news

La Commission de Venise met son veto sur tous les projets de Saied, forcera-t-il le barrage?

La Commission de Venise met son veto sur tous les projets de Saied, forcera-t-il le barrage?

Le référendum du chef du l’Etat, Kais Saied, et les élections censées le suivre en décembre 2022 sont sur la table de la Commission de Venise depuis le 27 avril 2022. C’est le Service européen pour l’action extérieure (SEAE), par l’intermédiaire de la Délégation de l’Union Européenne en Tunisie, qui l’a saisie pour faire toute la lumière sur la grande affaire de Saied. Ce dernier peut souffler, il n’aura pas à se farcir une troisième visite en moins de deux mois (avril et mai 2022). Des “contraintes temporelles” ont obligé les Européens à annuler leur voyage. Mais pour le reste les nouvelles sont très mauvaises, et il fallait s’y attendre après le missile balancé par les députés européens.

Ce qui a surtout mobilisé la Commission de Venise (Commission européenne pour la démocratie par le droit), dont la présidente a été reçue au palais de Carthage en avril 2022, c’est le fameux décret-loi n° 2022-22 amendant et complétant la Loi organique n°23 sur l’Instance Supérieure Indépendante des Elections (ISIE), paraphé par Kais Saied le 22 avril 2022. Mais il y a une pléthore d’autres griefs contre les projets du président tunisien…

Mais au vu de ce qu’a asséné hier un des soutiens de la première heure de ce dernier, la machine est lancée et il y a peu de chances qu’elle dévie de sa trajectoire. D’ailleurs le partenaire européen est conscient du fait que sa charge n’est pas de nature à troubler l’inflexible Kais Saied. Reste à connaître les conséquences du jusqu’au-boutisme du chef de l’Etat, pour lui personnellement et pour la Tunisie…

Après avoir passé à la loupe le plan de Saied dans son intégralité, la Commission de Venise en conclut ceci :

Conclusions

  1. La Commission de Venise réserve expressément sa position sur la compatibilité de l’ensemble des décrets présidentiels et décrets-lois adoptés par le Président de la République à partir du 26 juillet 2021 avec les standards internationaux et avec la Constitution de la Tunisie (en l’absence d’une cour constitutionnelle).
  2. L’objet de cette opinion est d’exprimer un avis sur le décret-loi n° 2022-22 à la lumière de la Constitution, du cadre juridique actuellement en vigueur en Tunisie et des standards internationaux. La Commission de Venise est parvenue à la conclusion que ce décret-loi n° 2022-22 n’est compatible ni avec la Constitution, ni avec le décret présidentiel n° 2021-117, ni avec les standards internationaux. Elle est d’avis, par conséquent, que le décret-loi n° 2022-22 devrait être abrogé.
  3. La Commission est d’avis – indépendamment de la question de savoir s’il est légitime de modifier la Constitution en dehors de la procédure prévue par la Constitution qui est toujours, partiellement au moins, en vigueur – qu’il n’est pas réaliste de prévoir d’organiser de manière crédible et légitime un référendum constitutionnel le 25 juillet 2022, en l’absence – deux mois avant la date prévue pour la consultation – de règles claires et établies bien à l’avance, sur les modalités et les conséquences de la tenue de ce référendum et surtout en l’absence du texte de la nouvelle Constitution qui sera soumis au référendum.
  4. La Commission considère qu’avant tout référendum constitutionnel, des élections législatives devraient être organisées au plus tôt, afin de rétablir l’existence du pouvoir parlementaire qui a disparu depuis la suspension puis la dissolution de l’Assemblée des représentants du peuple (ARP). Si la loi électorale devait être amendée avant les élections législatives, une vaste consultation des forces politiques et de la société civile devrait être menée afin de parvenir à un consensus sur les nouvelles règles électorales. Les élections devraient être organisées par l’ISIE dans sa composition antérieure au décret-loi n° 2022-22.
  5. La nouvelle Assemblée des représentants du peuple pourra, bien entendu, modifier et améliorer les règles applicables à l’ISIE, et également la Constitution de 2014.
  6. La Commission de Venise est d’avis que l’abrogation du décret-loi n° 2022-22 est essentielle pour la légitimité et la crédibilité de tout processus électoral ou référendaire.
  7. Si le Président de la République n’accepte pas de reporter le processus de réforme constitutionnelle, ce qui semble être le cas, la Commission de Venise estime qu’au minimum il serait nécessaire :

–              d’allonger  (autant  que  possible)  les  délais  de  préparation  des  amendements constitutionnels et reporter la date du référendum en conséquence ;

–          de mettre en place une commission véritablement représentative de toutes les forces politiques et de toute la société tunisienne et de la charger de préparer et adopter le texte à soumettre au référendum ;

–          de préciser si le référendum est décisionnel ou consultatif, et quelles en seront les conséquences ; de l’avis de la Commission, il est nécessaire de prévoir expressément qu’en cas de rejet du nouveau projet de constitution, la Constitution de 2014 restera en vigueur jusqu’à son éventuel amendement par l’Assemblée des Représentants du Peuple nouvellement élue ;

–          d’envisager un seuil d’approbation du référendum ;

–          de charger l’ISIE dans sa composition antérieure au décret-loi n° 2022-22 d’organiser le référendum ;

–              de mettre en œuvre les conditions de déroulement d’une campagne référendaire qui permette la libre formation de la volonté des électeurs (voir lignes directrices révisées sur la tenue du référendum) ;

–          de permettre l’observation internationale du référendum.

  1. La Commission de Venise reste à la disposition des autorités tunisiennes et de l’Union Européenne.

 

 

Que se passe-t-il en Tunisie?
Nous expliquons sur notre chaîne YouTube . Abonnez-vous!

Commentaires

Haut