Société

Par Saida Douki Dedieu : La psychiatrie tunisienne en deuil

Par Saida Douki Dedieu : La psychiatrie tunisienne en deuil

Cette fin d’année a été tragique pour la psychiatrie tunisienne qui, en l’espace de quelques jours, a perdu trois de ses représentants les plus éminents: Professeur Jouda Ben Abid, Professeur Taoufik Skhiri et Professeur Fakhredinne Haffani.

Les trois universitaires, sans s’être concertés, avaient, en leur temps, quitté une situation confortable en France, pour renforcer les maigres rangs de la spécialité dans leur pays qui comptait alors une vingtaine de psychiatres.

Parti de Lyon, F. Haffani a pris les rênes d’un service du CHU Razi pour en faire un des hauts-lieux de la formation en Tunisie.

Skhiri a rejoint depuis Paris sa ville natale de Monastir, où il créa ex nihilo le service de psychiatrie, devenu, aujourd’hui, une référence hospitalo-univesitaire incontournable.

Ben Abid, dernière arrivée, réussit, après de longues années de lutte, à ouvrir le premier service de prise en charge des toxicomanes à Jebel Oust, qui, malheureusement ne répondit pas à l’espoir dont il porta le nom. Mais l’addictologie était plantée et une équipe de jeunes en assure la continuité.

Les hommages, aussi affectueux que respectueux,  de leurs nombreux élèves sont là pour en témoigner.

L’ironie de l’histoire a fait que ces prestigieux aînés eurent tout le loisir de voir la dynamique patriotique qui les avait ramenés au pays, s’inverser. Depuis une décennie, la famille psychiatrique tunisienne, qui n’a cessé de s’élargir pour se compter en centaines, est atteinte de la même “hémorragie cérébrale” que les autres disciplines médicales. Des dizaines de psychiatres, jeunes et moins jeunes, par désespoir et par dépit, traversent tous les jours la Méditérannée dans l’autre sens pour s’installer surtout en France, en Europe, mais aussi au Canada.

Je ne peux manquer de me demander si mes amis, car ils étaient tous trois des amis très chers, n’ont pas définitivement fermé les yeux pour ne pas voir vaciller jusqu’à s’éteindre la flamme de leur pays qu’ils avaient entretenue et attisée avec passion, dans leur domaine d’expertise.

Paix à vos âmes, honorables médecins-citoyens.

Saida Douki Dedieu.

Professeur émérite de psychiatrie à la faculté de médecine de Tunis.

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