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Le Maroc et l’Algérie l’ont fait, la Tunisie attend toujours le dangereux mirage saoudien

Le Maroc et l’Algérie l’ont fait, la Tunisie attend toujours le dangereux mirage saoudien

10 ans de cette vie ont suffi à la changer en junkie, et dans un sommeil infini Cendrillon voit finir sa vie”. A dit le célèbre chanteur du groupe français ‘Téléphone’ dans un de ses tubes. Bon, heureusement pour nous,  la Tunisie n’en est pas au stade de voir “finir sa vie“, et ce ne sera jamais le cas probablement, mais il faut reconnaître que le pays paye très cher le coût de sa Révolution. En 10 ans, le jasmin a perdu ses effluves d’antan et sent sérieusement le roussi, le souffre, malgré tous ses atouts de départ et malgré la ferveur qui a accompagné l’élan révolutionnaire. Les Tunisiens ont du vague à l’âme et de bonnes raisons d’en vouloir à la cohorte de dirigeants qui se sont succédé depuis le départ précipité de Ben Ali. Ils ont d’autant plus de motifs légitimes de colère que les voisins marocain et algérien vont, semble-t-il, régler tous leurs pépins financiers pour 2022, alors que la Tunisie n’est même pas parvenue à boucler le budget de cette année.

Personne n’ose lui dire la vérité !

Qu’aura la Tunisie à faire valoir quand l’Algérie, où le pétrole coule à flot et rapporte gros, présentera sa Loi de finances 2022 ? Qu’aura à présenter la Tunisie quand le Maroc dégainera sa Loi de finances 2022, dans les temps ? Rien. Ou pas grand chose, à part les déclarations enflammées de son président, Kaïs Saïed, en direction de ses amis, partenaires et soutiens. Ça ne mange pas de pain, et puis de toute façon le chef de l’Etat n’a rien à perdre vu que ses services – le gouvernement et la BCT – feront le boulot derrière et recolleront les morceaux avec nos partenaires.

Personne n’osera dire à Saïed que cette débauche d’énergie ne sert à rien – à part flatter les bas instincts de ses fans – et que ça ne fait que déboussoler et inquiéter davantage nos vrais soutiens.

Personne n’osera dire au chef de l’Etat que ses diatribes contre nos partenaires, qu’il accuse de traîner les pieds pour rendre l’argent tunisien volé et planqué chez eux, sont contre-productives. Et de toute façon même si tout ce supposé magot était rapatrié en Tunisie ça serait une goutte d’eau dans l’océan des problèmes du pays.

Personne n’osera dire au président de la République que récupérer les prétendues sommes folles piquées par les hommes d’affaires ne solutionnera pas tout, loin de là.

Personne n’osera dire au locataire du palais de Carthage que même s’il mettait tous les corrompus et corrupteurs du pays en prison, ça ne se traduirait pas automatiquement par des points de croissance.

Personne ne songe à dire au ‘tout-puissant’ dépositaire de tous les leviers du pouvoir que la seule voie pour sortir du trou est de redémarrer la production, pour créer de vraies richesses ; que la seule manière de sortir la tête de l’eau est de remettre les citoyens qu’il chérit dans tous ses discours au travail.

Il est vrai qu’à voir les emportements et colères de l’homme, on se dit qu’il n’est pas facile à affronter. Ce qui explique sans doute l’avalanche de départs de ses conseillers depuis qu’il préside aux destinées de la nation.

Le danger saoudien

On n’entend pas le président de la République parler des voies et moyens pour que le secteur du phosphate, si précieux, retrouve son lustre d’antan. On ne l’entend pas non plus évoquer les solutions pour redorer le blason du tourisme, et ce n’est pas le dernier tour de vis sur les mesures sanitaires qui va arranger les choses. Ce silence est valable pour les autres secteurs clés de l’économie…

La cheffe du gouvernement, Najla Bouden, est rentrée d’Arabie saoudite. On ne sait rien de ce qu’elle a ramené dans ses valises. Bien entendu tout le monde a en tête l’appui budgétaire que Ryadh a promis à Kaïs Saïed, parait-il, pour oxygéner les caisses publiques et boucler – enfin ! – le budget de 2021. A part les images de l’entretien entre Bouden et Saïed et un très laconique communiqué du palais de Carthage, on ne sait rien des retombées de ce voyage. Bon, les Saoudiens in fine vont décaisser pour aider la Tunisie, mais ce ne sera jamais au niveau de nos besoins. Il ne faut pas se leurrer.

Il ne faut miser sur aucun pays du Golfe pour sortir de l’ornière. Si les richissimes Etats du Golfe finançaient la démocratie ça se saurait. Beaucoup d’entre eux ont pris part à la méga rencontre “Tunisia 2020″ ; tout ce qu’on a eu c’est une pléthore de promesses et déclarations d’amour pour cette démocratie naissante – la Tunisie. On n’a pas le souvenir que ça a changé le destin de cette dernière. Toutes ces monarchies sclérosées ont une trouille bleue de la démocratie, et c’est justement ce que la Tunisie prétend bâtir. Vous imaginez si la Tunisie réussissait, ce serait un désastre pour ces gouvernements ankylosés, qui musellent leurs opinions publiques et tuent dans l’oeuf toute velléité de liberté.

Si l’Arabie saoudite propose ses services à la Tunisie, certes c’est pour un retour sur investissement – dans des secteurs rentables -, mais c’est surtout pour embêter le Qatar. Le petit Etat gazier aux grandes ambitions a perdu du terrain en Tunisie depuis que Kaïs Saïed a mis un coup d’arrêt au règne des Frères musulmans – Ennahdha, pour faire simple – en Tunisie. L’Arabie saoudite rêve d’enterrer définitivement les visées du Qatar en Tunisie, surtout depuis que le projet de loi économique de Rached Ghannouchi qui devait valider le grand dessein de Doha a été stoppé net. Le risque maintenant pour la Tunisie c’est que Ryadh demande, en échange de l’appui budgétaire, que Tunis le suive dans sa croisade géopolitique anti-Qatar. “Wait and see”

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