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Par Hedi Ben Doua – Restructurer la fonction financière de l’Etat : Dix commandements

Par Hedi Ben Doua – Restructurer la fonction financière de l’Etat : Dix commandements

Comment les décisions sont prises concernant les services et l’infrastructure que vous utilisez dans votre vie quotidienne ? Quelles routes ou ponts sont choisis pour être construits ? Où sont construites les nouvelles écoles ? Comment assurer le fonctionnement des hôpitaux ? Comment les gouvernements se préparent-ils à des événements imprévus ? Ce sont tous des choix de politique budgétaire, mais ils ont besoin d’institutions pour soutenir leur mise en œuvre.

La gestion des finances publiques, GFP-(PFM), est un sujet de plus en plus important. Les gouvernements doivent gérer leurs ressources et être responsables devant les citoyens. Ils doivent veiller à ce que les fonds publics, tels que les taxes perçues, soient bien utilisés et que des services de qualité soient fournis. Il est aussi important que les salaires des fonctionnaires et les redevances des fournisseurs/entrepreneurs soient payées à temps. Les gouvernements doivent également veiller à ce que les décisions d’aujourd’hui soient viables et durables à moyen et long terme.

La définition traditionnelle de la GFP se référait étroitement au processus budgétaire et à la gestion de la trésorerie. On parle souvent de gestion des dépenses publiques plutôt que de gestion des finances publiques

Dans les économies émergentes et en développement. La GFP est de plus en plus interdisciplinaire. Bien que ses fondements aient été l’économie, la comptabilité et le droit, elle comporte également des aspects d’économie politique, de gestion/management et de Systèmes d’information. Elle est non seulement interdisciplinaire, mais aussi elle réunit tous les aspects de la gestion des ressources publiques.

Comment le gouvernement augmente ses ressources ? Comment il les dépense ? Comment il rapporte et surveille ses opérations ?  Comment prépare-il son budget ? Comment peut-il renforcer le contrôle de ses dépenses ? A-t-il une planification et une gestion de la trésorerie ? Quelles données fiscales doivent être compilées et rapportées ? Etc.

Ce n’est qu’alors que la GFP moderne se doit d’aborder également des aspects d’économie politique. Cela implique la culture de gérer le changement, de créer des incitations et de réglementer le comportement de ceux qui gèrent les ressources publiques. La GFP moderne met également l’accent sur les droits des citoyens de connaître et comprendre le budget. Avec la nouvelle Loi Organique du Budget (LOB), la notion de « services votés » (dépenses reconduites quasi automatiquement d’une année sur l’autre) est complètement abolie. Les administrations sont tenues de démontrer dans leur projet annuel de performances (PAP) comment elles prévoient d’utiliser les crédits et les personnels mis à leur disposition, dès le premier Dinars dépensé (Justification au premier Dinars) elles expliquent la réalité de l’exécution dans leur rapport annuel de performances (RAP) en fin d’exercice. Justification, qui se base sur une explication des crédits demandés par les déterminants physiques et financiers.

Par ailleurs, pour une meilleure gouvernance des finances publiques, une loi de programmation des finances publiques s’impose. C’est peut-être même une urgence, afin de limiter l’hémorragie que connait le système actuel. La notion de loi de programmation des finances publiques doit toutefois se reposer sur une base constitutionnelle (révision de la Constitution). Un alinéa spécifique au niveau de l’article 34 de la Constitution française, à titre d’exemple, a créé les lois de programmation des finances publiques en disposant que : « les orientations pluriannuelles des finances publiques sont définies par des lois de programmation. Elles s’inscrivent dans l’objectif d’équilibre des comptes des administrations publiques. ».

La mise en place d’une telle loi doit permettre :

  • Mettre en œuvre d’une stratégie globale cohérente de moyen terme, dépassant la perspective annuelle qu’offre aujourd’hui les débats annuels sur le projet de loi de finances ;
  • Décliner les objectifs de finances publiques et les solenniser par un vote au Parlement.

Un deuxième amendement de la Constitution est également nécessaire pour prévoir une loi de financement de la sécurité sociale. Cette loi qui viendra se rajouter à la loi des finances de chaque année, déterminera chaque fois, au moment d’un vote identique à celui d’une loi des finances annuelle, les conditions d’équilibre financier du système de sécurité sociale dans son ensemble, compte tenu des prévisions des recettes. La loi de financement de la sécurité sociale de chaque année fixe les objectifs de dépenses, dans le cadre bien entendu d’une loi organique de financement de la sécurité sociale, qui doit être adoptée après la révision de la Constitution. L’objectif d’une telle approche est d’assurer le financement et l’équilibre des dépenses sociales de la santé, l’équilibre financier de la sécurité sociale. Il faut bien signaler, par ailleurs, qu’il s’agit bien d’une loi de « financement – non de finances », d’où son caractère distinct par rapport à une loi des finances.

