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Par Habib Karaouli : Le jugement de Salomon

Par Habib Karaouli : Le jugement de Salomon

Le feuilleton du remaniement ministériel continue à nous tenir en haleine et à susciter débats et controverses. Pour le moment, chaque protagoniste campe sur ses positions et essaye de rallier le maximum de soutien à sa cause sans trop se préoccuper des conséquences. Cette situation inextricable dans laquelle nous ont mis nos politiques me rappelle la situation dans laquelle s’est retrouvé le roi Salomon sollicité pour statuer sur un litige opposant deux femmes qui revendiquaient chacune la maternité d’un enfant. Il prit son jugement resté dans l’histoire comme un modèle de gestion de la recherche de la vérité dans un litige où soit l’on partage les torts entre les parties, soit l’on met les parties en situation de changer de position.

Le différend opposait deux femmes ayant chacune mis au monde un enfant dont l’un était mort à la naissance. Elles se disputèrent alors l’enfant survivant. Pour régler ce désaccord, Salomon réclama une épée et ordonna : « Partagez l’enfant vivant en deux et donnez une moitié à la première et l’autre moitié à la seconde ». L’une des femmes déclara alors qu’elle préférait renoncer à l’enfant plutôt que de le voir mourir. Par ce fait, Salomon reconnut la véritable mère de l’enfant. Il lui reconnut la maternité et lui donna son nourrisson.

Il en est ainsi, de mon point de vue, du litige qui oppose actuellement le Président de la république et le Chef de gouvernement avec la Tunisie comme objet de discorde. Or, dans ce jeu, comme dans bien d’autres d’ailleurs, c’est celui qui perd qui gagne. Celui qui lâchera le premier aura démontré une meilleure prise en compte des impératifs du moment, une conscience élevée de l’urgence vitale de mesures économiques et sociales qui n’attendent pas et un souci réel de la situation des plus vulnérables qui ne cesse de se dégrader faute de prise en charge.

Le contexte n’est pas propice à un débat serein où les intérêts supérieurs du pays sont le seul critère d’appréciation d’une position. Force est de constater cette hystérisation et cette judiciarisation excessive, inhibitrice voire incapacitante, de la vie politique, favorisée par la surreprésentation parmi le personnel politique de juristes, plus enclins à nouer qu’à dénouer et qui ont rarement orienté vers des solutions.  Souvent, malheureusement, la contribution se limite au constat et à la conformité ou pas avec les procédures, quitte à en oublier l’essentiel. Pour paraphraser Marx dans sa critique des dogmatiques, “périsse le peuple plutôt que nos schémas.”

Le problème est bien évidemment politique, avec des fixations personnelles de part et d’autre et n’a jamais été juridique. En l’absence d’une Cour constitutionnelle qui seule dit le dernier mot, tout le reste n’est qu’interprétations et arguties qui peuvent être tout aussi recevables que rejetables les unes que les autres.

Qui assumera la responsabilité de cette aggravation ? Qui assumera la détérioration de notre image en dedans et en dehors ? Qui sera comptable du surcoût à assumer pour réparer les dégâts? Les quelques prémisses de solution s’éloignent de jour en jour. Les ministres en charge et les responsables sont dans une situation peu enviable, sans aucune idée de leur espérance de vie au poste et sans aucune marge de manœuvre, sauf à s’exposer aux fourches caudines de la justice pour illégitimité. Est-ce l’objectif des parties?

Qui lâchera le premier ?

 

Habib KARAOULI

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