Economie

Soupçons de destruction et de vols d’archives, demi-mesures et absence remarquable des Archives nationales de Tunisie

Soupçons de destruction et de vols d’archives, demi-mesures et absence remarquable des Archives nationales de Tunisie

Les archives sont un élément clé pour le bon fonctionnement de l’Etat et garantir les droits du citoyen, ainsi que pour assurer la transparence et la responsabilité dans les affaires publiques. Elles sont également essentielles pour la préservation de la mémoire collective d’une nation. Les archives jouent également un rôle important dans la lutte contre la corruption en permettant une traçabilité des affaires traitées par ces institutions. Des archives bien gérées et préservées peuvent être un outil efficace pour garantir la transparence et la responsabilité dans les affaires publiques.

Cependant, les incidents récents tels que les fuites de documents officiels dont certains sont confidentiels, la destruction d’archives, le vol et la dissimulation de documents ont mis en évidence l’importance d’une gestion adéquate et d’une préservation efficace des archives.

Le 8 février 2023, un journal électronique local a publié une lettre officielle, datée de janvier 2018 et adressée par la direction générale de l’aviation civile au ministre du Transport de l’époque, Radhouane Ayara, a été massivement partagée sur les réseaux sociaux. Bien que normalement confidentiel, ce n’est pas tant le contenu de la correspondance qui a interpellé les internautes mais les circonstances dans lesquelles elle a été « retrouvée ».

En effet, la lettre, qui concerne la location au profit de TUNISAIR d’un avion-cargo de la compagnie ukrainienne Vulkan Air, a servi d’emballage à des « glibettes » achetées chez un marchand de fruits secs du coin, indique la personne qui a posté le document sur les réseaux sociaux.  

Ce n’est certes pas une première, les commerçants de fruits secs en ont de ces papiers administratifs et scolaires dont ils se servent d’emballages pour leur marchandise au vu et au su de tout le monde.

Cette lettre officielle est un exemple frappant de la gestion désastreuse des documents et des archives dans un certain nombre d’administrations publiques et souligne l’importance de la sécurité et de la protection des documents officiels.

De même, au lendemain de l’annonce de la dissolution des conseils municipaux, des habitants de la ville de Sfax ont été surpris, jeudi 9 mars 2023, par des dizaines de boites d’archives envahissant l’entrée de la municipalité.

Selon des témoins oculaires présents sur les lieux, le maire serait en train d’emporter les archives de la municipalité avec lui avant de quitter son poste. Ils ont lancé un appel aux autorités compétentes pour prendre les mesures nécessaires. Ces témoignages ont montré comment des documents importants peuvent être facilement éliminés ou volés par des responsables politiques qui chercheraient à effacer leurs traces avant de quitter leur poste.

Demi-mesures et absence des Archives nationales de Tunisie

Cette situation a déclenché la réaction du gouverneur de Tunis, Kamel Feki qui s’est dépêché, jeudi 9 mars 2023, de publier un communiqué sur la page Facebook du gouvernorat de Tunis pour annoncer « la protection des bureaux » avec “l’interdiction de sortir tout document” jusqu’à la passation des pouvoirs aux délégations spéciales sans autres précisions sur la façon et les personnes qui seront chargées de cette protection. 

Toutefois, il est à noter que les archives ne sont pas conservées dans les bureaux des municipalités seulement. La majorité des municipalités disposent de locaux autres que les bureaux pour la conservation de leurs archives et toute mesure pour les préserver d’éventuelles élimination, vol ou dissimulation passe par la mise sous scellé des locaux d’archives jusqu’à ce des enquêtes sur la gestion dans les municipalités soient entamées après une décennie durant laquelle rares sont les administrations et établissements publiques épargnées par la corruption.  

Malgré les forts soupçons de destruction et de vols d’archives pour dissimuler des preuves de mauvaise gestion, ni les inspections au sein des ministères, ni d’autres instances de contrôle centrales ou régionales ne prennent les mesures nécessaires pour protéger les archives.

Notons à cet égard que les Archives nationales, une institution sous tutelle de la Présidence du Gouvernement est la principale institution chargée de la protection des archives en Tunisie et dispose d’une inspection chargée, entre autres, «de réaliser les opérations d’inspection et de contrôle auprès des services publics et organismes susmentionnés en matière d’élaboration et de mise en application des programmes de gestion de leurs documents et de contrôler les conditions de conservation des archives courantes et des archives intermédiaires des dits services et organismes … » selon l’article 13 du décret gouvernemental n° 2016-1163 du 26 août 2016.

Toutefois, les incidents récents ont mis en lumière l’absence d’un vrai suivi. En effet, l’institution des Archives nationales de Tunisie n’a pas pris les mesures nécessaires pour prévenir la destruction et le vol d’archives et était absente du terrain et n’a mené aucune mission de contrôle ou d’inspection afin de s’assurer de la véracité des destructions ou des vols d’archives présumés. Cette situation est d’autant plus préoccupante que certains individus auraient essayé ou essayeraient en volant les archives ou en les détruisant de dissimuler des preuves de mauvaise gestion.

Il est donc impératif que des mesures soient prises pour renforcer la sécurité des archives et garantir leur conservation à long terme. Il est également essentiel que l’institution des Archives nationales joue son rôle et intervienne efficacement pour protéger ces documents précieux qui témoignent de l’histoire de la Tunisie, ainsi que de la transparence et de la responsabilité dans les affaires publiques.

Que se passe-t-il en Tunisie?
Nous expliquons sur notre chaîne YouTube . Abonnez-vous!

Commentaires

Haut