Aussi, les fonctions financières de l’Etat sont classées selon les catégories suivantes :

  1. La fonction politique ;
  2. La fonction de régulation ;
  3. Les fonctions opérationnelles.

La fonction politique est au cœur de la mission financière de l’Etat elle permet :

  • La définition de règles ou d’objectifs de politique budgétaire ;
  • La gestion des risques budgétaires ;
  • L’élaboration de stratégie de désendettement ;
  • La formulation du budget annuel et des cadres budgétaires à moyen terme ;
  • Le conseil sur les politiques fiscales, etc.

Les fonctions de régulation ou de surveillance relèvent de trois catégories principales. Elles sont souvent partagées avec, ou exécutées par, la banque centrale ou des organismes de réglementation indépendants. Il s’agit de :

  • Veiller à ce que le cadre de budgétisation et de finances publiques soit respecté et appliqué par les ministères et agences responsables de sa mise en œuvre ;
  • Supervision des banques et autres institutions financières (par exemple, réglementation et supervision bancaires, la bourse, les compagnies d’assurances et les fonds de pension) ;
  • Supervision de secteurs économiques spécifiques (par exemple, l’électricité, l’eau, les  télécommunications) pour assurer une concurrence effective, empêcher la formation d’entente et protéger les intérêts des consommateurs.

Les fonctions opérationnelles concernent les opérations budgétaires et comptables de l’Etat, comme le traitement des paiements budgétaires, l’exercice du contrôle interne, l’émission de valeurs mobilières, ainsi que la perception des impôts et autres recettes publiques. Beaucoup de ces fonctions transactionnelles sont hautement automatisées, contrairement aux fonctions de stratégie.

Afin de renforcer la fonction financière de l’Etat, il est recommandé un certain nombre de règles.

Commandement 1 : Rattacher les fonctions financières de l’Etat à une seule entité (Mission) ;

Commandement 2 : Mettre en place une organisation administrative flexible ;

Commandement 3 : Créer d’agences spécialisées pour certaines fonctions financières ;

Commandement 4 : Déconcentrer toutes les fonctions d’exécution ;

Commandement 5 : Se focaliser sur les fonctions politiques et réglementaires essentielles ;

Commandement 6 : Jouer le rôle premier dans la définition des programmes et l’élaboration des politiques au sein du gouvernement ;

Commandement 7 : Consolider les fonctions financières stratégiques ;

Commandement 8 : Renforcer les capacités organisationnelles, gérer les risques et séquencer les réformes

Commandement 9 : Elargir le champ de couverture des finances publiques ;

Commandement 10 : Rénover le cycle budgétaire.

La mise en place d’une organisation administrative flexible permet une prise de décision proactive, en cascade à différents niveaux de l’organisation. Elle renforce la communication et la coordination efficaces et opportunes à la fois verticalement et horizontalement. Ceci est valable avec d’autres instances de l’Etat et des parties prenantes externes.

Les fonctions financières spécialisées telles que le recouvrement des recettes et la gestion de la dette devraient être confiées à des entités sans lien de dépendance. Agences, dont le fonctionnement et la performance sont étroitement surveillés par le ministère des Finances Une condition préalable pour la création de ces agences est que des contrôles appropriés soient mis en place pour garantir la robustesse de gestion financière et les performances escomptés (contrôles internes, comptabilité et reporting, passation des marchés, audit).

Les ministères des finances devraient déléguer la responsabilité des fonctions d’exécution courantes. Lorsqu’un tel transfert des responsabilités se produit, le rôle des Finances devrait désormais consister à surveiller les opérations et la performance des ministères d’exécution et à prendre des mesures nécessaires pour se prémunir contre les risques potentiels.

Le corollaire des commandements 3 et 4, est que le ministère des Finances renforce ses capacités dans les domaines politiques stratégiques, au cœur de son mandat. La communication et la coordination entre le ministère des Finances et agences-institutions spécialisées devraient être renforcés pour s’assurer que le personnel affecté à des tâches opérationnelles puisse éclairer le processus de prise de décision.

L’un des préalables serait également d’acquérir les connaissances et les compétences pour analyser et solutionner les questions de politique publique concernant tous les secteurs : l’agriculture, l’éducation, l’énergie, l’environnement, la santé, etc. Ceci est essentiel pour que le ministère puisse bien fournir son avis sur le coût des nouvelles propositions de politique et sur l’allocation des ressources du budget aux ministères respectifs. Plus généralement, le ministère devrait jouer un rôle clé dans la définition de l’agenda et façonner la politique du gouvernement.

La consolidation consiste à éviter le morcellement et s’abstenir de créer des structures spécifiques en dehors des départements existants pour gérer les problèmes émergents (par exemple, le cadrage macro-budgétaire, le Cadre de dépenses à Moyen Terme, la gestion des PPP, les politiques macro-économiques, les prévisions budgétaires, le suivi des risques budgétaires, etc.). Les fonctions stratégiques devraient être regroupées dans les départements existants afin de maximiser les synergies et la communication.

