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Ma vie: Contrebandière, veuve et sans enfants de Sidi Bouzid.

Ma vie: Contrebandière, veuve et sans enfants de Sidi Bouzid.

Tunisie Numérique a mené une série d’interviews auprès des familles tunisiennes pour savoir comment elles gèrent leurs budgets en ces temps de crise que traverse le pays.

Ces tunisiens proviennent de différentes classes sociales, sont d’âges différents et habitent dans des quartiers aussi bien huppés que populaires. Ils ont accepté volontairement de répondre de manière spontanée et anonyme aux questions de Tunisie Numérique. Les récits ont été retranscrits tels quels.

Néziha a 51 ans. Elle est contrebandière et n’a pas d’enfants.

Néziha se confie à nous : « Je me suis mariée assez tard, à l’âge de 39 ans. C’était le mariage de la dernière chance ! Mon défunt mari, Mokhtar, était chauffeur dans une administration publique ».

Néziha s’arrête un instant, lance un long soupir et reprend : « Le salaire de Mokhtar était modeste mais on s’en contentait, on se débrouillait. Mokhtar est décédé il y a 3 ans. Il a laissé un grand vide dans ma vie. J’ai dû dépendre, totalement, de la pension de veuvage et de sa famille qui ne voulait pas me laisser tranquille ! »

Néziha nous raconte qu’elle est la benjamine d’une famille de 03 enfants. Elle a un frère et une sœur.

Le mariage avec Mokhtar et la belle famille

Elle nous raconte : « J’ai connu Mokhtar dans un mariage familial. On s’est marié 06 mois après. J’ai dû déménager de mon quartier d’enfance dans la ville de Sidi-Bouzid et le suivre dans la délégation de Ouled Haffouz. Mokhtar Allah Yarhmou était attentionné et me traitait avec respect ».

Néziha, les larmes aux yeux, continue : « Mokhtar était casanier, il restait à mes côtés tant qu’il ne travaillait pas. Il était de bonne compagnie. Il ne parlait presque jamais de son travail en tant que chauffeur ».

Néziha paraît profondément attristée, elle se ressaisi et lance : « Mon Mokhtar voulait avoir des enfants comme moi. Le bon dieu en a voulu autrement. Notre relation n’a pas été affectée. Sa famille par contre n’a jamais cessé de le remonter contre moi, ربي يسامحهم -Que dieu les pardonne. Mokhtar ne les écoutait pas mais était sous pression ! ».

La maison familiale source de problèmes

Néziha nous parle de la maison dans laquelle elle habite : « Les premières années de mon mariage, je me suis attelée à entretenir la maison et à l’équiper. A aucun moment je ne savais que cette maison était celle de la famille de mon mari. C’était un héritage familial et je ne pouvais pas prouver que mon mari y avait encore des parts. Ils étaient plus forts que moi et surtout plus influents ! J’ai tout perdu, mon Mokhtar et ma maison ».

Néziha rajoute : « J’ai été évincée de la maison, sans pitié. Je me suis tout simplement trouvée à la rue, sans rien. J’ai dû retourner vivre chez mes parents pour être hébergée avec la famille de mon frère qui a 5 enfants ».

D’ouvrière de chantier à contrebandière

Néziha a pu après le décès de son mari être recrutée comme ouvrière de chantier dans une délégation régionale.

Elle nous raconte à ce sujet : « Après le décès de Mokhtar, j’ai fait des pieds et des mains pour trouver un travail. La pension de veuvage ne suffisait pas. J’ai réussi à être recrutée comme ouvrière de chantier mais 2 années après on nous a viré. On s’attendait à la régularisation de notre situation mais voilà, j’ai dû retourner à la case de départ ».

Néziha continue : « Je ne voulais être un fardeau pour personne, je devais travailler et gagner ma vie. Je me suis tournée vers l’Algérie vu la proximité et la demande des produits qui se font rares en Tunisie. Je fais 02 à 03 voyages par mois vers l’Algérie. J’apporte avec moi des cigarettes, des vêtements et d’autres produits à la demande. Mais jamais d’alcool, ni de drogues ».

Néziha nous dit dégager une bonne plus-value de la vente des produits de contre bande. Elle nous précise à ce sujet : « J’ai ma clientèle. Je suis très discrète et ne veut pas être épinglée pour quelques centaines de dinars. D’ailleurs un gros contrebandier de la région m’avait proposé d’écouler, contre commission, de gros volumes de marchandises. J’ai refusé. Heureusement, il est aujourd’hui derrière les barreaux ».

Néziha nous lance : « Je n’ai pas choisi d’être contrebandière c’est la vie qui en a voulu ainsi ».

Le budget de Néziha

Les revenus :

  • Pension de veuvage : 380 dinars par mois.
  • Revenu de la contrebande : 1 000 dinars par mois.

Les dépenses :

  • Frais de STEG : 60 dinars
  • Frais de SONEDE : 35 dinars.
  • Produits alimentaires et d’entretien : 400 dinars par mois.
  • Frais de voyage vers l’Algérie : 300 dinars par mois.
  • Il n’y a pas de budget spécial pour ramadhan

A l’occasion de l’Aïd Fitr, Néziha achète des vêtements neufs en Algérie, pour elle et la famille de son frère. Le budget spécial Aîd Fitr est de 400 dinars. Le reste de l’année, Néziha s’habille de la fripe.

Néziha participe avec son frère au budget de l’Aïd Kébir avec 100 dinars.

Néziha possède un compte postal et bénéficie d’une carte de soins de tarif réduit.

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