Economie

“Laisser pourrir la situation dans les entreprises publiques pour les vendre”, pourquoi pas?

“Laisser pourrir la situation dans les entreprises publiques pour les vendre”, pourquoi pas?

C’est ce qu’a dit hier mercredi 19 octobre la Fédération des transports affiliée à l’UGTT pour justifier sa grève de trois jours qui va pourrir la vie des usagers. Certes la cause est noble : “La détérioration des conditions et des moyens de travail dans toutes les sociétés de transport“. Pour une fois des grévistes demandent autre chose que des sous. Mais trois jours de galère pour les citoyens, s’ajoutant aux autres tourments qu’on leur inflige quotidiennement, c’est cher payé tout de même…

Privatiser les entreprises publiques ? Beaucoup diront pourquoi pas, après tout. Après tout le peu qui marche dans ce pays émane du privé, c’est lui qui produit, innove, alimente les caisses publiques à travers les impôts quand toutes les entreprises publiques, toutes sans exception, battent de l’aile, etc. D’ailleurs les autorités seraient bien inspirées de faciliter la vie aux entrepreneurs, d’ôter de leur chemin cette montagne d’obstacles divers, d’assainir le climat d’investissement pour que le seul moteur qui fonctionne encore continue de tourner…

Parlons un peu du transport public. Y a longtemps qu’il est frappé de mort clinique. Tous ces métros relativement neufs qui tombent intempestivement en panne et grillent les heures de travail des usagers – mises bout à bout ça pèse lourd sur la productivité nationale – ; tous ces bus qui rouillent tranquillement dans les hangars parce qu’il leur manque des pièces, parfois une seule pièce ; tous ces véhicules déglingués, très polluants et que la société ne se donne même plus la peine de nettoyer… Bref, le tableau est très sombre et depuis belle lurette.

Alors oui, les privatiser c’est peut-être la solution pour la Transtu mais aussi pour cette cohorte d’entreprises publiques malades, budgétivores, déficitaires et que l’Etat n’a plus les moyens d’oxygéner. C’est un fait. Il est évident que les privatiser ou à tout le moins ouvrir partiellement leurs capitales changerait la donne : La production monterait en flèche et le rendement avec, l’absentéisme et l’indolence légendaires des agents du public baisseraient drastiquement, les déficits disparaîtraient comme par enchantement, etc. On serait presque dans le meilleur des mondes. En fait pas tout à fait…

En effet toute privatisation a son corollaire : Une politique draconienne de réduction du personnel – plan social disent-ils -, avec des départs plus forcés que volontaires. Comment vendre ça dans cette conjoncture sociale explosive, avec l’organisation la plus puissante du pays, l’UGTT, qui guette et fixe des lignes rouges à tour de bras ? Quand les choses vont bien, économiquement et socialement, il est plus facile de faire passer ces pilules amères, mais là tout va mal. Le fait est que la Tunisie a mangé tout son pain blanc après le départ précipité de Ben Ali, le gouvernement est maintenant confronté à la nécessité absolue d’attaquer tout de suite et en même temps toutes les réformes que le pays n’a pas faites en 11 ans. C’est kafkaïen !

L’UGTT a mis son veto, publiquement et à trois reprises, au premier étage de la fusée – la fin des subventions, progressive ou pas -, alors que dire de la cession totale ou partielle des entreprises publiques. Le gouvernement de Najla Bouden devra faire preuve de beaucoup d’audace, de courage et d’imagination pour imposer ce virage, lui même imposé par le FMI même s’il ne le crie pas sur les toits. Très officiellement c’est l’affaire des autorités tunisiennes mais personne n’est dupe. De toute façon l’essentiel est ailleurs : il est dans cette casse sociale inévitable mais salutaire après la saignée…

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