Culture

Par Henda Haouala – Cinéma tunisien 2023 : Que reste-t-il de nos amours ?

Par Henda Haouala – Cinéma tunisien 2023 : Que reste-t-il de nos amours ?

A la veille de cette fin d’année, il m’a semblé nécessaire de m’attarder sur l’état du cinéma tunisien. L’année 2023 est marquée par un évènement majeur, celui de la grande réussite du film tunisien  « Les filles d’Olfa » de Kaouther Ben Hania. En effet, ce docu-fiction a honoré la Tunisie par sa sélection au majestueux Festival de Cannes en Mai 2023 dans la compétition officielle après une absence du cinéma tunisien pendant de nombreuses décennies. Depuis quelques jours, nous apprenons que Les filles d’Olfa figure dans la short list pour les Oscars 2024 dans deux catégories : Meilleur documentaire et meilleur film international représentant la Tunisie. Entre temps, le film fait sa carrière à l’échelle internationale et rafle les prix, entre autres, du meilleur documentaire dans nombreux festivals dans le monde.
Un autre film qui fait déjà parler de lui ces derniers mois : « Machtat » de Sonia Ben Slama qui a été sélectionné à la section ACID (Association du Cinéma Indépendant pour sa Diffusion), une section parallèle au  festival de Cannes et qui vient de remporter le prix du meilleur film documentaire arabe au festival d’el Gouna, qui a eu lieu exceptionnellement du 14 au 21 Décembre.
Aussi, le dernier film de Mohamed Ben Attia « Derrière les montagnes » qui a fait sa première mondiale en septembre dernier à la 80 e édition de la Mostra de Venise dans la section Horizonti a été sélectionné à la 3ème édition du Red Sea en Arabie Saoudite.
On a également témoigné du succès du film documentaire  « Je reviendrai là-bas » de Yassine Redissi, qui a remporté, entre autres,   la mention spéciale au festival International du Caire (CIFF 2023) et a participé à des différents festivals internationaux.

Malgré tous ces succès, l’année 2023 est marquée par une déception inoubliable : celle de l’annulation des Journées cinématographiques de Carthage Octobre 2023. Une annulation qui reste jusqu’à aujourd’hui inexpliquée, injustifiée et incompréhensible. Le comité directeur du festival a su s’adapter à la guerre déclarée à Gaza et a annulé tout aspect festif pour garder de l’évènement que son ADN militant ainsi que la projection des films déjà sélectionnés dont des films palestiniens. Cette annulation témoigne malheureusement de l’ignorance de l’historique politico-militant des Journées cinématographiques de Carthage, des journées fondées en grande partie comme seul et unique lieu en Afrique et dans le monde arabe comme lieu de résistance contre les inégalités et pour faire valoir la voix des oppressés.

Une fois les JCC annulées voilà qu’on on annonce la semaine du cinéma palestinien ! Allez chercher la logique.

2023 a connu également la mort cérébrale du festival Manarat et a vu le limogeage du Directeur Général du centre national du cinéma et de l’image Mr Nomaane Hamrouni à une heure très tardive la nuit du démarrage du festival.

 L’année 2023 a également témoigné de l’échec du Master International Film Festival (Miff Hammamet) qui a signé une édition qui ne répond aucunement aux normes « Internationales » d’un festival de cinéma et  qui demeure sans ligne éditoriale claire depuis sa création.

L’année 2023 confirme la faiblesse de la stratégie accordée à la gestion des festivals de cinéma qui demeurent sans vision cinématographique et politique claire et distinguée.

 Le centre national du cinéma et de l’image qui a été créé en 2011 pour assurer non seulement un rôle régisseur du secteur cinématographique, mais aussi un rôle créatif et innovateur se réduit malheureusement à une structure administrative sclérosée. Pour l’anecdote, le CNCI poste une photo sur sa page Facebook montrant le secrétaire général présent au Red Sea avec un responsable saoudien sans mentionner ni son nom, ni sa fonction. La publication annonce une collaboration future entre la Tunisie et l’Arabie Saoudite … Mais comment et avec qui ?

Les problèmes liés à la production, à la distribution et aux financements provoquent toujours des difficultés empêchant l’épanouissement du secteur du cinéma, face à un marché international qui devient de plus en plus rude et une concurrence de plus en plus serrée. L’annulation des festivals de cinéma accentuent ces difficultés à tous les niveaux. Un festival de cinéma est la plateforme vivante de l’industrie cinématographique.

Nous souhaitons en cette nouvelle année 2024 voir une stratégie créative et surtout compétente, consacrée aux festivals de cinéma et aux fonds d’aide qui puisse répondre aux exigences des nouvelles lois du marché international et prendre de nouvelles mesures. Le but étant de voir enfin l’industrie cinématographique être la dynamique culturelle et économique fructueuse qu’elle se doit d’être.

En cette fin d’année 2023, je souhaite tout le rayonnement que mérite notre cinéma tunisien et toute l’abnégation des producteurs, réalisateurs, distributeurs et exploitants qui œuvrent pour un avenir cinématographique tunisien plus radieux en croyant en la magie du cinéma. 

Dr. Henda Haouala

Maître de conférences en techniques audiovisuelles et cinéma

Que se passe-t-il en Tunisie?
Nous expliquons sur notre chaîne YouTube . Abonnez-vous!

Commentaires

Haut