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Par Amine Ben Gamra : Est-ce que l’amendement de l’article 411 sur les chèques sans provision va vraiment améliorer les pratiques bancaires en Tunisie ?

Par Amine Ben Gamra : Est-ce que l’amendement de l’article 411 sur les chèques sans provision va vraiment améliorer les pratiques bancaires en Tunisie ?

L’article 411 du Code du Commerce dans sa version actuelle dispose qu’ « Est puni d’un emprisonnement pour une durée de cinq ans et d’une amende égale à quarante pour cent du montant du chèque ou du reliquat de la provision à condition qu’elle ne soit pas inférieure à vingt pour cent du montant du chèque ou du reliquat de la provision, celui qui a soit émis un chèque sans provision préalable et disponible ou dont la provision est inférieure au montant du chèque, soit retiré après l’émission du chèque tout ou une partie de la provision, soit fait opposition auprès du tiré de le payer en dehors des cas prévus à l’article 374 du présent code du Commerce ».

Le changement le plus important suite à l’amendement de l’article 411 consistera en l’annulation de la peine de prison dans ce genre d’affaire et son remplacement par une amende, tout en offrant de meilleures garanties pour que les plaignants soient payés.

Mais combien de familles ruinées à cause de ce fléau ? Combien de mauvais payeurs croupissent en prison pour des chèques de « garantie » encaissés avant l’heure? Des milliers, comme l’avancent certains ?

En se basant sur les derniers chiffres avancés par la ministre de la Justice, leur nombre réel ne dépasse pas les 427 prisonniers, dont 238 condamnés et 189 en état d’arrestation. Elle a ajouté à l’occasion que les crimes des chèques sans provision ne représentent que 1,5 % de l’ensemble des affaires en instance devant les tribunaux, dont le nombre total s’élève à plus de 200 mille affaires.

Par ailleurs la peine de prison dans ce genre d’affaire a été pratiqué par de nombreux pays développés :

  • En France, toute personne qui se rend volontairement insolvable après l’émission d’un chèque sans provision ou continue d’émettre des chèques malgré une interdiction bancaire se rend coupable d’un délit. La peine encourue est de 375.000 € d’amende et cinq ans de prison (articles L .163-2 et L.163-7 du Code monétaire et financier).
  • Au Canada, on assimile l’émission d’un chèque sans provision à de l’escroquerie et la sanction peut monter jusqu’à dix ans de prison (article 362 du code criminel).
  • En Belgique, dans l’article 509bis du code pénal, on sanctionne l’émetteur du chèque sans provision d’un mois à deux ans et d’une amende allant à 3.000 €.
  • Aux États-Unis, les lois varient d’un État à un autre, mais la peine de prison existe bel et bien puisqu’il s’agit d’une escroquerie, assimilée carrément à un crime fédéral dans certains cas.
  • Idem au Royaume-Uni qui prévoit des sanctions pénales, selon la Section 1 du Fraud Act 2006.

Selon un communiqué de la Présidence de la République, ce projet de loi vise à renforcer la responsabilité bancaire, l’utilisation des moyens de paiement électroniques alternatifs et l’amélioration des pratiques bancaires dans l’objectif les normes de la sécurité de paiement par chèque et la mise en place de la justice sociale et le développement économique. 

Mais la question qui se pose : Est-ce que l’amendement de l’article 411 sur les chèques sans provision va vraiment atteindre les objectifs promus en l’absence des sociétés d’information financière et avec le nombre élevé des créances carbonisées en Tunisie.

Déjà en 2011 les créances douteuses représentaient à l’époque 20-24 % du PIB ce qui faisait du système bancaire “parmi les plus criblés de prêts non-performants au monde”. La situation a empiré depuis.

Cela sans oublier les retards significatifs dans la révision de certains codes juridiques et la digitalisation des procédures liées aux chèques.

Amine BEN GAMRA

Expert Comptable

Commissaire Aux Comptes

Membre de l’Ordre des Experts Comptable de Tunisie

 

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