Economie

C’est pas en traitant comme ça Majoul, Cherif & Co que Saied va relever le pays

C’est pas en traitant comme ça Majoul, Cherif & Co que Saied va relever le pays

Il n’y a pas eu de cadeau de la Saint-Valentin de la part du FMI, à la place ce sont de laborieuses et âpres négociations qui ont été entamées avec notre principal bailleur. Donc cette voie est bouchée pour au moins quelques mois, au meilleur des cas. Les 300 millions d’euros de l’Union européenne ne viendront pas de sitôt et ce que la Banque Mondiale a promis d’injecter le sera sous la forme d’une aide directe, dans des programmes qu’elle suivra pas à pas. Bref, ce n’est pas avec ça que le gouvernement payera les salaires de février et d’après. Que reste-t-il dans l’immédiat au chef de l’exécutif, Kais Saied, pour faire tourner la boutique Tunisie ? Et bien encourager ceux qui font fonctionner le pays, qui le portent à bout de bras depuis un paquet d’années : Le secteur privé. Mais les signaux émis en direction des milieux d’affaires sont très négatifs…

Même le socialeux Hamma Hammami ne dit plus ça

On s’en doutait, ça se sentait, c’était même une évidence, mais quand le président de la République crie publiquement son aversion, sa détestation même des faiseurs d’argent, ça a une autre tonalité et une autre résonance. L’affichage certes flattera les bas instincts des citoyens qui attendent leur tour, qui en veulent aux riches qui auraient dépouillé la nation, des Tunisiens qui cultivent parfois une jalousie morbide et mortifère pour l’unité de la nation, pour l’élan national vers le développement. Kais Saied aurait pu tempérer tout ça en recevant dès le lendemain de sa déclaration fracassante Samir Majoul, le président de l’UTICA et Tarak Cherif, leader de la CONECT, pour ne citer que ceux-là. Il ne l’a pas fait…

Le malaise entre le locataire du palais de Carthage et les hommes d’affaires ne date pas d’hier, son point d’orgue est certainement la Loi de finances 2022. Il était d’usage que les organisations patronales soient au moins consultées dans une affaire qui engage tout de même tout le secteur privé du pays. Mais que nenni, les patrons ont été snobés de bout en bout et ont découvert dans le Journal Officiel, comme le citoyen lambda, la politique économique et financière du pays. Ce n’est pas ainsi qu’on met les investisseurs dans les meilleures dispositions pour aider la Tunisie.

Bouden n’a pas tenu sa promesse et Saied pédale dans la semoule

La cheffe du gouvernement, Najla Bouden, a tenté de corriger le tir, mais c’était trop tard et surtout trop peu. Elle avait promis d’associer les patrons aux réformes structurelles qui devront être mises en branle, mais depuis plus rien. Les autorités ont entamé les pourparlers avec le FMI autour des mêmes réformes et on n’a pas entendu qu’il y a eu au préalable des rencontres entre Bouden, l’UTICA et la CONECT pour se mettre d’accord sur ce qu’il fallait proposer aux partenaires étrangers. Inutile de vous dire qu’une fois que la Tunisie se lie les mains devant le FMI, il ne servira à rien de revenir vers les patrons pour parler de ce qu’il convient de faire…

C’est ainsi que les patrons, les riches, les investisseurs sont traités en Tunisie. Personne ne dit à Kais Saied qu’il est obligé de les aimer, c’est sa liberté personnelle après tout, mais quand on est le chef de tout un Etat, il y a des signaux qu’on ne doit pas émettre, ne serait-ce que pour l’intérêt suprême de la nation. Personne ne dit au chef de l’Etat qu’il ne doit pas faire la chasse aux hommes d’affaires qui ont détourné les deniers et biens publics, mais est-ce que cette affaire doit nécessairement prendre autant de place au point de négliger tout le reste ? Est-ce qu’on est obligé d’arrêter tout un pays, de ne faire que ça alors qu’il y a beaucoup d’autres urgences ailleurs ?

Saied aurait pu faire le choix de désigner une personne de confiance pour traquer les pillards de la République. On sait que ce dossier est incroyablement complexe et qu’il prendra un temps fou, pour peut-être au bout quelques dizaines ou centaines de millions de dinars. De toute façon ce n’est pas avec ça que la Tunisie va régler tous ses problèmes, en dépit des illusions que leur vend l’occupant du palais de Carthage. Par contre travailler avec Samir Majoul, Tarak Cherif et tous les patrons “propres” du pays, et ils sont nombreux, ça c’est du solide !

Oui pour les vrais combats, Non pour la diversion

Personne ne demande à Saied de ne pas frapper les affairistes véreux qui mettent la main sur les moyens de subsistance des plus démunis (la semoule, l’huile subventionnée, le sucre en poudre, etc.). Au contraire ici c’est une question de salubrité publique, de salut public et les citoyens attendent du président de la République des résultats palpables, après les déclarations enflammées. Mais à côté de ces brebis galeuses des milieux d’affaires il y a des milliers de patrons, petits et grands, qui n’ont rien à se rapprocher. Et il est grand temps que Saied leur tende sincèrement la main s’il veut se donner une chance de relever le pays…

La dernière fois que le chef de l’Etat a reçu le président de l’UTICA – le 28 décembre 2021 -, c’était pour calmer les inquiétudes des patrons après les éruptions autour de la réconciliation pénale. La rencontre était d’ailleurs assez positive. Mais depuis plus rien. Saied est reparti dans ses combats, ses dadas, qui sont politiques, judiciaires, institutionnels, constitutionnels… Ils sont tout sauf économiques, ce que d’ailleurs lui reprochent les Etats-Unis et qui pourrait nous valoir prochainement un sérieux retour de manivelle..

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