Economie

Ils ont tiré le poison, la Tunisie devra le boire jusqu’à la lie

Ils ont tiré le poison, la Tunisie devra le boire jusqu’à la lie

Ce sera 3,5% à l’arrivée et pas les 5% que réclamait l’UGTT. Tout ce tintamarre pour ça, diront certains. Une hausse salariale qui n’est même pas du niveau de l’inflation, laquelle est officiellement aux alentours de 7%, au bas mot, même s’il faut se méfier des chiffres balancés par les autorités en la matière. On ne le sait que trop : La cherté de la vie est un sujet anxiogène pour les populations et donc forcément dangereux pour tous les gouvernements. Reste les enseignements de cette affaire, âprement négociée en personne par la cheffe du gouvernement, Najla Bouden et le secrétaire général de la centrale syndicale, Noureddine Taboubi…

Un poker menteur de haut vol

Quand le ministre de l’Emploi et porte-parole du gouvernement a confié que les deux parties avaient accordé tous leurs violons sauf sur l’épineuse question de l’augmentation des salaires, il était certain qu’un accord tomberait très prochainement. Et ça n’a pas loupé. Mais ça n’a pas loupé parce qu’il ne pouvait pas en être autrement…

Taboubi, qui sait mieux que tout le monde que les caisses publiques sont exsangues – il le sait parce qu’il fait partie de ceux qui les ont vidées avec ses demandes récurrentes sur les salaires -, est allé au bout de ce qu’il pouvait faire, et a obtenu ce qu’il pouvait obtenir dans la conjoncture financière que l’on sait. En fait tout cette agitation autour de la grève générale du 16 juin dernier et de la prochaine – dont la date n’a jamais été fixée – procède d’un jeu de poker où l’UGTT a finement joué les cartes qu’elle a en main…

Est-ce que cela suffira au bonheur de Yaâcoubi ?

Est-ce que cela suffira à faire le bonheur des troupes de Taboubi et des employés de la fonction publique en général ? Rien n’est moins certain. Le secrétaire général de la Fédération générale de l’enseignement secondaire, Lassaad Yaacoubi, qui ne cache pas son empressement à prendre les rênes de la centrale syndicale, est formel : «au lieu de se satisfaire d’une hausse de 3,5%, l’UGTT aurait dû négocier un accord qui contraint le gouvernement à tout faire pour enrayer l’inflation. Nous avons choisi la mauvaise voie (…). Cette augmentation ne solutionnera pas la crise sociale…”. Il a tenu ces propos ce jeudi 15 septembre, sur une radio privée…

Bon, on sait que Yaâcoubi fait feu de tout bois pour avant tout servir ses ambitions personnelles – s’asseoir sur le fauteuil de Taboubi -, même s’il faut pour cela lâcher des mauvais bruits sur un accord que tout le monde attendait. Mais dans cette affaire le secrétaire général de la centrale syndicale n’avait pas le choix, il se devait de ramener quelque chose à la maison pour calmer ses partisans et éteindre l’incendie que Yaâcoubi fait tout pour raviver.

Tarek Cherif va s’étouffer

Pour le gouvernement c’est à peu près la même chose, avec la pression du FMI en plus. L’impérieuse nécessité de trouver un terrain d’entente avec le principal bailleur est à ce prix : Des engagements financiers que les finances publiques payeront chèrement, des dépenses de plus au nom d’un pari fou sur une relance économique – d’ailleurs il est où ce plan ? – qui réglera enfin tous les problèmes du pays…

J’en connais un qui va s’étouffer : Tarek Cherif, le président de la Confédération des entreprises citoyennes de Tunisie (Conect). Il a redit pour la énième fois ce jeudi, sur une radio privée, tout le mal qu’il pense de la masse salariale de la fonction publique. Attendons sa réaction après le chiffrage de la dernière augmentation…

Le choix de la déraison

Les autorités auraient pu faire le choix de la raison : Redémarrer la machine économique, créer de la richesse avant de songer à distribuer. Mais est-ce que la raison a encore de la place dans un pays qui marche sur la tête ? Est-ce que le gouvernement pouvait éviter la capitulation face au harcèlement de l’UGTT ?

Tout ce qui importe à l’équipe de Bouden c’est de lever les obstacles à la signature de l’UGTT sur le plan de réformes qui doit être remis au FMI, document sans lequel aucun dollar ne sera avancé. Après ça le déluge. Jusqu’ici la centrale syndicale n’a pas dit formellement que la hausse des salaires garantit son cachet sur le document du FMI. Donc on guette la prochaine sortie de Taboubi… et des autres.

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