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Par Abdelaziz Gatri: Abdelmajid CHAKER, digne fils de la Tunisie, enterré dans l’indifférence

Par Abdelaziz Gatri: Abdelmajid CHAKER, digne fils de la Tunisie, enterré dans l’indifférence

Mardi après-midi, sous un ciel brumeux, un carré, formé des membres de la famille, de leurs amis et de quelques amis du défunt, était réuni pour l’enterrement de feu Abdelmajid CHAKER, dans une cérémonie aussi solennelle que dépouillée de tout faste. Aucun officiel, aucun visage connu de la scène politique, hormis la présence de Saïd Aïdi. Pourtant, le parcours du défunt, son envergure et ses réalisations auraient dû lui valoir un enterrement officiel, ou au moins un hommage d’un représentant de l’Etat, en reconnaissance de l’Etat à l’un de ses fondateurs et de ses bâtisseurs.

Né en 1927 à Sfax, Il vécut une enfance marquée par les arrestations et les incarcérations successives de son frère aîné, l’illustre et grand militant Hédi CHAKER, en 1935, en 1938, et plus tard en 1952, son exil à Tabarka, Remada, Djerba puis Tataouine, sa mise en résidence surveillée, et enfin son assassinat en 1953 par des membres de l’organisation terroriste pro française La Main Rouge, assistés par quelques traitres tunisiens.

Il est donc baigné très tôt dans ce milieu nationaliste de lutte pour l’indépendance, et ne tarde pas à rallier la cause tunisienne, en même temps qu’il adhère au mouvement scout tunisien. A 25 ans, il s’exerce aux hautes responsabilités syndicales et politiques, en devenant président du  bureau provisoire de l’Union générale des étudiants de Tunisie (UGET) en mars 1952, et connait la même année, à son tour, les affres de l’arrestation et de l’incarcération. Il est condamné à 10 ans de prison ferme pour fabrication de bombes artisanales et distribution de tracts, et c’est en prison qu’il apprit la nouvelle de l’assassinat de son frère.

Gracié en 1954, et après avoir terminé ses études de droit à Paris, il occupe tour à tour plusieurs hautes fonctions politiques et ministérielles : Directeur du Néo-Destour de 1956 à 1964, membre de son bureau politique à partir de 1957, 3 fois député à partir de 1959.

Ministre de l’Agriculture du 3 avril 1962 au 11 novembre 1964, il participe activement aux évènements ayant entrainé l’évacuation de la base militaire de Bizerte, puis à l’évacuation agricole, avant d’être désigné ministre de l’information. Très impliqué dans l’orientation collectiviste de la politique de l’Etat, il subit la mise à l’écart en 1969 après l’avortement de cette expérience dans une ambiance de lutte pour le pouvoir, d’intrigues et de manipulation de l’opinion publique, sous un pouvoir absolu d’un Bourguiba, pourtant vieillissant et lourdement atteint après sa crise cardiaque de 1967. Il fut plusieurs fois ambassadeur, une manière de le tenir loin de la scène politique nationale, scène qu’il quittera avec le coup d’Etat du 7 novembre 1987.

Après la révolution, il fonde un parti politique, le quitte sur un différend pour rejoindre Nida Tounes, puis le Mouvement des destouriens libres, avant de se retirer définitivement de la vie publique.

A son enterrement, une prière fut organisée pour le salut de son âme,  un éloge funéraire lu au nom de Mohamed Ennaceur, empêché par la maladie, et un autre éloge lu par un membre du mouvement scout tunisien. Tous ont salué la mémoire d’un homme courageux, d’un patriote dévoué et d’un fin politicien qui ne fut épargné ni par la répression coloniale, ni par l’ingratitude de l’Etat qu’il participa à délivrer et à bâtir.

Gloire à  Si Abdelmajid Chaker.

Abdelaziz GATRI,

activiste politique, Alliance patriotique pour l’ordre et la souveraineté (A.P.O.S).

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