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Par Hadi Sraïeb : Coronavirus – Il vaut toujours mieux prévenir que guérir !

Par Hadi Sraïeb : Coronavirus – Il vaut toujours mieux prévenir que guérir !

Ce dicton de la sagesse populaire qui a traversé le temps, a -de toute évidence-, été oublié par nos sociétés dites modernes où domine un productivisme sans foi ni loi et un consumérisme boulimique, ravageur de ressources naturelles et d’ébranlements des équilibres écologiques. Kyle Harper nous rappelle ce constat de bon sens: Nous ne cessons d’empiéter sur les habitats naturels, nous contractons alors de nouveaux agents pathogènes provenant de ces réservoirs d’animaux, ceux-ci mutent et finissent par s’adapter aux humains, puis se propagent à plus ou moins grande vitesse dans les sociétés humaines avec plus ou moins de dévastations.

Pourtant la communauté scientifique n’a pas cessé d’alerter sur les risques encourus dus à la multiplication de nouveaux agents pathogènes issus du bouleversement de la biodiversité et de ses niches écologiques ébranlées et déréglées. La nouvelle pandémie illustre une nouvelle fois la théorie du chaos de James York où il aura suffit d’un simple battement d’ailes d’une chauve-souris pour provoquer l’effondrement de tout le système d’économie libérale globalisé et mettre en péril la vie de millions d’êtres humains qui en dépendent.

Il ne s’agit donc pas, à proprement parler d’ignorance ni de méconnaissance comme cela pouvait être le cas lors des épidémies de peste bubonique au Moyen-Age où même plus près de nous la grippe espagnole au sortir de la première guerre mondiale, mais bien d’une forme d’inconscience délibérée, de déni, de refoulement. Pourquoi les scientifiques ne sont-ils pas entendus ? Pour la raison simple que les projecteurs sont braqués ailleurs et qu’ils n’ont pas l’écoute des dirigeants de ce monde.

La connaissance scientifique ne présente aucun intérêt pour la course effrénée et furieuse de la production de marchandises et l’essor incontinent et frénétique de la circulation des capitaux. Les gouvernements mais aussi l’essentiel des élites dites intellectuelles ont emboîté le pas, se rendant complices involontaires, de cette « croissance pourvoyeuse de bien-être ». De fait nous sommes pris de court !

A l’ère du séquençage du génome, de la microbiologie, de la puissance des modèles prédictifs autour du « big data », les autorités tergiversent et balbutient, la cinétique de la pandémie reste incomprise, les systèmes de santé sont malmenés au risque de rompre et de s’effondrer. Panique à bord, du commandant au matelot comme au passager crédule; la déferlante est bien réelle et à laquelle on ne peut plus opposer que des palliatifs. Des solutions qui n’en sont pas dans la mesure où elles ne font que retarder le mal physiologique, mais bien plus grave, elles le déplacent vers d’autres sphères vitales de la survie matérielle.

Comment en est-on arrivé là ? Lavage de mains et confinement sans le moindre traitement supplétif ni encore moins de perspective de vaccination ? A l’évidence le dérisoire le dispute au pathétique ravageur! La communauté scientifique et de santé observe la débâcle, écœurée, lassée, désabusée…

Car à l’évidence c’est du côté de l’histoire des politiques générales et économiques qu’il faut chercher la réponse à ce qui advient : Manque de matériels de protection de base (pénurie de gants, de solutions hydro-alcooliques, de masques, de survêtements médicinaux), de matériels de réanimation, de lits dédiés…

Tout cela ne doit rien à un aléa imprévisible, à un concours fâcheux de circonstances, à la malchance ou bien encore à la fatalité. Comme partout ailleurs dans ce monde mercantile et vénal, les politiques menées en Tunisie au cours des dernières décennies ont réduit lentement et subrepticement la part des dépenses budgétaires consacré à la santé publique.

Que l’on ne s’y trompe pas, la légère croissance nominale observée d’une année sur l’autre masque en réalité une baisse réelle (illusion monétaire). Ce recul est passé presque inaperçu en dépit d’une demande de prise en charge grandissante et plus diversifiée, mais à laquelle a cherché à répondre un nouveau système de santé plus mercantile (cabinets de groupe, cliniques).

Le désengagement de l’Etat de la santé publique et de ses structures coûteuses au profit d’un système efficient mais privatif de sélection par l’argent était-il inévitable et inexorable? Oui si l’on se réfère à la logique mercantile qui a foisonné et prospéré tout au long de cette période? Non si l’on veut bien se référer à l’état de délabrement dans lequel se trouve les structures publiques et ses personnels au jour d’aujourd’hui! Un système public totalement désarmé, et peut être submergé (si rien n’est déja fait) face à cette hydre galopante. La panique potentielle est encore sous contrôle, mais le sauve-qui-peut n’est pas loin.

On peut toujours croiser les doigts, implorer la miséricorde, faire l’Autruche (comme nous sommes tous contraints de le faire), le mal est là, installé et diffusant sa menace, en attendant des jours meilleurs.

Entre-temps et sans y prendre gare nous avons consenti au basculement irresponsable d’une logique de service public de citoyen-usager à une logique d’un service marchand de client-consommateur.

Il faut espérer que cette grave crise de pandémie servira réellement d’alerte et débouchera sur une réflexion critique sur tout le dispositif de production et de logistique de la santé publique, une sorte de mise à niveau qui aidera à préparer la prochaine. Naïfs ceux qui croient encore que cette prolifération d’agents pathogènes en perpétuel renouvellement ne se reproduira pas!

Il faudrait mentionner les effets collatéraux de ce virus sur les espaces conjoints du social et de l’économique.

Certains évoquent déjà une crise comparable à celle de 1929 ! Rien à voir avec celle de 2008 qui aura tout de même mis près de 5 ans avant que tous ces stigmates ne disparaissent. Il est encore trop tôt pour prédire son cheminement en devenir aléatoire et son cortège de calamités et d’infortunes (reprise du chômage, recul du niveau de vie, précarité débordante) qui ne manquera pas de nous affliger.

Certains tels Don Quichotte croient pouvoir circonscrire l’incendie et conjurer sa propagation avec de petites lances à jet droit et direct, là où plus surement il faudrait pouvoir utiliser des lances à jet diffusé d’attaque comme de protection. L’effort est louable et méritoire, -il va sans dire-, mais risque d’être insuffisant si une large solidarité internationale (notamment financière) ne voit pas le jour !

Prendre conscience des erreurs fatales commises tout au long de cette « glorieuse mondialisation », en tirer toutes les leçons afin trouver de nouvelles réponses…est bien le moins que l’on puisse faire.

Il va sans dire aussi que cela ne pourra pas se réaliser sans la participation active du corps scientifique !

En attendant gloire aux professionnels de la santé qui, en première ligne, font tout ce qu’ils peuvent !

Hadi Sraïeb, Docteur d’Etat en économie du développement.

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