En attendant les effets du méga financement européen de 150 milliards d’euros, «la relation Afrique-Europe est à son plus bas niveau sur la décennie écoulée, avec un changement de narratifs et de ton dans les médias et les réseaux sociaux, ainsi qu’au sein de la société civile». C’est ce que dit le rapport 2022 de la Fondation Afrique-Europe, un organisme créé en mars 2020 par la Fondation Mo Ibrahim et le think tank bruxellois Friends of Europe, avec le concours de l’African Climate Foundation et l’ONG ONE…
Le document fait référence au recul de la présence économique européenne en Afrique, orchestrée en partie par la deuxième économique de la planète, la Chine, très offensive sur le continent. Le rapport fait aussi allusion à la lame de fond anti-européenne et anti-française plus spécifiquement qui prospère sur un certain rejet du néocolonialisme, attisé par des leaders de la société civile et encouragé par la Russie…
La Fondation Afrique-Europe se donne pour ambition de mettre la problématique du climat au centre des actions communes et protéger les liens entre les deux continents. Vaste programme face au lobbying de Moscou et à la puissante dynamique de Pékin sur le continent africain…
Par ailleurs les rédacteurs du rapport posent sur la table l’absence de l’Afrique dans les grands débats sur les sujets qui engagent toute l’humanité, selon eux les solutions seraient nettement meilleures si la voix des Africains portait plus. A noter que parmi les 45 personnalités – un groupe équilibré d’Africains et d’Européens – figurent d’anciens chefs d’État, dont Mary Robinson (Irlande) et Ellen Johnson Sirleaf (Liberia), d’ex-Premiers ministres (Romano Prodi, Italie) et des ministres en exercice tels Chrysoula Zacharopoulou, en charge du Développement (France) ou Ramtane Lamamra, aux Affaires étrangères (Algérie)…
On note aussi la participation de la directrice générale de l’Organisation mondiale du commerce Ngozi Okonjo-Iweala (Nigeria) et l’un de ses prédécesseurs, Pascal Lamy (France), la secrétaire générale de l’Organisation internationale de la francophonie (OIF), Louise Mushikiwabo (Rwanda), ainsi que de grands noms des Nations unies et du secteur privé.
Le rapport est revenu aux sources de la dégradation des liens entre l’Afrique et l’Europe. Les rédacteurs rappellent que le constat a été établi lors du dernier sommet Union africaine-Union européenne (UA-UE), les 17 et 18 février 2022 à Bruxelles. Par exemple les «fortes inégalités persistantes dans l’accès aux vaccins Covid-19 entre les deux continents» avaient été soulignées. Alors qu’on réfléchissait sur les remèdes la Russie a ouvert les hostilités avec l’Ukraine. «Une crise du coût de la vie s’est produite, sur fond de catastrophes climatiques partout dans le monde. […] La confiance, qui manquait déjà entre les deux continents, a été encore plus érodée ces derniers mois», rapporte Le Point ce mercredi 9 novembre.
Le document pointe par ailleurs les promesses sur le climat que l’UE n’a jamais tenues. Cette affaire se joue en ce moment même à la COP27, en Egypte ; des pays européens se sont de nouveau engagés à décaisser les financements promis depuis 10 ans. On verra la suite. Le document rappelle également le paquet européen de 150 milliards d’euros, dans le cadre du plan Global Gateway, une affaire annoncée depuis décembre 2021 mais dont on ne connait toujours pas les modalités de financement et de matérialisation.
Le rendez-vous de Bruxelles en février 2022 a certes été un événement phare dans la refondation des liens entre l’Europe et l’Afrique, mais des annonces sans un échéancier pour concrétiser et encore moins un mécanisme de suivi sont en partie responsables de “l’anxiété chez les parties prenantes et l’impression d’un manque de transparence» indique le rapport…
Un «financement peu clair du Global Gateway, avec au moins 95 milliards qui doivent être levés via des institutions financières et des banques de développement, sans détails sur le calendrier ni quelles institutions» plus les promesses «incertaines» des Etats-membres de l’UE, tout ça ne peut pas faire du bien aux liens entre les deux continents, dit ce document.
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