Le commandement 8 consiste en la mise en place d’une stratégie de gestion du changement pour gérer les divers risques associés à la restructuration. Avant de procéder à une réforme aussi ambitieuse, il convient notamment d’identifier les défis et les risques, ainsi que les mesures possibles pour les atténuer. La réorganisation devrait avoir lieu parallèlement aux réformes des processus opérationnels et des systèmes informatiques et être ordonnée en conséquence.

Le rôle du gouvernement s’est considérablement élargi au cours de la décennie précédente, ce qui est le cas dans plusieurs autres pays. Le champ de couverture des finances publiques est désormais beaucoup plus large que le budget. La Limitation de la portée du budget est un problème général dans plusieurs pays, comme en témoigne les faibles scores PEFA obtenus sur les dépenses publiques. Le secteur des administrations publiques comprend l’administration centrale, les administrations locales et les fonds extrabudgétaires qui peuvent refléter l’intérêt du gouvernement  à protéger certains éléments du budget du regard public.

Lorsque nous parlons de couverture, c’est à la portée de l’Etat, avec des ressources financières importantes et des politiques de dépenses diverses. Beaucoup de pays ont du mal à gérer toutes leurs dépenses dans le budget. Pour pallier à cela, ils utilisent souvent ce qu’on appelle les opérations hors budget.

Les dépenses des administrations publiques, qui comprend l’administration “centrale-déconcentrée” et les collectivités, sont relativement élevées dans de nombreux pays. Cela a créé des défis importants pour les gouvernements car ils ont besoin de trouver des moyens durables et efficaces pour gérer ces ressources publiques, de manière durable et responsable.

Avec cette expansion, nous parlons de la taille des dépenses publiques. Avec des dépenses importantes et de plus en plus complexes, La GFP est essentielle pour trois raisons principales.

  • Premièrement, la GFP offre des moyens de promouvoir la durabilité. C’est qu’elle garantit que les générations futures n’auront pas à supporter le coût de l’élaboration de politiques irresponsables ;
  • Deuxièmement, la GFP est la façon dont les gouvernements affectent les ressources afin de répondre aux priorités politiques et stratégiques. Lorsqu’un pays doit mettre en œuvre une nouvelle politique, il doit trouver un espace budgétaire ;
  • Troisièmement, les mécanismes de surveillance et la transparence : La GFP crée la confiance et oblige le gouvernement à rendre comptes de ses choix.

La rénovation du cycle budgétaire est un élément clés. Le processus de préparation du budget vise à réconcilier les ressources disponibles avec les priorités en matière de politique et de dépenses et les demandes de dépenses préexistantes. Dans de nombreux pays, en particulier les économies avancées, les dépenses obligatoires constituent une part importante du budget. Cela inclut les dépenses en paiements d’intérêts de dette, programmes de droits et transferts gouvernementaux.

Avant même que le processus budgétaire ne commence, la plupart des dépenses sont déjà déterminées, ce qui laisse généralement de 5% à 10% dans tout exercice budgétaire pour les nouvelles dépenses sans réaffectation des ressources.

Il est important de comprendre quelles ressources sont disponibles pour s’assurer que les fonds sont alloués, maintenir les priorités et rester dans les limites des ressources. Les aspects de la budgétisation traditionnelle ne font pas nécessairement promouvoir cela.

Les processus budgétaires traditionnels ont eu tendance à être ascendants et progressifs. Les ministères dépensiers enverraient au ministère des Finances leurs propositions budgétaires détaillées. Fréquemment, les dépenses budgétaires totales seraient égales à la somme des demandes des ministères dépensiers. Ces demandes sont souvent irréalistes et ne reflètent pas les contraintes des ressources. Ce système a abouti à un processus conduit par les ministères dépensiers, avec des augmentations automatiques chaque année sans tenir compte des priorités politiques ou des limites budgétaires globales.

Les réformes ont favorisé une approche budgétaire plus descendante. En termes simples, cela implique d’établir au début du processus le montant total des dépenses disponibles et en divisant ce montant entre les ministères afin qu’il y ait des plafonds pour les dépenses totales basées sur un cadre macroéconomique et des plafonds prédéfinis pour chaque ministère, reflétant la hiérarchisation politique.

Les Directives internationales du FMI et de l’OCDE mettent l’accent sur l’approche descendante. C’est parce que cela favorise la responsabilité budgétaire et la stabilité macroéconomique. Cela ne veut pas dire que l’approche ascendante n’a pas de rôle. En pratique, la préparation du budget nécessite un solde approprié et séquentiel entre les approches descendantes et ascendantes.

Une fois le plafond des dépenses global fixé, les priorités stratégiques convenues et un plafond ministériel fixé, les ministères dépensiers jouent un rôle dans l’allocation des ressources dans les limites autorisées y compris le calcul du coût des programmes existants et des nouvelles propositions.

La dernière phase est la conciliation entre les deux étapes. La budgétisation descendante a toutefois ces exigences tel que les bonnes prévisions, la prise de décision stratégique et la capacité du ministère des Finances de gérer ce processus complexe.

Hedi Ben Doua.

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