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La malédiction africaine : 5e coup d’État au Niger, après le Mali, la Guinée, le Burkina Faso…

La malédiction africaine : 5e coup d’État au Niger, après le Mali, la Guinée, le Burkina Faso…

Les soldats ont pris le pouvoir au Niger, un pays pourtant cité en modèle en matière de démocratie, une rareté hélas en Afrique. “Nous, Forces de défense et de sécurité (FDS), réunis au sein du Conseil national pour la sauvegarde de la patrie (CNSP), avons décidé de mettre fin au régime que vous connaissez” – il n’a même pas daigné nommer le président Mohamed Bazoum, démocratiquement élu en  2021 -, a dit le 26 juillet 2023 le colonel-major Amadou Abdramane, flanqué de 9 autres militaires…

5 coups d’État en 2 ans

C’est la cinquième fois qu’ils arrachent le pouvoir au Niger depuis son indépendance en 1960. Le dernier coup d’Etat datait de février 2010.

Cela fait suite à la dégradation continue de la situation sécuritaire, la mauvaise gouvernance économique et sociale“, arguent les putschistes. Les mêmes causes avancées par leur collègues du Mali (en mai 2021), de la Guinée Conakry (septembre 2021) et du Burkina Faso (janvier et septembre 2022) pour justifier l’injustifiable, dans cette partie malade du continent. Un “printemps des coups d’État” – 5 au total en 2 ans – ça ne peut pas être un signe de bonne santé.

La junte nigérienne dit “l’attachement” du CNSP au “respect de tous les engagements souscrits par le Niger“, donnant des gages à “la communauté nationale et internationale par rapport au respect de l’intégrité physique et morale des autorités déchues conformément aux principes des droits humains“…

Mais là aussi c’est ce qu’ont argué tous les putschistes de la région pour endormir la communauté internationale, mais la réalité est toute autre. Le fait est que les militaires commencent à prendre goût au pouvoir, la réforme constitutionnelle au Mali pour permettre au colonel Assimi Goïta de s’installer dans la durée illustre cet appétit croissant pour les dorures des palais de la République.

Mais il y a un os : le bilan des putschistes. On ne peut pas dire que les promesses qu’ils ont faites en matière de sécurisation des populations face au péril djihadiste aient été tenues. Le Mali est régulièrement endeuillé par les groupes extrémistes, qui continuent de se mouvoir comme bon leur semble et ont même le culot de frapper jusqu’au coeur du pouvoir. Les Burkinabés vivent fréquemment les mêmes tourments.

Poutine applaudit, Paris angoisse pour la sécurité mais aussi pour son business

Tous ces bouleversements sont travaillés en profondeur par la propagande russe, qui promet des lendemains qui chantent quand les gouvernements ouest-africains se débarrasseront de toutes les troupes occidentales. Inutile de vous dire que rien de tout ça n’est vrai, les paramilitaires du groupe Wagner, téléguidés par Moscou, se contentent de sécuriser le business – l’or et les diamants surtout – et accessoirement le cercle du pouvoir. Les djihadistes ce n’est pas leur affaire.

Après que le Mali et le Burkina Faso ont basculé dans l’escarcelle de Vladimir Poutine on craint que le Niger les rejoigne. Ce serait une déconvenue majeure de plus pour l’Occident, notamment la France et les USA, qui comptent le pays de  Bazoum parmi leurs alliés dans le combat contre les terroristes islamistes. Et d’ailleurs quand les 1500 soldats français ont été expulsés du Mali ils ont atterri au Niger.

Paris s’insurge contre “toute tentative de prise de pouvoir par la force” au Niger, a fait savoir la ministre française des Affaires étrangères, Catherine Colonna, sur le site du Quai d’Orsay. “Elle condamne fermement toute tentative de prise de pouvoir par la force et s’associe aux appels de l’Union africaine et de la CEDEAO pour rétablir l’intégrité des institutions démocratiques nigériennes“, a écrit Mme Colonna dans un message publié sur Twitter, renommé “X”.

Mais il n’y a pas que les idéaux démocratiques et la sécurité derrière l’agitation à Paris, il y a aussi les affaires. En effet le Niger est un gros pourvoyeur d’uranium, dont l’impressionnant parc nucléaire français est très friand.

La CEDEAO fidèle à ses cris d’orfraie, les USA font un peu mieux, à peine…

De leur côté les USA ont demandé “spécifiquement que les membres de la garde présidentielle libèrent le président Bazoum et s’abstiennent de toute violence“. Le communiqué de la Maison Blanche rappelle que le Niger est “un partenaire crucial” pour les États-Unis. Le secrétaire d’État américain, Antony Blinken, actuellement en Nouvelle-Zélande, exige lui aussi la “libération immédiate” de Mohamed Bazoum…

Je me suis entretenu avec le président Bazoum plus tôt dans la matinée et je lui ai dit clairement que les États-Unis le soutenaient résolument en tant que président démocratiquement élu du Niger. Nous demandons sa libération immédiate“, a ajouté Antony Blinken, avant de préciser que l’aide américaine versée au Niger ne sera maintenue que si la démocratie est rétablie.

Mais est-ce qu’il n’est pas déjà trop tard pour la voix de la raison ? Rappelons que le même argumentaire a été utilisé avec les putschistes du Mali, de la Guinée et du Burkina Faso, ces pays ont même été bannis de l’AGOA (African Growth and Opportunity Act) par le président Joe Biden. Cela n’a pas empêché les militaires d’aller au bout de leur funeste dessein. Et on ne voit pas comment éviter à ces pays pauvres de sombrer dans un chaos indescriptible, avec des institutions faibles et gangrénées par la corruption.

La CEDEAO (Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest), après avoir lancé les cris d’orfraie d’usage, va faire ce qu’elle a fait au Mali, en Guinée et au Burkina Faso, avec le succès que l’on sait : Envoyer une mission de conciliation ce jeudi 27 juillet pour rétablir la légitimité démocratique. Et évidemment ça ne donnera rien…

L’Afrique est certes le continent le plus riche de la planète – pour les ressources naturelles -, mais vous pouvez mettre ce que vous voulez sur la table (Zone de libre-échange continentale, une Bourse africaine et des outils d’autofinancement, etc.), tant que les Africains ne se débarrasseront pas de ces tares ils resteront scotchés dans un sous-développement et une pauvreté chroniques qui les pousseront à se jeter encore plus dans les bras de la Méditerranée, à la poursuite de chimères mortelles.

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