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Rwanda : le Chef de guerre devenu Chef d’Etat a fabriqué une machine à croissance

Rwanda : le Chef de guerre devenu Chef d’Etat a fabriqué une machine à croissance

La volonté d’un homme, un seul, Paul Kagame, a mené le Rwanda au firmament des taux de croissance en Afrique et parmi les 20 meilleurs dans le monde cette année, +7,2% d’après les prévisions de la BAD (Banque africaine de développement) et du magazine britannique The Economist. Ce “petit” pays apporte encore la preuve qu’avec peu – un territoire d’à peine 26 338 km2 niché dans l’Est de l’Afrique – on peut faire de grandes choses. Le Rwanda est incontestablement un des ténors de la région des Grands Lacs, un pays qui compte par son leadership politique et diplomatique. Pourtant tout cela n’allait pas de soi, le «pays des mille collines» a dû vaincre des handicaps lourds, à commencer par l’enclavement (frontalier avec l’Ouganda, la Tanzanie, le Burundi et la République démocratique du Congo).

Une résilience et une clairvoyance qui ont ébloui le monde entier

Le deuxième accident de l’histoire, qui a failli engloutir définitivement le pays, est sans doute le génocide de 1994. Les tueries de masse ont immédiatement commencé après l’assassinat du président Juvénal Habyarimana en avril de la même année. Il faut dire que l’homme, un Hutu, l’ethnie majoritaire (84% de la population), ne s’est occupé que des intérêts de sa communauté depuis qu’il a arraché le pouvoir suite à un coup d’État, en 1973. Cette politique ségrégationniste lui a valu les rancoeurs des Twa (1% de la population) mais surtout des Tutsi (15% de la population). Alors quand Habyarimana est tué automatiquement ces derniers sont accusés…

S’ensuivit une traque systématique des Tutsi, elle ne cessa qu’en juillet 1994 après près de 800 000 morts. En fait c’est la victoire militaire du Front patriotique rwandais (FPR), un groupe rebelle conduit par des Tutsi partis de l’Ouganda, qui a stoppé la tragédie nationale. Ces rebelles combattaient le gouvernement de Habyarimana depuis 1990 et le président Kagame était le chef du FPR. Il aurait pu se lancer dans une vendetta aveugle quand il prit le contrôle du pays, il ne l’a pas fait.

Quand Kagame fut élu président de la République en 2000 il marcha sur les pas de l’icône planétaire Nelson Mandela : il imposa la réconciliation nationale en dépit des plaies béantes de sa communauté, les Tutsi. En 2003 le président de la République mit en place une nouvelle Constitution qui enterra définitivement les politiques de discrimination, exactement comme l’a fait l’Afrique du Sud quand Mandela fut élu en avril 1994. Ceux qui qualifient Kagame de dictateur devraient penser à tout ce qu’il a fait pour éviter l’implosion du pays.

Maintenant quand on parle du Rwanda c’est pour évoquer ses prouesses économiques, ses réussites technologiques, sa politique environnementale avant-gardiste (sa capitale, Kigali, est citée comme la plus propre en Afrique), le niveau de la formation et la qualité des ressources humaines, etc. Mais la stabilité politique et sécuritaire est sans doute le plus précieux atout aux yeux des investisseurs étrangers et des institutions financières internationales…

Deux puissants alliés, le génie rwandais fait le reste

Durant les 10 dernières années le pays a bénéficié du soutien sans faille de la Banque mondiale et du Fonds monétaire international (FMI) pour entreprendre des réformes structurelles afin de maintenir le rythme de la croissance. La pandémie du Coronavirus a impacté lourdement les performances du Rwanda, comme tous les pays du reste, mais les prévisions de croissance pour 2024 font la démonstration de la résilience du pays face aux chocs endogènes et exogènes.

Adossé sur une modernité que lui envient la plupart des pays africains (61% des sièges du Parlement ont été raflés par des femmes aux législatives de septembre 2018) le pays regarde vers l’avant. Le Rwanda ambitionne de trôner parmi les économies à revenu intermédiaire à l’horizon 2035 et de se hisser au niveau des pays à revenu élevé d’ici 2050. Les Stratégies Nationales pour la Transformation (SNT-1), des plans étalés sur 7 ans, serviront de rampe de lancement pour atteindre les paliers supérieurs.

Le gouvernement de Kagame procède très méthodiquement en traçant des plans sectoriels détaillés pour réaliser un à un les Objectifs de développement durable (ODD). Ces plans capitalisent sur les stratégies de développement économique et de réduction de la pauvreté qui étaient appliquées en 2008-2012 et 2013-2018. Elles ont changé en profondeur le pays, avec des succès économiques et sociaux éclatants. La croissance annuelle est montée en moyenne à 7,2% durant la dernière décennie, le PIB par habitant a poussé jusqu’à +5% et le PIB réel a affiché +8,2 % en 2022.

Le niveau de vie des Rwandais est supérieur à celui de beaucoup de pays africains dont le sous-sol est gorgé de richesses. Le Rwanda a certes des gisements d’étain, de tantale, de tungstène, d’or, de platine, de palladium et des terres rares, mais c’est sans commune mesure avec le richissime voisin – en ressources minérales -, la République démocratique du Congo (RDC). Pourtant en exploitant de manière optimale ses richesses agricoles et minières Kagame a réalisé un exploit : Atteindre tous les objectifs du Millénaire pour le développement en matière de santé. Ils sont deux pays en Afrique subsaharienne à avoir franchi ce cap.

Les deux derniers combats du “Général” Kagame

Il reste deux batailles à gagner et non des moindres : Achever la transformation de l’économie pour la sortir du giron de l’Etat et éviter une guerre frontale avec le puissant voisin, la RDC

En 2019 les gros investissements publics ont tiré vers le haut l’économie du pays, 13% du PIB. Mais le pays l’a payé cher en termes de déficits budgétaires, abondamment financés par des prêts extérieurs. Cela a fait exploser le ratio dette/PIB : 19,4% en 2010, 56,7% en 2019 et 71% du PIB en 2020, du fait du marasme financier provoqué par la pandémie. Tout cet argent pèse sur les épaules des générations futures et il faudra le rembourser. L’Etat doit absolument sortir de cette spirale infernale en élargissant la place du secteur privé dans la croissance économique.

L’autre défi est sécuritaire. Le Rwanda est régulièrement accusé par le voisinage et la  communauté internationale d’armer les rebelles du M23 pour semer la mort et la désolation dans l’Est de la RDC. Le but de la manoeuvre serait de mettre la main sur les richesses minières que le Rwanda n’a pas. Le niveau de sophistication de l’armement des rebelles congolais est tel que forcément tous les regards pointent vers Kigali. Kagame ne pourra pas faire l’économie d’actions fortes pour donner des gages de paix. L’avenir de son pays mais aussi de toute la région en dépend.

 

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