Economie

Les entreprises publiques tunisiennes sont-elles restructurables ?

Les entreprises publiques tunisiennes sont-elles restructurables ?

Non en toute évidence, les entreprises publiques ne sont pas ou plutôt ne sont plus restructurables même si Nouredine Taboubi, le secrétaire général de l’Union générale tunisienne du travail (UGTT), a appelé aujourd’hui mercredi 1er décembre 2021, au sauvetage de ces entreprises, en leur restructurant, tout en dénonçant les appels à leur privatisation lancés par certaines parties qui veulent faire croire aux tunisiens, selon ses dires, que la cession des entreprises publiques est la seule solution dont dispose l’Etat, à cet effet.

Le secrétaire général de la centrale syndicale a annoncé en outre le lancement d’une étude sur la restructuration des entreprises publiques en déclarant qu’il est possible de sauver la Société des industries pharmaceutiques de Tunisie (SIPHAT), la Pharmacie centrale de Tunisie (PCT), ainsi que les autres entreprises de l’Etat sans pour autant recourir à la cession.

Il a expliqué aussi que l’étude, en question, porterait sur les modalités de réformes des entreprises publiques au cas par cas. La SIPHAT sera la première à bénéficier des plans de restructuration qui seront établis, souligne Noureddine Taboubi.

Le chef de la Centrale syndicale a précisé que l’UGTT avait organisé une série de rencontres avec différentes ministères pour garantir la réussite de ce projet qui inclut, la Pharmacie centrale et sept autres entreprises.

Toutefois la réalité est tout autre. Et pour cause, il y a quelques jours le site économique international « The Banker » a mis en garde contre le risque lié aux crédits octroyés aux entreprises publiques qui représentent 3 fois les fonds propres des banques tunisiens, dans leur ensemble.

Ceci veut dire que les entreprises de l’Etat que l’UGTT œuvre pour les sauver, ont déjà consommé totalement leurs capitaux et réserves et sont actuellement « échafaudées » par les banques. En cas d’application de la loi relative aux procédures de la faillite, ces entreprises doivent être liquidées purement et simplement en raison de la consommation de plus des trois quarts de leurs capitaux.

Certaines de ces entreprises d’Etat à vocation presque purement « sociale » sont cotés en bourse et font ainsi appel public à l’épargne ce qui constitue une menace à tout le système financier tunisien au cas où elles s’écroulent : une éventualité de plus en plus probable.

Faut-il rappeler que le ministère des finances a publié au mois de mai 2020, deux rapports sur la situation des entreprises publiques et leur niveau d’endettement.

Les rapports en question ont présenté des indicateurs se rapportant à 110 entités révélant que les pertes des entreprises publiques sont, majoritairement, engendrées par l’accroissement des frais généraux et surtout des salaires qui est de l’ordre de 16%, en moyenne, entre 2016 et 2018.

L’analyse des indicateurs de 31 entreprises publiques qui représentent un peu plus de 90% du courant d’«affaires» de l’ensemble du secteur montre ce qui suit :

* Le montant du capital négatif des entreprises publiques, les plus vulnérables financièrement avoisine les 10 milliards de dinars,

* Ce capital négatif, dû aux pertes cumulées ces dernières années (4755 millions de dinars, fin 2018 soit 8.5% du PIB), est financé par les banques (16545 millions de dinars) ou le non-paiement des cotisations sociales et les fournisseurs locaux et étrangers. Le montant global des dettes de ces entreprises s’élève à 30968 millions de dinars,

* Ces dettes dépassent 7,5 fois les capitaux restants au total, de ces entreprises qui ne sont donc plus viables en considération de la situation dégradée de leur structure capitalistique.

Cette situation présente un risque très pesant pour le système financier notamment en cas de fluctuations importantes des taux d’intérêt, de la liquidité bancaire ou des cours de change des devises internationales avec des coûts fixes plutôt élevés (salaires, frais de fonctionnement, etc.).

Ceci oblige à faire des provisions conséquentes pour éviter des pertes élevées et l’écroulement du système dans des scénarios fort probables pouvant survenir, en l’occurrence en cas de chute importante de l’activité des entreprises publiques.

Les crédits aux entreprises publiques et les dettes de l’Etat représentent environ 50% des actifs des banques publiques ce qui pourrait créer un risque systémique. Le pourcentage des crédits douteux dépasse 20% des crédits ce qui révèle une situation intensément grave et critique.

Aussi, coté rémunération, en moyenne un employé dans une entreprise publique perçoit un salaire mensuel brut de 3251 dinars soit 9,5 fois le montant du salaire minimum garanti (SMIG).

Le «palmarès» des meilleurs salaires revient à la Banque nationale agricole (BNA) (6779 dinars brut par mois en moyenne), Tunisair, la Compagnie tunisienne de navigation (CTN) et la Société tunisienne des industries de raffinage (STIR) qui sont, par ailleurs, toutes les trois déficitaires pour 1336 millions de dinars.

Il est à indiquer que, la situation globalement présentée n’a pas été mise à jour. En fait, mieux encore, d’après une note remontant à juin 2020 concernant l’état des lieux des états financiers des entreprises publiques, la moitié d’entre elles n’avaient pas encore arrêté leur états financiers audités au titre de l’exercice 2018. Une seule entreprise publique disposait d’états financiers certifiés par un commissaire aux comptes, pour l’année 2019. Des dizaines d’autres entreprises n’avaient même pas clôturé les bilans de l’année 2017.

 

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