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Seychelles : L’envers du décor le plus idyllique et les citoyens les plus riches d’Afrique

Seychelles : L’envers du décor le plus idyllique et les citoyens les plus riches d’Afrique

Que y a-t-il derrière le cadre enchanteur et les images idylliques que renvoient les 115 îles des Seychelles aux nombreux visiteurs, souvent très fortunés ? Et bien derrière ces décors de rêve, uniques en Afrique, il y a un Etat niché à l’Est de l’Afrique, à l’Ouest de l’océan Indien et dont les habitants sont les plus heureux du continent. Pourquoi ? Et bien parce qu’ils sont à peine 120 581 et ils se partagent un produit intérieur brut (PIB) de près de 16 milliards de dollars, le PIB par habitant le plus gros en Afrique…

Les électeurs ont fait le premier pas vers le grand changement

Ce paradis au Nord-Est de Madagascar pourrait se fracasser sur les terribles effets du réchauffement climatique si la tendance n’est pas rapidement inversée, même à minima. Les Seychellois ont longtemps grassement vécu des recettes très confortables du tourisme et de la pêche, les ennuis pourraient vite arriver. C’est le grand défi de ce pays dont l’indépendance est relativement récente, 1976 (les îles ont été colonisées par la France de 1794 à 1811 puis par le Royaume-Uni). La jeune démocratie – la toute première élection présidentielle pluraliste a eu lieu en 1993 – a du pain sur la planche.

Celui que les électeurs ont choisi en octobre 2020 pour présider aux destinées du pays est Wavel Ramkalawan. C’est le premier opposant à la présidence de la République, ce changement notable est peut-être la preuve que le pays lui aussi est prêt à des changements structurels pour moderniser son économie, la diversifier pour préparer les temps difficiles qui se profilent, et ils viendront à coup sûr. 

En attendant la nation la plus nantie en Afrique subsaharienne profite des revenus du tourisme, lesquels pèsent 31% dans le PIB du pays et 41% dans les exportations. Donc le moindre soubresaut à l’international fait trembler tout le pays. Le secteur de la pêche reste le deuxième moteur de l’économie et les investisseurs explorent toutes les niches de l’économie bleue.

Le dérèglement climatique est déjà une réalité

La croissance du PIB réel est montée à 8,9% en 2022 et s’est située aux alentours de 3,3% en 2023, avec un secteur du tourisme qui affichait une petite forme à cause surtout du resserrement des politiques monétaires et des effets du conflit en Ukraine dans certains marchés européens clés. Durant le troisième trimestre 2023 l’emploi globalement a reculé de 0,2% aux Seychelles, alors que les salaires moyens ont progressé de 4,8% en comparaison avec le même trimestre en 2022. Le gouvernement a décidé de majorer les rémunérations du secteur public. 

Les autorités ne pouvaient pas imaginer les catastrophes qui allaient se produire et les dépenses qui vont avec. Des pluies diluviennes, des glissements de terrain, des inondations dans le nord de l’île de Mahé et une forte explosion dans une zone industrielle sensible ont touché des bâtiments commerciaux, des maisons et des infrastructures publiques à la fin de 2023. Ces événements ont grevé la croissance et malmené financièrement les Seychellois résidant dans les zones sinistrées.

L’appréciation de la roupie et le tassement des prix mondiaux des matières premières en 2023 ont fait du bien au marché local, l’inflation s’est fortement repliée, à-2,7% en fin d’année. Mais les choses pourraient se gâter en 2024, avec une inflation à 3,4% et une moyenne de 2,5% à moyen terme du fait de la hausse des tarifs des services publics domestiques, annoncée par les autorités. 

Ils font le choix de l’orthodoxie budgétaire, pas celui de l’endettement

La bonne nouvelle c’est que le gouvernement des Seychelles continue de parier sur l’orthodoxie budgétaire, pas question de s’affoler et d’ouvrir les vannes de l’endettement extérieur. Le cap qui a été fixé depuis 2021 pour blinder l’économie face aux chocs exogènes sera maintenu. La dette publique est contenue, après une nette baisse l’an dernier, 60,1% du PIB. Autres motifs de satisfaction : le secteur bancaire a gardé son niveau en liquidités et en capitaux, avec même un léger accroissement des crédits non performants (8,1% en décembre 2023 contre 7,6% en décembre 2022).

Par ailleurs le déficit de la balance courante a reculé pour se situer à 5,6% du PIB l’an dernier. Mais là petite spécificité : le déficit est financé par des investissements directs étrangers de l’ordre de 13,8% du PIB, essentiellement des fonds injectés dans les hôtels et les centres balnéaires. Quant aux réserves en devises du pays elles ont gonflé pour s’établir à 681 millions de dollars en 2023, soit l’équivalent de près de 120 jours d’importations.

Reste les grands chantiers pour rendre les Seychellois encore plus heureux – si tant est que ce soit possible : ils devront faire monter la productivité et les grands indicateurs de l’économie. Le revenu du travail a été décisif dans le combat contre la pauvreté, mais les pénuries de main-d’œuvre et de compétences ainsi que l’explosion du taux de toxicomanes, d’alcooliques et de grossesses chez les adolescentes plombent la dynamique générale…

S’y ajoutent les lourdeurs administratives – les créateurs d’entreprise le payent cher – inefficience du secteur public, l’absence de stratégie de relance globale, une protection sociale défaillante, une éducation inadaptée et des compétences mal préparées aux enjeux actuels font partie des dossiers prioritaires dans les réformes. Mais tout cela n’est que poussière sans une politique d’adaptation au changement climatique et aux catastrophes naturelles, axée principalement sur la protection et la gestion des zones côtières. Sans cela c’est tout l’édifice qui s’écroulera.

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