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Ma vie: Veuve et cheffe de famille de 06 personnes à Kasserine.

Ma vie: Veuve et cheffe de famille de 06 personnes à Kasserine.

Tunisie Numérique a mené une série d’interviews auprès des familles tunisiennes pour savoir comment elles gèrent leurs budgets en ces temps de crise que traverse le pays.

Ces tunisiens proviennent de différentes classes sociales, sont d’âges différents et habitent dans des quartiers aussi bien huppés que populaires. Ils ont accepté volontairement de répondre de manière spontanée et anonyme aux questions de Tunisie Numérique. Les récits ont été retranscrits tels quels.

Khamsa a 45 ans. Elle est ramasseuse de plastique “برباشة”.

Khamsa est veuve. Elle a 3 enfants de son défunt mari, Nacer décédé il y a 2 ans à l’âge de 54 ans.

Khamsa nous confie : « J’ai 3 enfants : 02 filles de 15 et 10 ans et un garçon de 6 ans. J’ai également à ma charge mes 3 sœurs dont une qui est handicapée moteur ».

Khamsa continue : « Je ramasse les bouteilles en plastique. C’est mon seul boulot. Je me réveille dès l’aube, je prends mon grand sac et mon chariot et je sillonne les quartiers de la ville. A la fin de la journée, je vais au centre de collecte pour y vendre ce que j’ai ramassé. On me donne 7 dinars par jour ».

Khamsa nous précise qu’elle s’est arrangée avec des maisons de son ‘‘périmètre’’ pour qu’on lui laisse de côté les bouteilles et autres récipients plastiques.

Khamsa nous dit à ce sujet : « Mon travail est très difficile. Je dois me lever tous les jours pour aller travailler sans savoir si je vais ramasser assez de bouteilles pour pouvoir les vendre et subvenir aux besoins de ma famille. Si je ne me prends pas assez tôt d’autres ramasseurs me devanceront ».

Khamsa tient à rajouter : « C’est très difficile de concurrencer avec des hommes motorisés qui ont beaucoup plus de facilité à se déplacer et à ramasser plus de quantité en peu de temps. Moi je n’ai que mes pieds et mon chariot. C’est sans pitié et c’est chacun pour soi. J’ai compris assez vite que je ne pouvais pas rivaliser avec eux alors je me suis entendue avec des familles qui ont bien voulu me réserver leurs bouteilles plastiques vides Yarham Waldihom –يرحم والديهم ».

Les enfants de Khamsa

Khamsa a 2 filles et un garçon. La plus âgée des filles est en première année secondaire alors que la plus jeune est en cinquième année primaire. Le garçon a 6 ans et vient d’intégrer la même école que sa sœur cadette.

Khamsa nous dit avec un ton ironique : « Mes trois enfants vont à l’école publique à Ezzouhour. Publique, vous en doutez bien ! Hamdoullah l’enseignement est gratuit c’est ce qu’ils disent mais en vérité c’est cher très cher -يقولوا مجاني آما في الحقيقة غالي غالي ياسر ».

Khamsa nous raconte : « Les livres et la fourniture scolaire me sont offerts par des donateurs qui me connaissent ou des associations caritatives qui distribuent des aides sociales à l’occasion de la rentrée scolaire ».

Khamsa nous parle fièrement de ses enfants : « Mes enfants sont la prunelle de mes yeux -هوما ممو عينيا . Ils vont à l’école publique et étudient tous seuls sans cours particuliers. Ils s’entraident. Ma grande fille aide la plus petite et la cadette aide le benjamin. Mes 2 filles ont de bons résultats. Elles savent que pour réussir et ne pas vivre ma vie, il faut étudier ».

Un budget chaotique

Khamsa se définit comme une femme militante « أنا مناضلة ».  Elle est la cheffe de sa famille qui compte également ses 3 sœurs dont une est handicapée moteur.

Khamsa nous parle de ses revenus « Je bénéficie de l’allocation pour les familles défavorisées de 230 dinars par mois. Je gagne également 200 dinars mensuellement en moyenne en contre partie de ce que je ramasse. C’est tout ce que je touche et pas un millime de plus ».

Khamsa, visiblement affaiblie, nous dit : « Je ne suis jamais allée à aucune banque et on ne m’a même pas acceptée pour y travailler en tant qu’agente d’entretien… Je vais seulement une fois par mois au bureau de poste retirer mon mandat de 230 dinars ».

Khamsa rajoute : « On n’arrive même pas à manger à notre faim. Des soirs, je cède ma part du dîner à l’un de mes enfants en me disant que demain tout ira mieux. Je ne sais plus quoi faire, je n’arrive plus à acheter la moitié des besoins de ma famille. Les prix grimpent, il y a les frais de soins, le transport pour aller à l’hôpital,..Heureusement que quelques familles de la région m’aident avec de l’argent, de la nourriture, de la fourniture scolaire et des vêtements ».

Khamsa habite dans un studio de 2 pièces rudimentaire et sommairement aménagé qu’elle loue contre 85 dinars par mois.

Khamsa nous dit : « Je n’ai pas d’ambitions. On ne vit pas dignement. Nous buvons l’eau du sondage, nous ne buvons pas l’eau minérale des bouteilles vides que je ramasse ».

Khamsa rajoute : « Mes enfants m’attendent chaque soir pour savoir s’ils vont manger ou pas. Dans le meilleur des cas, mon couffin est composé d’une boîte de concentré de tomates, des invendus des légumes récupérés en fin de marché et des pâtes. Il n’y a rien d’équilibré ».

Khamsa continue : « Avec la disparition de l’huile subventionnée, je cuisine maintenant avec de la graisse animale, je ne peux pas acheter de l’huile de tournesol ou de l’huile d’olive ».

Khamsa nous confie qu’elle essaie de mettre de côté un dinar chaque jour pour pouvoir payer les factures d’électricité. Elle nous confirme qu’elle veille à les payer dans les délais afin d’éviter les coupures.

Khamsa nous affirme qu’elle et ses enfants n’utilisent pas de transport et qu’ils se déplacent à pied.

La Berbecha – البرباشة

Khamsa nous dit : « Durant les vacances scolaires, mes enfants m’aident et m’accompagnent dans ma collecte. Je ne me sens pas seule au moins ! ».

Khamsa s’insurge : « Drôle de programme pour les vacances scolaires n’est-ce pas ! Mes enfants n’ont jamais choisi ce qu’ils mangent ni ce qu’ils mettent comme habits ! ».

Khamsa essaie de retenir ses larmes et nous dit : « Ce qui me chagrine et me tue 10 fois par jour, c’est que mes enfants sont souvent humiliés. Leurs copains les appellent les enfants de la ‘‘berbecha’’- ولاد البرباشة ».

Khamsa continue : « Je veux que mes enfants réussissent dans leurs études. Je vous avoue que je commence à douter que les études peuvent changer leur avenir surtout quand je vois de plus en plus dans le quartier des chômeurs diplômés de l’enseignement supérieur. Je pense des fois à encourager mes enfants à suivre une formation professionnelle plus qualifiante pour le marché du travail تضمن خدمة».

Khamsa finit par dire : « Notre vie est différente de la classe moyenne. On n’a ni logement décent, ni électroménagers, ni vêtements respectables, ni moyens de transport à part mon chariot pour ramasser les bouteilles. Je n’ai pas de travail fixe. Aucun membre de ma famille n’a de travail fixe d’ailleurs. Je ne demande pas la charité.  Nous confions notre destin à dieu qui est le seul à connaître notre souffrance – أترك الأمر لخالقي هو الوحيد الأدرى بمعاناتنا ».

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