Economie

Pourquoi Saied n’utilise pas la boussole de la communication de crise de Bourguiba et Nouira?

Pourquoi Saied n’utilise pas la boussole de la communication de crise de Bourguiba et Nouira?

Le silence assourdissant et très – trop – long de l’exécutif tunisien perdure alors que des dizaines de milliers de familles sont dans le désarroi total, pour cause de retard des salaires.«Si le gouvernement n’a pas de solutions, il doit l’annoncer pour qu’on trouve des solutions ensemble», a dit ce 1er février un membre de l’Ordre des experts comptables. Le problème c’est que le gouvernement ne parle pas de ses problèmes. Il ne dit rien. Et c’est presque plus problématique et angoissant que le fait de ne pas toucher son salaire…

Je ne prétends pas apprendre aux personnes qui nous dirigent leurs classiques dans la communication de crise, elles les connaissent au moins aussi bien que nous tous. Je me permettrai juste de nous les rappeler à tous. Ce pays a connu Habib Bourguiba ou encore un certain Hédi Nouira, qui n’hésitaient pas à mouiller la chemise dans de longues et harassantes séances explicatives pour faire passer la pilule d’une petite hausse de quelques millimes. Et pourquoi les gouvernants actuels ne disent pas un mot quand des franges essentielles du pays sont privées de salaire ?

Cette pédagogie savamment dosée de Bourguiba et Nouira, qui fonctionnait à merveille sur des populations intraitables et parfois radicales, a manifestement perdu ses lettres de noblesse. Hédi Djilani a sans doute raison, ce qu’il a dit est frappé au coin du bons sens et porte sans doute les germes d’un sursaut national salutaire, mais les gens qui nous dirigent devraient peut-être commencer par nous dire ce qu’ils font, à défaut de pouvoir faire tout ce qu’ils nous disent. Ce serait déjà un excellent début…

Des choses simples, élémentaires sont souvent les plus efficaces pour dégonfler la colère populaire et ramener la confiance sans laquelle aucune économie n’est viable, aucun développement n’est possible. Si on veut ramener les Tunisiens au travail et rebâtir ce pays meurtri par une décennie d’errance, ce qui est sans doute l’ambition du chef de l’Etat, Kais Saied, il faut peut-être commencer par tenir le langage de la vérité aux citoyens. Il faut les respecter, et ne pas les infantiliser de la sorte en prenant toutes les décisions en leur nom et après regarder ailleurs quand ils crient leurs souffrances…

Si les choses avaient été bien faites et surtout bien dites à temps, l’exécutif aurait pu s’organiser et s’arranger avec les banques pour que les retards de salaire ne retombent pas sur la tête des usagers, avec ces intérêts débiteurs assommants (les terribles agios). Si les choses avaient été bien faites on n’aurait pas toutes ces supputations sur le sombre avenir de la Tunisie, autant d’appels d’air pour des compétences tunisiennes qui filaient déjà massivement vers l’étranger…

La nature a horreur du vide. Ne rien dire quand la situation est aussi grave c’est laisser le délétère, la folle rumeur destructrice prendre toute la place. Il n’y a rien de mieux pour plomber le moral des citoyens, pour briser l’élan d’une force collective, pour casser la dynamique de tout un pays. Si la Tunisie perd le peu qui lui reste de la foi de ses citoyens, ses horizons seront irrémédiablement bouchés…

Le silence de nos autorités est impensable ailleurs, en tout cas pas dans les pays dignes de ce nom quand il y a grogne dans des secteurs clés tels que l’Education, l’Enseignement supérieur et la Santé. En Tunisie on en est réduit à compter les jours du mutisme de l’exécutif. Dans cette affaire se joue bien plus que des salaires, c’est notre avenir tous ensemble qui est en jeu. Et le premier risque c’est un divorce irrémédiable entre Kais Saied et les nombreux citoyens qui ont voté pour lui en 2019. Ça pourrait bien commencer par le naufrage de la Consultation électronique si chère au président de la République

 

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