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Siliana-Ouled Omar : “Nous sommes des vivants déjà morts, oubliés de tous…”

Siliana-Ouled Omar : “Nous sommes des vivants déjà morts, oubliés de tous…”

La Tunisie fait hélas partie des pays les plus impactés par le changement climatique avec, entre autres, une sécheresse persistante et un stress hydrique. On verra ce que la ministre de l’Environnement ramènera de la Conférence mondiale sur le climat (COP28), à Dubaï. Le Kenya a décroché un financement colossal de 4,48 milliards de dollars pour accentuer le virage de la transition énergétique vers le tout énergies renouvelables, le Rwanda a conclu des accords de 100 millions d’euros et le Maroc a dévoilé ses ambitions en matière d’énergie nucléaire. Donc on peut raisonnablement espérer que la Tunisie ne reviendra pas les mains vides. En attendant il y a les effets du dérèglement climatique, qui ont fait de la vie des habitants de Ouled Omar – à Siliana – un enfer…

Dans cette localité du nord-ouest du pays il ne leur reste qu’une source pour satisfaire leurs besoins. “Nous sommes des vivants déjà morts, oubliés de tous. Nous n’avons ni route ni eau, ni aide ni logements décents, nous ne possédons rien“, confie une femme de 57 ans dont les conditions de vie se lisent sur le visage. Dans cet endroit niché à 180 kilomètres au sud de Tunis et où vivent une centaine de personnes l’eau est devenue une obsession, un cauchemar.

Nous sommes toutes malades. Nous avons mal au dos, aux jambes parce que nous marchons et travaillons de l’aube jusqu’au crépuscule“, confie la dame, citée par Africanews. Pourtant la région est fertile et ses sols sont copieusement arrosés durant l’hiver, mais ça c’était avant les changements climatiques et leur lot de sécheresse chronique. La Tunisie a enchaîné 8 années de faible pluviométrie. Ça fait de sacrés dégâts.

Avec à peine 450 mètres cubes d’eau par an et par habitant le pays est déjà sous le “seuil de pénurie absolue“, fixé à 500 m3 par la Banque mondiale, alors que cette dernière l’avait prédit pour 2030. En dépit des pluies enregistrées dernièrement les barrages, qui pèsent lourd dans l’approvisionnement en eau en Tunisie, sont à 22% de leur capacité.

A Ouled Omar la pénurie d’eau a tué les cultures vivrières et l’élevage. Et pour les habitants qui tentent de résister il y a tous ces kilomètres à faire pour “ramener 20 ou 40 litres d’eau quand le temps le permet mais bientôt avec le froid intense et le mauvais temps, cela deviendra impossible. Et les moyens pour acheter de l’eau minérale manquent. “Si la situation persiste comme elle l’est actuellement, personne ne pourra rester longtemps ici“, dit le mari de la dame.

A noter que l’unique source du village ne fournit que 10 litres par jour, une eau impropre à la consommation et donc destinée aux animaux et aux cultures, selon le Forum tunisien des droits économiques et sociaux (FTDES). D’après cette structure plus de 300 000 Tunisiens – sur près de 12 millions – n’ont pas accès à l’eau potable.

A Ouled Omar, “ils n’ont pas de source potable, même pas de robinets (à la maison). Du coup, ils utilisent une source naturelle, mais avec le changement climatique et les fortes températures, elle disparaît“, indique Houda Mazhoud, une chercheuse en agronomie qui observe ce hameau depuis 2020.

Il y a deux ou trois ans, la situation était bien meilleure, avec de nombreuses sources naturelles que nous pouvions utiliser pour abreuver le bétail. Aujourd’hui, avec le changement climatique, presque toutes les sources sont asséchées, et toutes les routes sont détruites“, confie un autre habitant. La seule route qui menait au village n’a pas été retapée depuis des années.

Dans l’optique d’alerter les autorités sur ces conditions de vie infernales une quinzaine d’habitants ont fait 50 km pour se rendre au siège de la région à Siliana. Si rien n’est fait Ouled Omar sera rayé de la carte. “Beaucoup de gens sont partis chez leurs enfants en ville, laissant leurs maisons vides. La raison en est la soif“, dit une autre dame. Inutile de vous dire que les personnes âgées ne peuvent pas se farcir une heure de trajet pour joindre la rivière la plus proche.

Nous avons élevé nos enfants pour qu’ils s’occupent de nous une fois devenus grands, mais ils n’ont pas de travail“, déplore une femme dont le fils et les deux filles se sont résolus à fuir le village pour aller vers les villes du littoral.

 

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