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Egypte : ils manifestent pour un 3e mandat, contents d’al-Sissi, de l’inflation de 40%, de la dette de 143 milliards de dollars…

Egypte : ils manifestent pour un 3e mandat, contents d’al-Sissi, de l’inflation de 40%, de la dette de 143 milliards de dollars…

Le suspense n’en était pas un en fait. Des milliers d’Egyptiens ont rallié la capitale, le Caire – sur 105 millions d’habitants c’est une broutille – hier lundi 2 octobre pour faire semblant de convaincre le président Abdel Fattah al-Sissi de bien vouloir leur accorder un troisième mandat. Le chef de l’Etat sortant a fait semblant d’agréer leur demande en acceptant de rempiler pour les élections de décembre prochain. Et en l’absence d’une véritable opposition, complètement écrasée par une répression féroce et systématique, il a toutes les chances de rester au pouvoir jusqu’en 2030 (il est aux manettes depuis 2013)…

96% à l’élection de 2014, 97% en 2018, combien en décembre ?

À en croire ses partisans survoltés – certains sont venus contraints par une autocratie qui s’assume mais il y en a aussi qui le font par conviction – même 2030 c’est pas assez, ils le verraient bien président à vie au nom de la “stabilité” pour qu’il achève “les grands projets” qu’il est le seul à pouvoir conduire. Le fait qu’al-Sissi profite du combat contre le terrorisme pour couper toutes les têtes qui dépassent ne les gêne nullement. Après tout ils n’ont connu que ça, toute leur vie. Le souffle du “Printemps arabe” en 2011 n’aura finalement été qu’une parenthèse, un épiphénomène.

2014 puis 2018, al-Sissi a raflé toutes les élections avec des scores ahurissants, respectivement 96% et 97% des suffrages exprimés, comme s’il y avait un parti unique au pays des pharaons, comme si tous les Egyptiens étaient comme un seul homme derrière leur chef, comme s’il n’y avait aucune opposition dans le pays. De fait il n’y en a pas puisque le tout-puissant président a rempli les prisons avec tous ceux qui le contestent, d’une façon ou d’une autre…

Et pour raser net encore plus il a fait construire un établissement pénitentiaire dernier cri. Rien n’est trop perfectionné et trop sécurisé pour les ennemis qu’al-Sissi s’est fabriqué. Tout cela n’a pas empêché “l’ami” du président Emmanuel Macron de recevoir la plus haute distinction française, la Grand-Croix de la Légion d’honneur, en 2020 à Paris. Et après ça Macron a récidivé avec le Premier ministre indien, qui fait ou laisse faire ce qu’on sait aux minorités, surtout aux musulmans et aux chrétiens.

La pauvreté et la faim ? Al-Sissi leur rétorque “le développement a un prix”

C’est ça le monde d’al-Sissi. Alors que célèbrent ses partisans ? Ils sont contents de qui ou de quoi ? De l’inflation qui est montée à 40% ? De la livre égyptienne qui a perdu 50% de sa valeur ? Ils sont contents de la dette extérieure de plus de 143 milliards de dollars et du service de la dette de plus de 18 milliards de dollars par an ? De l’assèchement des avoirs en devises au point que les importateurs sont incapables de payer les factures des fournisseurs de produits de première nécessité ? Etc.

Et il n’y a aucune bonne nouvelle en vue. Pour cela il faudra attendre que le président matérialise les projets titanesques qu’il a dans la tête pour toucher du doigt le “développement” derrière il court. Et justement dans cette optique il a demandé encore plus de “sacrifices” à des citoyens déjà rétamés, complètement rincés. Al-Sissi est tellement gonflé de certitudes qu’il a osé sortir ceci dans une conférence : “si la construction, le développement et le progrès doivent se faire au prix de la faim et des privations, ne dites jamais on préfère avoir à manger“. Il a donné comme exemple à suivre une nation qui est devenue une “grande puissance” après “25 millions de morts de faim“.

C’est cela l’horizon indépassable du président. Alors est-ce que c’est une fatalité ? Est-ce qu’il y a moyen de proposer autre chose aux Egyptiens ? Oui, certainement, mais encore faut-il qu’ils le désirent ardemment, qu’ils se battent énergiquement pour ça. Personne ne le fera à leur place. On ne fait plus le bonheur des gens contre leur volonté. Les Occidentaux ont moult fois tenté le coup – le dernier c’est la Libye – et à chaque fois ce fut un cuisant échec. Alors c’est terminé, Européens et Américains ont remballé.

De bonnes raisons d’espérer… ou pas

Bon, tout n’est pas complètement mort en Egypte, il y a une petite pulsation démocratique sur les réseaux sociaux. De plus en plus de citoyens bravent la chape de plomb, les brimades et les arrestations pour dire ce qu’ils pensent vraiment de la trajectoire d’al-Sissi et de sa main de fer. Et parmi les candidats qui osent du bois pour croiser le fer avec al-Sissi aux élections de décembre prochain il y a Ahmed al-Tantawy, un ex-députe de 44 ans…

Depuis une semaine il a entamé une tournée nationale pour recueillir les 25 000 parrainages populaires qui lui permettront de valider sa candidature à la présidentielle. Sera-t-il capable de bousculer le Sphinx ou même de créer la première brèche dans son armure depuis 2013 ? Rien n’est moins sûr. Mais l’essentiel à ce stade c’est de tenter quelque chose. Le rêve a le mérite d’exister, c’est un solide jalon sur la route de l’Egypte de demain…

 

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