On l’avait presque oublié, tant les Français sont émoussés depuis la première bronca contre la réforme des retraites : Ce mardi 6 juin syndicats et partis de gauche manifestent, pour la 14ème fois, contre le passage en force au Parlement – l’article 49,3 – pour imposer le recul de l’âge légal de départ à la retraite. Beaucoup d’eau a coulé sous les ponts depuis le 16 mars dernier et les premiers décrets d’application du texte de loi ont été officialisés le 4 juin…
“Fin de partie ?” pour les opposants à la réforme phare du président Emmanuel Macron, interroge le média suisse Blick. “A priori, il s’agit donc d’une manifestation pour rien”, répond la même source.
Bloomberg voit dans cette mobilisation, très probablement une des toutes dernières, “un test permettant de savoir si le président a réussi à convaincre une grande partie du pays de tourner la page d’une lutte très préjudiciable sur le plan politique”. La presse étrangère, dont Courrier international a fait la tour, tente de déterminer la suite après l’éruption sociale autour des retraites. Est-ce que les Français sont disposés à enterrer leurs états d’âmes pour passer à autre chose ? C’est toute la question…
Le journal Le Temps pointe la potion magique des beaux jours. Les vacances estivales pourraient être une “période de trêve sacrée dans le calendrier français”. Par ailleurs chaque jour qui passe grave un peu plus sur le marbre la loi sur les retraites, et les promesses démagogiques de la cheffe de file de l’extrême droite, Marine Le Pen, n’y font rien. Le prochain exécutif sera bien content d’hériter d’un paysage politique débarrassée des explosifs de la réforme des retraites…
“Le match est en train de se terminer qu’on le veuille ou non, avec cette inconnue de ce qui se passera jeudi à l’Assemblée”, a reconnu ce mardi 6 juin le leader de la CFDT, Laurent Berger. La numéro 1 de la CGT, Sophie Binet, ne dit pas tout à fait la même chose mais n’en pense pas moins au fond. “Nous voulons de vraies négociations”, a-t-elle dit. Elle a ajouté que “les retraites resteront toujours un combat” et qu’il faut “gagner des avancées concrètes”. Elle est d’avis que “l’intersyndicale va rester unie” et qu’il est “probable qu’il y ait d’autres manifestations au vu de la colère dans le pays”.
La colère contre Macron demeurera, mais de là à ce qu’elle se matérialise dans la durée par des manifestations massives il est permis d’en douter. Un autre combat aura lieu à l’Assemblée nationale ce jeudi 8 juin, date à laquelle les députés se prononceront sur la proposition du groupe Liot pour enterrer la réforme des retraites. Mais “sauf énorme surprise, le projet de loi d’annulation de la réforme sera écarté”, prédit Blick.
“Alors que plus grand monde ne croit à un recul du gouvernement sur ce sujet, les syndicats persistent à vouloir donner corps à l’hostilité des Français”, écrit Le Temps. “La colère suscitée par la loi a placé la France en tête du classement mondial du nombre de manifestations, avec un cumul de plus de 3 800 en avril”, d’après les données de Bloomberg. Mais de toute évidence le soufflet retombera…
“Certains signes montrent que ses efforts commencent à payer”, souligne le média américain, en mettant en relief la petite embellie de la cote de popularité de Macron. “Peut-on dire pour autant qu’il aura réussi à passer à autre chose ?” s’interroge Le Temps. “Probablement d’un point de vue législatif. Mais d’un point de vue politique, les séquelles seront là.”
Le fait que les Français tournent la page, éreintés par la conjoncture nationale et internationale, ne signifie pas que l’impopularité du président va s’inverser miraculeusement. Pour cela il faudra que les “100 jours d’apaisement” qu’il a décrétés donnent des résultats spectaculaires, qu’il parvienne à redresser la barre de la désindustrialisation du pays, qu’il obtienne un recul significatif sur le front de l’inflation, que sa loi sur l’immigration prenne son envol – c’est pas gagné ! – pour pacifier le pays, que la machine de l’intégration des étrangers continue de tourner, etc. Bref, il y a du boulot.
Macron va certes inscrire son nom dans les annales de l’histoire pour avoir réussi là où Alain Juppé avait flanché en 1995 après trois semaines de manifestations et grèves dures. Reste à savoir si son nom sera libellé en lettres d’or. Les échecs ou succès dans les gros dossiers qui l’attendent le détermineront…
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