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Le menu pour 2022 : Des larmes pour le “echaab” et de la sueur pour Kais Saied

Le menu pour 2022 : Des larmes pour le “echaab” et de la sueur pour Kais Saied

Merci à l’Algérie pour les 300 millions de dollars qu’elle a prêtés à la Tunisie (ça fera au total 1 milliard de dollars depuis 2011). Cet argent ira boucher quelques uns des trous béants. Mais force est de reconnaître que c’est une goutte d’eau dans l’océan des problèmes de la Tunisie. Nous avons beau ouvrir nos radars et les orienter dans toutes les directions, aucune bouffée d’oxygène à l’horizon. Et le temps presse, avec des urgences partout, à commencer par la Loi de finances 2022. La seule vraie option sur la table est le FMI. La Tunisie dispose déjà d’un plan très séduisant sur le papier et que pourrait valider son principal bailleur. Mais il y a l’envers du décor : les négociations avec le FMI vont traîner en longueur, 3 à 4 mois d’après Fadhel Abdelkefi, et l’ancien ministre du Développement sait de quoi il parle ; l’autre problème et non des moindres c’est la résistance populaire et les remous sociaux que les sacrifices demandés risquent de provoquer

Ce que doit faire Saied, ce qu’il doit se garder de faire

Le chef de l’Etat, Kais Saied, est encore dans une séquence politique. Vous me direz que les circonstances actuelles l’exigent et que rien de sérieux ne peut s’entreprendre économiquement sans des orientations politico-institutionnelles claires et sans stabilité. Dont acte. Sauf que la bataille actuelle est d’abord éminemment économique. Le président de la République a égrainé ses mesures, les citoyens ont pris acte et le calme avec lequel ces annonces ont été accueillies est la démonstration que Saied bénéficie encore de la période de grâce et qu’il peut dérouler tranquillement. La question est de savoir jusqu’à quand…

Et ça ça dépend en grande partie de lui. C’est lui la clé de toute cette affaire, au moins pour un an et il n’a pas intérêt à se louper. Cela ne veut nullement dire qu’il va voguer sur un long fleuve tranquille jusqu’en décembre 2022, date des prochaines législatives. Il y aura d’ici là bien des secousses orchestrées par les adversaires, à commencer par demain vendredi 17 décembre, lors de la célébration de la Révolution, une fête que Saied a taillée à sa démesure. Mais quand on contrôle l’armée et les forces de l’ordre, et connaissant la nature pacifiste des citoyens tunisiens et la capacité de mobilisation des opposants – très faible -, assurer la stabilité et la sécurité ne devrait pas poser de difficulté au locataire du palais de Carthage. Son problème est ailleurs…

Il devra ranger ses missiles, ses formules faciles, parfois à l’emporte-pièce et endosser le costume du rassembleur pour conduire la bataille économique, la seule qui compte en ce moment. Il ne devra pas réitérer ce qu’il a fait le 13 décembre 2021 : Ces tirs tous azimuts, dans le tas, sans aucun distinguo, ces cris de guerre qui énervent et démobilisent plus qu’ils n’entraînent une dynamique nationale vers la relance économique. Tout cela ne va pas de soi pour le président de la République, mais il devra apprendre à dompter ses ardeurs et se muer en Nelson Mandela, en véritable père de la nation, de toute la nation pour avancer vers l’essentiel et laisser la justice s’occuper des têtes brûlées.

Emmanuel Macron et Xi Jinping à la fois…

Le président de la République a manifestement écouté – pour une fois – les bonnes personnes, il ne s’est pas lancé dans la folle aventure de l’ouverture de tous les dossiers en même temps. Il n’a pas enflammé la rue. C’est très bien. Maintenant il devra aussi écouter les personnes qui en savent un rayon sur l’économie et travailler avec ceux qui peuvent l’aider concrètement. Marouen Abassi, le gouverneur de la Banque centrale de Tunisie (BCT), en fait partie. Kais Saied lui a promis qu’il allait lui dégager la voie pour qu’il déploie ses ailes, nous verrons bien. Mais il devra aussi accorder ses violons avec l’UGTT…

Par la volonté du FMI, la centrale syndicale devra être associée au projet de réformes, de bout en bout, avec des engagements fermes sur ce qui aura été décidé. L’institution internationale ne voudrait surtout pas revivre les mésaventures avec Youssef Chahed : Coucher sur le papier des choses qui ne seront jamais appliquées faute d’une adhésion sincère de la centrale syndicale. Cette dernière, pour une fois, serait même prête à se couper un bras au nom de l’intérêt national, dit-on, avec de douloureux sacrifices. Elle aurait donné son accord de principe à la cheffe du gouvernement le samedi 11 décembre 2021. Mais entre temps il y a eu le discours tonitruant du 13 décembre…

L’UGTT a pris cette allocution, à tort ou à raison, comme une attaque personnelle. Il est vrai que peu de catégories ont trouvé grâce aux yeux du chef de l’Etat. En continuant de la sorte Kais Saied va compliquer considérablement la tâche de Najla Bouden. Au point où en est le pays, le président de la République devra avoir les ressources de combiner la vivacité d’esprit, le dynamisme et le pragmatisme d’Emmanuel Macron (le président français) ; la détermination, le calme olympien et la vision de Xi Jinping (le chef de l’Etat chinois).

Kais Saied a fait l’expérience de la difficulté de diriger un pays souffrant, avec sa reculade sur la Loi n°38 qu’il avait pourtant paraphée. On sait le tolet que ça a fait. Mais depuis le soufflet est retombé. Qu’est-ce que le chef de l’Etat en a appris – il faut l’espérer pour lui ? Et bien qu’il est possible de bousculer les citoyens, de réformer, même sur des dossiers potentiellement explosifs. On verra s’il aura le courage de foncer sur les autres sujets. En tout cas une chose est certaine : il devra trouver la force de se mettre devant ses citoyens chéris et de leur dire frontalement qu’il va leur appliquer une thérapie de choc, qu’il va leur faire mal pour les guérir, exactement comme le fait tout bon médecin pour son patient. C’est à ce prix que Saied que sauvera la Tunisie

 

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