilier de l’exportation agricole du pays vers l’Union européenne (UE). Pourtant, la relation entre la Tunisie et l’UE, régulée par un système de quotas, a été marquée par des défis, des ajustements et des débats au fil des années. Cet article examine le système de quotas d’exportation d’huile d’olive tunisienne vers l’UE et son impact sur les producteurs tunisiens et les marchés européens.

L’Objectif initial du système de quotas

Le système de quotas a été conçu pour équilibrer les intérêts des producteurs européens et tunisiens. 

Son objectif est de protéger les producteurs européens tout en offrant des opportunités d’exportation à la Tunisie. Cependant, l’application de ce système a été sujette à des fluctuations et à des défis.

Fluctuation des quotas : soutien temporaire ou manœuvre politique ?

Un aspect notable du système est la fixation de quotas variables, ce qui peut rendre difficile pour les exportateurs tunisiens de planifier leurs expéditions. En 2013, le pic des exportations d’huile d’olive tunisienne a coïncidé avec un quota mensuel minimal, entraînant une sous-utilisation du quota annuel, ce qui a eu des conséquences économiques négatives pour les exportateurs tunisiens.

En réponse aux attentats de 2015, l’UE a décidé d’accorder un supplément de quotas annuel temporaire pour les années 2016 et 2017. Cependant, en accordant la totalité du quota de 57 600 tonnes en janvier 2016 pour bénéficier du supplément, l’UE a pu donner l’impression de soutenir le secteur de l’huile d’olive tunisien, bien que la Tunisie n’ait pas pu utiliser pleinement le quota habituel ni le supplément.

Débats sur le quota et appel à la libéralisation des exportations

Le niveau du quota a été un sujet de débat constant. Les autorités tunisiennes ont plaidé pour une augmentation du quota, alors que certains agriculteurs européens considèrent les importations en franchise de droits en provenance de Tunisie comme une concurrence déloyale.

Plus récemment, le président de l’Union Tunisienne de l’Industrie, du Commerce et de l’Artisanat (UTICA), Samir Majoul, a appelé à la libéralisation des exportations, en particulier pour l’huile d’olive et le textile, vers le marché européen. Cet appel suggère un désir de réviser le système actuel et d’assouplir les restrictions.

Le système de quotas pour les exportations d’huile d’olive tunisienne vers l’UE a connu des hauts et des bas. Les quotas mensuels variables, la stricte application des règles, les défis liés à l’utilisation des quotas supplémentaires, les nouvelles règles de traçabilité et les appels à la libéralisation soulignent la nécessité d’une réévaluation du système et trouver un équilibre qui profite à la fois aux producteurs tunisiens et aux marchés européens, tout en garantissant la qualité et la traçabilité des produits.

En vrac ou conditionnée ?

L’exportation en vrac de l’huile d’olive tunisienne vers les deux principaux pays concurrents, probablement l’Espagne et l’Italie est le résultat de pressions concurrentielles et de coûts de production, mais elle limite la valeur ajoutée et la reconnaissance de la qualité de l’huile tunisienne sur ces marchés. En revanche, l’exportation d’huile d’olive conditionnée vers plus de 60 pays reflète une stratégie visant à diversifier les marchés et à accroître la valeur du produit. 

Cette diversification offre une plus grande visibilité à l’huile d’olive tunisienne et renforce sa réputation sur la scène internationale. La valeur ajoutée des produits conditionnés est souvent supérieure en raison de l’emballage, de la présentation et de la traçabilité, ce qui contribue à positionner l’huile d’olive tunisienne comme un produit de haute qualité sur les marchés internationaux. 

Cela souligne l’importance de promouvoir davantage la transformation et la mise en bouteille de l’huile d’olive tunisienne pour maximiser sa valeur sur les marchés mondiaux et renforcer la position de la Tunisie en tant que producteur d’huile d’olive de qualité.

Chiffres clés:

  • La superficie totale de l’oléiculture tunisienne est estimée à 2 millions d’ha couvertes par environ 107 millions de pieds d’oliviers (DGPA, 2023). 
  •  L’examen de l’évolution de la production entre 2011 et 2022, montre une forte fluctuation avec une moyenne de 192,0 mille tonnes enregistrée au cours des 5 dernières campagnes (DGPA, 2023). 
  •  En 2022, les exportations de l’huile d’olive ont atteint 208 mille tonnes dont 87% vrac et 13% conditionnées. La part de l’huile d’olive biologique est d’environ 25% (Douane Tunisienne, DGAB, 2023). 
  •  Durant la période comprise entre 2011 et 2022, les exportations ont fortement fluctué variant entre 93 mille tonnes et 373 mille tonnes avec une moyenne de 228 mille tonnes enregistrée au cours des 5 dernières années (INS, Douane Tunisienne, 2023). 
  •  64% des quantités exportées par la Tunisie en 2022 ont été orientées vers les marchés de l’Union Européenne (principalement vers l’Espagne (34%) et l’Italie (24%)) (Douane Tunisienne, 2022). 
  •  Au niveau mondial, la Tunisie est classée 3ème producteur et 2ème exportateur d’huile d’olive au cours de la campagne 2021/2022 (COI, 2023). 
  •  L’Espagne et l’Italie sont les principaux exportateurs de l’huile d’olive dans le monde avec des parts respectives de 39,0% et 19,5% des quantités exportées enregistrées au cours de la campagne 2021/2022 (COI, 2023) *. 
  •  Les Etats Unis d’Amérique et l’Union Européenne sont les principaux importateurs de l’huile d’olive dans le monde avec des parts respectives de 35,0% et 13,2% des quantités importées enregistrées au cours de la campagne 2021/2022 (COI, 2023)

Face aux défis, une approche globale est à adopter

Pour stimuler le secteur de l’huile d’olive en Tunisie, il est essentiel d’adopter une approche globale. 

Cela implique d’investir dans des pratiques agricoles modernes pour faire face à la sécheresse, de promouvoir la qualité et la traçabilité des produits pour renforcer la réputation de l’huile d’olive tunisienne, de diversifier les marchés en explorant de nouvelles opportunités internationales, d’encourager la transformation locale pour augmenter la valeur ajoutée, de collaborer avec l’Union européenne pour réviser les systèmes de quotas d’exportation, de soutenir la recherche et le développement. 

En adoptant ces mesures, la Tunisie peut renforcer sa position en tant que producteur d’huile d’olive de haute qualité et soutenir son économie.

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