Enseignement

Par Ridha Zahrouni – MAINMISE SUR LES NOTES DE NOS ELEVES: ENJEUX ET ENSEIGNEMENTS?

Par Ridha Zahrouni – MAINMISE SUR LES NOTES DE NOS ELEVES: ENJEUX ET ENSEIGNEMENTS?

Avec la poursuite de l’actuelle crise de la confiscation des notes des examens du premier et du second trimestre de l’année scolaire en cours, il me parait évident que les syndicats de l’enseignement de base et de l’enseignement secondaire appliquent une gestion du dossier qu’on ne peut qualifier que de jusqu’au-boutiste, ou de politique de la terre brulée, vu que tout le monde sortirait ébranlé par cette affaire. Et comme toujours, une crise et une gestion qui ne pourraient être innocentes, car elles ne sont ni indifférentes, ni étrangères à  certains enjeux à la fois politiques et syndicaux.

Stratégie de négociation: inconsciente ou clairvoyante ?

Les responsables concernés s’entêtent à pousser la patience des familles jusqu’à son extrême, ils sont entrain de mettre tout un pays sur le dos, ils portent atteinte à la fois à la considération due aux enseignants en ruinant le reste de confiance qu’ils ont encore auprès des parents et au peu du crédit dont dispose l’école publique dans la société. Une école qui perd toutes ses références de qualité, de gratuité et d’ascenseur social. Et je crois que s’ils signent et persistent dans leur démarche, ce que je ne souhaite nullement pas, il va y avoir beaucoup de victimes parmi nos enfants, bien évidemment, qui vont voir leur avenir largement et irrémédiablement compromis. Et je pense aussi que les responsables seront bannis un jour ou l’autre à cause de tous les préjudices qu’ils ont fait endurer à des millions de nos enfants et nos jeunes, et ce durant plusieurs années de suite. Et c’est loin d’être pour moi un souhait ou une satisfaction, c’est juste une désolation et un regret, ou plutôt une pensée que je ne veux voir se réaliser.

Les notes sont à la disposition des parents: affirmations vides de sens ?

Il faut rappeler l’impossibilité de réunir les conseils pédagogiques à la fin des deux trimestres passés  , un passage obligé dans le déroulement du processus éducatif et pédagogique, car l’une des tâches essentielles de ces conseils est d’évaluer les résultats des élèves, l’objectif étant de motiver ce qui est positif chez eux et de remédier à ce qui pourrait être considéré comme défaillant ou négatif. Et sans notes et sans moyennes, comment pourraient-ils s’acquitter de cette mission?  

S’ils signent et persistent cela signifierait la compromission de la totalité de l’année scolaire, et la perturbation du bon déroulement des examens nationaux. C’est-à-dire provoquer une issue noire pour une année scolaire blanche, ou peut être et dans une alternative moins alarmante, pousser au passage automatique de la majorité de nos apprenants avec tout ce que ça représente comme désastre à la fois pour les élèves et pour notre système éducatif dans sa globalité, notamment l’école publique. C’est qu’ils ont décidé de déclarer la guerre à tout un pays, et ils n’ont qu’à subir les conséquences de leurs actes. Et c’est de la sécurité nationale et de la sûreté sociale qu’il s’agit, désormais, de mon point de vue.

Il faut rappeler que le volet évaluation, avec les notes, les moyennes, la tenue des conseils pédagogiques, l’envoi aux parents des carnets et des bulletins de notes avec les observations et les remarques des enseignants fait partie intégrante des fonctions éducation et enseignement de l’école. Si nos parents n’ont pas reçu à ce jour les composantes de cette évaluation pour les deux trimestres accomplis, comment  peuvent-ils apprécier avec leurs enfants les points forts pour les renforcer et les points faibles pour trouver les moyens pour les traiter ?

Et c’est la mission de l’administration de l’école et des enseignants de réaliser cette évaluation, et non pas celle des parents. Et dans tout les cas de figure, c’est la qualité de toute l’année scolaire qui se trouve, aujourd’hui diminuée, et ce sont nos enfants, les élèves, surtout ceux issus des familles démunies et des régions oubliées, qui trinquent comme à l’accoutumance. C’est chez eux qu’on va trouver la majorité de nos décrocheurs, errer dans les rues ou chercher à quitter illicitement le pays.

Une décision politique qui aurait du intervenir depuis BIEN longtemps ?

Personnellement j’ai toujours réclamé un acte politique pour mettre fin à cette crise. Une crise qui gangrène et notre école et notre société depuis le début de l’année scolaire en cours, et qui récidive depuis plusieurs années de suite, il me parait nécessaire de le rappeler. C’est-à-dire une décision du chef de l’exécutif, le président de la république. Les syndicats estiment leurs droits bafoués, l’exécutif le reconnaît implicitement, mais les caisses de l’état sont vides. Alors qu’on est bien conscient que l’enjeu est financier par excellence. Je me rappelle qu’en 2018, nous avons vécu une pareille crise à un pareil moment de l’année scolaire, et c’est grâce à l’intervention personnelle du président Beji Caïd Essebsi, paix à son âme, qu’une décision a été prise pour mettre fin au conflit.

Y-a-t-il un espoir de voir nos enfants accéder un jour à leurs droits à l’éducation et à l’enseignement ?

Cette crise de rétention de notes doit nous alerter sur l’urgence de la mise en œuvre des moyens nécessaires pour sauver notre système éducatif. Un sauvetage qui nécessite que le politique, c’est-à-dire le décideur, réalise l’état catastrophique de notre école et prend conscience de l’ampleur des dégâts qu’on est entrain de vivre à tous les niveaux et le péril que représente aujourd’hui notre école publique. Continuer normaliser avec les crises comme on excelle à le faire depuis plusieurs années, ne fait qu’amplifier l’étendue de l’ignorance dans notre société, avec tous ce qu’elle représente comme dangers réels. Il faut engager de vraies politiques pour reconstruire notre système éducatif, institualiser le pilotage du projet pour faire sortir sa gestion de la dualité -tutelle syndicats- dont elle s’est enlisée depuis plus d’une décennie. Il faut également arrêter les stratégies à conduire, avec les objectifs à atteindre, les moyens à réserver, les parties et les responsabilités concernées et les délais et les priorités à respecter.

Continuer à gérer ce dossier comme on a pris l’accoutumance de le faire depuis bien longtemps avec amateurisme, opportunisme et irresponsabilité, ne fait que propager l’étendue des maux de notre modèle éducatif, et augmenter ainsi ses niveaux de dangerosité et alourdir la facture que devraient payer les générations présentes et futures. Donc multiplier la nature des difficultés que nous devrions affronter dans l’avenir, les défis que nous devrions relever et les moyens que nous devrions réserver pour rebâtir notre école de demain.

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