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Mohamed Abdellatif Chaibi: Sur le court terme, l’impact de la baisse des avoirs en devises sur le Dinar est très faible

Mohamed Abdellatif Chaibi: Sur le court terme, l’impact de la baisse des avoirs en devises sur le Dinar est très faible

Pour évaluer l’impact de la baisse des avoirs en devises sur le taux de change du dinar, Tunisie Numérique a interviewé Mohamed Abdellatif Chaibi, Mathématicien, Statisticien Banquier Conseil. Interview. 

Quelle analyse concernant l’impact de la baisse des avoirs en devises sur le taux de change du dinar ? 

Mohamed Abdellatif Chaibi: En mettant la question dans son cadre de la baisse des avoirs extérieurs, du début de la semaine du 19/02, de 850 M €, à mon avis le plus important lien qui se dégage est que la capacité historique de la Tunisie, à pouvoir honorer ses dettes, est toujours vérifiée.

Le signal qu’envoie un tel remboursement, tranche complète, échéance exacte, en une monnaie forte, ne peut que renforcer la confiance des investisseurs dans les titres de la dette nationale. C’est le genre d’indicateurs, sérieux et significatifs, que les marchés retiennent, beaucoup plus que tout autre rating, notation, ou déclarations négatives faites par ici ou par là.

Toutefois, si l’on limite l’analyse sur le constat naturel de la baisse des avoirs en devises que le remboursement à automatiquement causer, oui ; théoriquement, le taux de change du Dinar en sera impacté.

Théoriquement le taux de change de l’€ sera surcotée et le Dinar perdra encore et davantage de sa valeur déjà faible. Plutôt, à mon avis, déjà affaiblie.

Et en pratique ? 

En pratique les opérations ne se passeront pas suivant la vitesse de la logique théorique. Sur les salles de marché bancaires, les opérateurs locaux, et qui sont plutôt importateurs, demandeurs d’€, patienteront ou chercheront une cotation sur le $ US.

Ainsi, le 2e impact théorique probable, sur le court terme, le $ US s’appréciera par rapport au Dinar. Dans tous les cas, vu la maturité de la Place de Tunis, nous pouvons raisonnablement admettre que les anticipations des opérateurs et des market-maker bancaires, se font encore dans un intervalle de temps commercialement confortable de 105 jours, soit 15 jours de plus que la limite critique de 90 jours en nombre de jours import.

La surchauffe € serait donc bien maitrisée par les salles de marchés bancaires ainsi que par les opérateurs commerciaux locaux. La conclusion est que, en pratique, sur le court terme, l’impact en question serait très faible sur le taux de change du Dinar. 

Et sur le long terme ?

Le long terme lui est beaucoup plus complexe. Le taux de change du Dinar suit une tendance baissière suicidaire. Le Dinar qui valait 0.6 € il y a 10 ans, n’en vaut que la moitié actuellement, 50% de baisse.

Il est urgent de comprendre que nous n’avons pas réussi à faire sauvegarder pour le Dinar le caractère le plus déterminant pour une monnaie : la stabilité. Regardons comment la Banque Centrale du Maghreb a réussi à maintenir le Dirham dans une quasi parfaite stabilité, de 0.9, par rapport à l’ €.

Regardons aussi comment le Franc CFA maintient une parfaite stabilité avec l’€ et que ; à l’inverse, le Dinar, qui valait dans les 399 F .CFA en 2005, ne vaut que dans les 194 actuellement en 2024.

Les arguments commerciaux ou monétaires ayant expliquées les dévaluations répétées du Dinar, depuis ceux de la courbe en J, à ceux commerciaux du développement de l’export, se sont avérées nocives tant pour les tunisiens que pour leur économie.

Faire du développement de l’export des fruits et des légumes un objectif national est déjà discutable, le faire avec un Dinar au 1/3 de sa valeur est catastrophique.

Davantage ; croire qu’en développant l’export nous réduirons la balance commerciale extérieure est encore une autre erreur grossière. Voilà donc où nous en sommes pour le Dinar.

Un référentiel de réflexion tout en erreur où, à titre d’exemple ou de preuve s’il en faut, l’un des impacts les plus visibles, les plus tragiques, est l’affaiblissement généralisé du pouvoir d’achat alimentaire des tunisiens.

D’autre part, en terme de taux de change et de dettes, en comptabilisant au moins 3 Dinars pour rembourser 1€ ou 1$ ; les finances publiques continueront à se dégrader et à durcir dangereusement leur appel fiscal. Le débat sur le Dinar en cache d’autres.

La solution scientifique pour le redresser, et redresser avec l’état de l’économie et du pouvoir d’achat des tunisiens, ne peut venir que d’une Banque Centrale dans des statuts autres que ceux de 2006 et de 2016. Sortir la BCT du ciblage de l’inflation et des prix, lui confier un mandat où l’objectif de la stabilité du Dinar prime avec ceux de l’emploi et du développement de l’investissement intérieur, est à mon avis la parfaite voie de sortie pour notre économie en flagrant manque de développement intérieur en monnaie locale. 

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