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Rabat fracasse tous les codes pour rafler toute la mise : “Nous ne jouons pas sous la bannière arabe” mais “uniquement pour le Maroc”

Rabat fracasse tous les codes pour rafler toute la mise : “Nous ne jouons pas sous la bannière arabe” mais “uniquement pour le Maroc”

Il n’y a qu’à voir l’exaltation ou la consternation des élites politiques dans les tribunes d’honneur des stades pour comprendre qu’on est au-delà du football, de la simple joute sportive, on est dans un rapport de force géopolitique entre Etats. Une victoire ou une défaite sur le terrain dit autre chose que l’exploit purement sportif. C’est tellement vrai que les fêtes sportives sont maintenant émaillées de messages et symboliques qui ne font même plus semblant d’être subliminaux, ils s’assument tels qu’ils sont, avec leur volonté de puissance politique et diplomatique. En la matière la sortie de l’entraîneur de l’équipe nationale du Maroc, le Franco-Marocain Hoalid (Walid) Regragui, est très parlante.

Le digne ambassadeur de Sa Majesté

L’élimination de l’Égypte de la compétition ne nous affecte pas car nous ne jouons pas sous la bannière arabe. Notre concentration est actuellement sur l’équipe nationale marocaine et nous participons à une compétition africaine en jouant uniquement pour le Maroc”. C’est ce qu’a osé déclarer Regragui hier lundi 29 janvier en conférence de presse, dans le cadre de la Coupe d’Afrique des Nations (CAN). Il l’a dit comme ça, le plus naturellement du monde, comme s’il parlait de la pluie et du beau temps, alors que tout de même…

La petite phrase – c’est beaucoup plus que ça – n’a pas été beaucoup commentée au Maroc, peut-être parce que les sujets de Sa Majesté se vivent et agissent déjà comme tels : Des citoyens d’Afrique, du monde et certainement pas logés dans “le carcan arabe”. L’affaire n’a pas été commentée peut-être aussi parce que les journaux et commentateurs marocains ont peur des débats que ça peut provoquer, de leurs déflagrations et surtout de la colère que les mots de Regragui pourraient allumer dans les rues arabes. Garder la poussière sous le tapis a du bon parfois.

Mais une analyse à froid de la situation conduit fatalement à cette conclusion : l’entraîneur du Maroc a dit tout haut ce que la diplomatie marocaine pense tout bas et qu’elle démontre au quotidien dans la toile qu’elle a tissée au Maghreb (comprenez la Mauritanie), en Afrique, au Proche et au Moyen-Orient (nous y mettons Israël bien entendu), aux USA, en Europe et jusqu’à l’Extrême-Orient. Rabat est ami avec tout le monde ou presque, pactise à tour de bras au gré de ses intérêts, dans un pragmatisme décomplexé.

Il faudrait aussi le reprocher à Macron, Ben Salmane…

Tout ça est-ce bon, mauvais ? N’y a-t-il pas autre chose au-dessus des intérêts supérieurs d’une nation ? N’y a-t-il pas des valeurs et principes qui doivent être placés au-dessus de l’utilitarisme stricto sensu ? Et bien non, en tout cas pas dans le monde dans lequel on vit, pas avec les réalités qui sont les nôtres et qui dictent les relations entre les pays. Alors on peut faire les reproches qu’on veut à l’entraîneur de l’équipe du Maroc, ce qu’il dit c’est ce que pense le chef de la diplomatie Nasser Bourita, c’est la boussole qu’a laissée le roi Hassan II et que garde à merveille le souverain Mohammed VI : Arabe oui, certes, indéniablement, mais aussi Africain et surtout citoyen du monde.

On peut faire les reproches que l’on veut à Regragui mais dans ce cas il faut aussi en faire au “pays des droits de l’Homme”, la France, dont le président est très copain avec un homme qui n’a pas la réputation de se soucier des droits humains : le Premier indien Narendra Modi. Si les principes sont aussi immuables que certains le disent il faut aussi aller interroger le prince héritier saoudien, lui qui a poussé le mariage entre religion et modernité jusqu’à autoriser la vente d’alcool à quelques encablures des lieux saints de l’Islam

Tout cela pour dire qu’à ce jeu-là on peut aller très loin. Mais même avec ça à part des noeuds dans le cerveau – je le déconseille, c’est mauvais pour la santé – on ne fera pas avancer le Schmilblick. Alors actons le fait qu’il y a eu un basculement, plus pour le pire que pour le meilleur. On peut s’en désoler, il est même très sain de s’en désoler pour en limiter les dégâts mais de toute évidence on est allé trop loin pour revenir en arrière. Le pragmatisme marocain et celui de tous les autres ont de très beaux jours devant eux.

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