De nombreuses déclarations ont été faites au cours des dernières semaines prévoyant l’augmentation de la production de phosphate cette année se basant notamment sur les chiffres publiés par l’Administration générale de la Compagnie des phosphates de Gafsa, qui prévoyait la production de 5,6 millions de tonnes de phosphate au cours de l’année 2023.
Le plan de développement 2023-2025, qui a été approuvé en Conseil des ministres le 27 décembre 2022, prévoyait également la production de 8 millions de tonnes de phosphate en 2024 et 12 millions de tonnes en 2025.
Face à ces prévisions anormalement élevés et aux rêves de certains de reconquérir et restaurer les marchés internationaux, payer les dettes extérieures et se passer de l’accord avec les institutions financières internationales, l’Observatoire Raqaba a étudié au cours des dernières semaines toutes les données disponibles concernant l’extraction, la production et l’exportation de phosphate et l’activité de la Compagnie des Phosphates de Gafsa et du Groupe Chimique Tunisien et comparé les chiffres officiels par ceux avancés précédemment.
L’Observatoire a conclu aux résultats suivants :
1- Une baisse importante a été enregistrée dans la production de phosphate au cours des premiers mois de l’année 2023 par rapport à la même période de l’année 2022, la production commerciale de phosphate ayant diminué au cours du premier trimestre de l’année 2023 de 14% par rapport à la même période de l’année 2022 (de 952 mille tonnes à 819 mille tonnes), et de 42% par rapport aux estimations de la Compagnie des Phosphates de Gafsa pour l’année 2023.
La baisse de production a été remarquable en avril 2023 par rapport à avril 2022 (de 353 mille tonnes à 242 mille tonnes), soit une baisse de 31%, et de 48% par rapport aux estimations dans le budget de la Compagnie des Phosphates de Gafsa pour l’année 2023.
2- Au regard des cadences de production des quatre premiers mois de 2023, il est prévu que la production totale pour l’année 2023 atteindra 2,9 millions de tonnes, soit une baisse de 2,7 millions de tonnes par rapport aux estimations de production. Cela signifie une perte de ressources d’une valeur de 1,1 milliard de dinars (en adoptant le prix de vente moyen désigné dans le budget de la Compagnie des Phosphates de Gafsa pour l’année 2023).
3- Quant au niveau d’extraction, les quantités extraites jusqu’à fin avril 2023 se sont élevées à environ 1,68 millions de tonnes, contre 3,67 estimées, soit un taux de réalisation d’environ 46%. Cela signifie que près de 2 millions de tonnes programmées dans le budget de la Compagnie des Phosphates de Gafsa pour l’année 2023 n’ont pas été extraites, et par rapport aux quantités extraites en 2022, le taux de baisse a été de 17%.
4- La diminution de la production de la Compagnie des Phosphates de Gafsa a affecté négativement l’approvisionnement en phosphate du Groupe chimique, car le groupe n’a été approvisionné qu’avec 860 mille tonnes de phosphate au cours des cinq premiers mois de l’année 2023, contre aux 2083000 tonnes à recevoir, soit un écart de 1223 000 tonnes. L’écart entre les réalisations et les estimations de la période est de 60%. (C’est-à-dire un taux de réalisation d’environ 40 %). Et par rapport aux réalisations de la même période de l’année 2022, il apparaît que le taux de déclin est de l’ordre de 44%.
L’Observatoire Raqaba confirme que les chiffres puisés dans les rapports d’activité de la Compagnie des Phosphates de Gafsa ne sont pas fiables étant donné que les services de la Compagnie n’ont pas réalisé le processus de découpage, outre le grand retard dans la réalisation du rapport relatif aux chiffres définitifs de l’extraction et de la production par le sous-traitant impliqué dans le processus de découpe, ce qui a entraîné des différences importantes entre les quantités déclarées et les résultats des inventaires des stocks de phosphate.
Dans le même contexte, il convient de noter que les machines de pesée du phosphate produit dans la plupart des laveries étaient en panne.
L’Observatoire a conclu, à travers l’étude qu’il a réalisée sur la Compagnie des Phosphates de Gafsa de 2010 à 2022, que l’une des principales raisons de la situation grave dans laquelle se trouve la Compagnie est le manque de contrôle, la mauvaise gouvernance et l’absence d’une vision claire au niveau des nominations aux postes de décision, ce qui a conduit à l’exclusion systématique des compétences, notamment techniques, et la marginalisation de la main-d’œuvre technique spécialisée dans la conduite d’engins lourds, l’exploitation et l’entretien des machines de production d’où l’absence de l’entretien périodique des laveries.
Outre les soupçons de corruption dans l’acquisition d’engins de production et de pièces détachées, notamment l’acquisition d’équipements vétustes auprès d’anciens sous-traitants au profit de Société Tunisienne de Transport des Produits Miniers, qui n’a pas joué son rôle d’approvisionnement des laveries en matières premières et le transport des sous-produits.
Toutes ces raisons et d’autres ont conduit à une baisse de la production, mais, plus grave encore, à une détérioration de la qualité du phosphate produit d’une manière telle qu’il est commercialisé à des prix inférieurs au prix international.
L’Observatoire considère que la gravité de la situation financière du pays impose aux responsables de la Compagnie des Phosphates de Gafsa et du Groupe Chimique Tunisien, ainsi qu’aux responsables politiques du pays, le plus grand réalisme, crédibilité et objectivité dans le traitement des chiffres, et de ne pas laisser de place aux des illusions et de la propagande, qui ne peuvent qu’aggraver et détériorer la situation.
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