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Le dernier acte de l’auto-immolation de Ennahdha

Le dernier acte de l’auto-immolation de Ennahdha

Le chef de l’Etat, Kais Saied, mène sa petite barque, la Consultation nationale. Pour le moment ce n’est pas l’affluence des grands jours, il y a plus de questions que de réponses et le démarrage à l’étranger est poussif. Mais le président de la République a le temps de voir venir. Surtout que très vraisemblablement cette affaire passera comme une lettre à la Poste, l’opposition, en particulier Ennahdha, se débrouillant comme un chef pour dégager la voie du locataire du palais de Carthage…

Chronique du désastre du 14 janvier

Le mouvement Ennahdha a beaucoup perdu de sa superbe, et n’a plus grand chose à voir avec le parti sur qui, il faut le reconnaître, beaucoup de Tunisiens avaient placé leurs billes après le départ précipité de Ben Ali. Un miracle divin pour les islamistes, surtout quand on connait les soubassements de ce fameux voyage vers l’Arabie saoudite. Qu’a fait Ennahdha de ce don du ciel inespéré et auquel elle n’était absolument pas préparée ? Rien. Les islamistes ont grillé toutes leurs cartes, méthodiquement, perdant des plumes élection après élection depuis 2011, jusqu’au désastre du 14 janvier 2022 où ils n’ont pu mobiliser que quelques centaines personnes, et encore dans des conditions troubles…

Le fiasco était tellement retentissant pour “le plus grand parti du pays” que Samir Dilou a refusé d’assumer la paternité de ce rassemblement qui a fait pschitt. Il s’est défaussé de manière pathétique, lui qui prétend avoir largué Ennahdha mais qui n’a jamais été aussi actif, profitant de l’exposition médiatique que lui offre la sombre affaire Bhiri. Dilou aurait dû faire comme son ex-camarade Abdellatif Mekki. Mais ce qui était encore plus pathétique c’était de voir en direct-live les gesticulations stériles des manifestants et responsables de partis, rudoyés par des policiers à qui ils donnaient des ordres il n’y a pas si longtemps. La disgrâce d’Ennahdha est cruelle…

Que dire du spectacle offert par Jawher Ben Mbarek, qui a bien amusé la galerie. Bon, lui ça ne l’a pas fait rire mais la toile s’est bien fendue la poire. Les occasions de se marrer seront de plus en plus rares en 2022, alors Ben Mbarek les internautes te disent un Grand Merci pour ta prestation de haut vol. Triste sort tout de même pour un type qui fut très respecté de par ses prises de position éclairées et objectives.

Pourquoi Ghannouchi fuit le duel de la Consultation nationale

Avec le recul on comprend mieux l’appel d’Ennahdha à boycotter la Consultation nationale de Kais Saied. En fait les islamistes désertent le combat parce qu’ils ne sont pas en mesure de combattre, ils n’en ont ni les armes – arguments programmatiques crédibles – ni les moyens humains. Le parti, qui versait dans le clientélisme en arrosant copieusement un réseau très touffu d’affidés, n’a plus les moyens financiers de sa politique. Et puisque l’actif de son bilan ne tient même pas sur une feuille A4, plus rien ne retient ses électeurs. Si le chef de file des islamistes, Rached Ghannouchi, fuit la Consultation de Saied c’est justement pour ne pas offrir le spectacle de sa faiblesse, de son effondrement…

En désertant la grande affaire du chef de l’Etat Ennahdha plante lui-même le dernier clou sur son cercueil. Bien entendu la posture officielle est toute autre, les islamistes s’apprêtent à vendre dans le monde entier l’argumentaire du boycott pour ne pas servir de caution au projet funeste de l’autocrate Saied. Les islamistes comme le dernier rempart de la démocratie, personne n’y croira une seconde mais ont-ils le choix ? Il faut bien que Ghannouchi et compagnie, qui en savent un rayon sur les techniques de survie et autres camouflages -même Ben Ali n’a pas pu les éradiquer -, fassent tout ce qu’ils peuvent pour maintenir un souffle de vie, en rêvant d’un retournement de situation du même type que le 14 janvier 2011…

Reste à affronter 2022. Ce sera une année rude, dévastatrice pour les rangs des islamistes. L’épée de la justice a fini 2021 avec une frappe spectaculaire qui a pétrifié les nahdhaouis, et on démarre 2022 sous les mêmes auspices, et pas que pour Ennahdha d’ailleurs. Il risque de ne plus rester grand monde quand Kais Saied aura achevé sa purge. En tout cas il est très peu probable que Ennahdha y survive…

Saied n’emploiera peut-être pas les méthodes radicales que son “copain” Abdel Fattah al-Sissi pour décimer les islamistes, mais les résultats pourraient être les mêmes. A lui de convaincre les partenaires étrangers de la Tunisie du bien-fondé de son méga nettoyage, car pour ce qui est des citoyens il semble clair que le blanc-seing lui est acquis, du moins dans cette affaire. Pour le reste – les immenses défis économiques et sociaux -, c’est une toute autre histoire.

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