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Par Abdelaziz Gatri : Sus au corporatisme automatique et haïssable

Par Abdelaziz Gatri : Sus au corporatisme automatique et haïssable

Après la grève des juges qui a duré plus de deux mois, condamnant les tribunaux à une fermeture forcée pendant tout un semestre (grèves, vacance judiciaire d’été, COVID), après celle des médecins en pleine pandémie COVID, après le siège et l’envahissement des tribunaux par les syndicats des sécuritaires pour délivrer leurs collègues impliqués dans des affaires d’agression, après le sit-in organisé par les députés Qalb Tounes dans le bureau du juge d’instruction pour faire libérer Nabil Karoui, et après toutes les actions de solidarité corporatiste sauvage qu’a connues le pays dans un climat d’impunité et de déliquescence de l’Etat, voici que l’ordre des avocats, suivi par l’association des jeunes avocats, vient au secours de l’un de ses membres objet d’un mandat de dépôt émis par la justice militaire, suite à sa participation dans la célèbre razzia dite de l’aéroport, menée par des avocats visant à faire embarquer en avion une femme objet d’une mesure S17.

Nonobstant la véracité des actes dont il est accusé et la pertinence du mandat de dépôt à son encontre, ces protestations dévoilent, encore une fois, l’existence d’une autre épidémie qui frappe de plein fouet la société : celle du corporatisme aveugle. Car l’élan de solidarité, exprimé par les avocats, n’était pas en faveur du citoyen qu’est Mehdi Zagrouba, car plusieurs civils sont souvent poursuivis auprès des tribunaux militaires sans réaction des défenseurs de la veuve et de l’orphelin, mais en faveur du collègue avocat.

Dans l’ARP élue en 2014, un citoyen sur 53 000 a obtenu un siège de député (217/11,5 millions), contre un avocat sur 217 (37/8000). La même année, un avocat fut élu président de la république, un autre désigné vice-président, un troisième directeur du cabinet présidentiel, sans compter les dizaines d’avocats nommés depuis la révolution ministres, secrétaires d’Etat, conseillers… L’avocat-président de la république a même offert une fastueuse cérémonie en l’honneur de ses collègues avocats pour célébrer les 120 ans de barreau en Tunisie.

Durant toutes ces années, où on a vu la casquette politique surplomber à la robe, que n’a-t-on pas vu de députés avocats accourir au secours de délinquants de droit commun ou de terroristes présumés pour empêcher leur arrestation ou faire suspendre les mesures judiciaires ou  administratives prises à leur encontre. Leurs interventions étaient souvent accompagnées d’actes d’intimidation et même de voies de fait sur les forces de l’ordre et les magistrats.

Durant cette période, nous avons aussi vu des dizaines de civils traduits injustement devant les tribunaux militaires en vertu de textes de loi en totale contradiction avec les principes élémentaires d’un régime républicain et démocratique. Les avocats, sollicités par ces clients potentiels, se contentaient d’assurer leur défense sans plus.

Mais durant cette période, nous n’avons vu venir aucune initiative législative ou projet de loi de leur part pour faire abroger les textes obsolètes qui autorisent les tribunaux militaires à poursuivre et  juger des civils, aucune action visant à faire annuler l’ignominieux décret n°50 du non moins ignominieux 26 janvier 1978, réglementant l’état d’urgence et qui est en contradiction avec la constitution, ni aucune tentative de réglementer la mesure dite S17 en vue d’apporter les mécanismes nécessaire au contrôle de son application pour éviter les abus et l’arbitraire. Des considérations hautement corporatistes, partisanes, ou même, personnelles s’y opposaient.

Aussi, au lieu de toutes ces manifestations de solidarité entre « collègues », sans aucune considération pour le citoyen lambda dont aucune corporation ni syndicat ne se soucie, n’est-il pas venu le temps pour tous, citoyens, membres de la société civiles, activistes politiques et avocats, afin de se mobiliser pour amender codes et lois, afin que nul ne soit plus victime de tels abus, qu’il soit simple citoyen ou avocat.

Abdelaziz GATRI, activiste politique, Alliance patriotique pour l’ordre et la souveraineté (A.P.O.S).

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