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Pourquoi Saied a frappé le 13 décembre et pas le 17 et pourquoi il n’a pas dissous Ennahdha et le CSM?

Pourquoi Saied a frappé le 13 décembre et pas le 17 et pourquoi il n’a pas dissous Ennahdha et le CSM?

Ce sera finalement le 13 décembre 2021 alors que tous ses adversaires faisaient un tour de chauffe et affûtaient leurs armes pour la bronca du 17 décembre. La surprise a été totale, exactement comme le fameux 25 juillet au soir. Cette fois-ci aussi le chef de l’Etat, Kais Saied, a pris de court ses opposants, qui dînaient chez eux ou sirotaient leurs thés. Il était certain que le froid aidant, les citoyens bien au chaud auraient le temps de digérer ces annonces-coups de poing et que le soufflet retomberait le lendemain matin. D’ailleurs ça n’a pas loupé, les rues sont étrangement calmes. Saied, très astucieusement, avait fait mine de fléchir lors de la dernière réunion du Conseil de sécurité pour ensuite accélérer hier soir, accentuant l’effet de surprise. Et il y a de bonnes raisons à cela…

Ils ont collectionné les bévues et fautes politiques !

On avait dit ici même que les cris d’orfraie de Jawher Ben Mbarek ne feraient que renforcer l’assise et la détermination du président de la République ; on avait prédit ici même que l’activisme et le lobbying d’Ennahdha ne feraient que précipiter sa fin, là aussi ça n’a pas loupé. Tout ce beau monde a aggravé son cas avec des erreurs de débutants, même si tout le monde est un peu novice en la matière, même le président de la République.

Les opposants du chef de l’Etat exigeaient le retour sans délais du Parlement (normal c’est leur paradis perdu) ou à défaut que des élections soient convoquées très rapidement (pour qu’ils s’offrent une mince chance de revenir par la fenêtre) ; ils voulaient aussi que la Constitution ne soit pas révisée (compréhensible puisque c’est leur oeuvre, taillée sur mesure en plus). Ils n’auront rien de tout ça…

Comment voulez-vous faire revenir une assemblée alors que ses membres ont déjà claironné partout que la première chose qu’ils feraient c’est dégommer tout ce que l’artisan du 25 juillet a fait ? Il faut être naïf pour croire qu’on peut tranquillement dévoiler sa stratégie à la face de l’adversaire et s’attendre à ce qu’il ne s’en serve pas ! Il faut être sous-doué en politique pour croire qu’on peut annoncer publiquement qu’on va manifester partout dans le pays et polluer l’intervention du 17 décembre sans que le président ne déjoue ces plans !

Encore une fois ils ont sous-estimé Kais Saied, exactement comme quand ce dernier criait à tue-tête que les élus devaient cesser leurs simagrées sur la scène de théâtre de l’ARP et qu’il allait frapper. Ils se gaussaient en se disant qu’ils avaient fait campagne pour lui et qu’ils avaient ainsi acheté son inaction ; et puis de toute façon il n’était pas assez outillé constitutionnellement pour les toucher. On connait le résultat…

Reculer – un peu – pour mieux sauter

Le chef de l’Etat n’arrêtait pas de dire hier soir “après avoir consulté, j’ai décidé de…“. C’est en soi une révolution. Kais Saied consulte, écoute et tient compte des avis de ceux qui savent et peuvent ! Le président de la République a enfin découvert – il était temps – qu’il n’avait pas la science infuse et que ce sont les conseils avisés qui font la force d’un leader. C’est ce qui explique sans doute qu’il n’ait pas coupé tout de suite les têtes d’Ennahdha et du CSM (Conseil supérieur de la magistrature), comme il l’avait laissé fuiter dans la presse…

On a certainement expliqué à Saied – ils se sont donné beaucoup de mal pour freiner ses ardeurs – qu’il ne fallait pas ouvrir tous les fronts en même temps. Que c’est justement ce qu’attendaient ses adversaires pour secouer le pays et ameuter les partenaires étrangers en criant à la dictature, à l’autocratie et que sais-je encore. Donc le chef de l’Etat a reculé sur l’affaire du CSM, retirant le tapis sous le pied de ses détracteurs. Ce n’est pas le moment – mais ça viendra sûrement – d’entrer dans un conflit ouvert avec les juges, car il aura besoin d’eux pour liquider les dossiers qui peuplent leurs armoires, dont ceux de Ennahdha, Qalb Tounes, Al Karama et tous ces hommes d’affaires que le président de la République s’est juré d’abattre.

Les adversaires politiques du chef de l’Etat auraient tort de penser que “la grande faucheuse” les a ratés, ce serait une grosse boulette qui viendrait s’ajouter à leur liste déjà très longue.

Pourquoi des législatives dans un an ?

Parce que c’est exactement le temps qu’il faut au chef de l’Etat pour tout verrouiller autour de lui et faire de Carthage une forteresse imprenable. Un an c’est le temps qu’il lui faut pour sa fameuse consultation populaire électronique, son référendum qui prend des allures de plébiscite vers un régime présidentiel. Un an c’est le temps qu’il lui faut pour liquider tous ses adversaires politiques, tous exceptés peut-être Abir Moussi et Fadhel Abdelkefi. Et encore il se dit que Saied n’aurait toujours pas digéré les arrangements que l’ancien ministre et businessman a trouvés avec la justice pour sortir de ses griffes. Il n’est pas exclu que le bouillant locataire du palais de Carthage déterre cette affaire…

Dans un an quand Kais Saied aura ouvert le jeu démocratique pour des élections, il y a de fortes chances que la présidente du PDL ne puisse plus l’atteindre. En effet même au cas où le chef de l’Etat ne monte pas sa propre formation politique pour défendre ses chances aux législatives, il aura toujours la main sur la direction des affaires du pays, dans un régime présidentiel et il aura toujours le dernier mot sur ce que diront et feront les députés…

Reste que ce qui est écrit ici sur la gestion de l’après-13 décembre n’est que conjectures et projections, car tout dépendra de la capacité du chef de l’Etat à tenir le pays, à redresser son économie et à faire le bonheur des citoyens qu’il met au-dessus de tout, dit-il. S’il n’est pas au rendez-vous dans tous ces dossiers, de gros dossiers, les choses pourraient très vite se gâter pour lui et tout ce qui a été théorisé ici tombera à l’eau…

 

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