Economie

Le Fonds monétaire international et la Banque mondiale face aux nouveaux concurrents (2/2)

Le Fonds monétaire international et la Banque mondiale face aux nouveaux concurrents (2/2)

Ukraine, Ghana, Tunisie, Egypte, Tanzanie, Cameroun, Pakistan… Les équipes du FMI endossent à nouveau leur costume de pompiers ces derniers mois. 250 milliards de dollars sont actuellement prêtés par le Fonds. Près de la moitié des Etats membres du Fonds monétaire international (FMI), à savoir 93 sur 190, lui ont emprunté de l’argent constatent des économistes.

Le retour du FMI sur le devant de la scène ne surprend plus du fait d’une concurrence de plus en plus rude notamment de la Chine au cours des deux dernières décennies dans les pays du Sud et même en Europe méditerranéenne.

Montée en puissance de la Chine

Bousculant les agendas internationaux du développement et redéfinissant les grands équilibres géopolitiques et économiques, la Chine n’a cessé depuis une quinzaine d’années d’élargir son champ d’action et de consolider sa présence en Afrique, traditionnel pré-carré des puissances occidentales traditionnelles.

Approbation en 2004 par Pékin d’une ligne de crédit de 2 milliards de dollars au gouvernement angolais au grand dam des institutions financières internationales ; contrat exceptionnel annoncé en 2007 avec la République démocratique du Congo ; croissance des investissements dans les secteurs du cuivre en Zambie, du charbon au Zimbabwe, du pétrole au Soudan et au Gabon ; acquisitions à grande échelle de terres au Cameroun, en Ouganda et en Éthiopie ; rachat en 2007 de 15% des parts de la plus grande banque sud-africaine (Standard) ; construction de nouveaux barrages (Zambie, Ghana, etc.) ; lancement de multiples projets d’infrastructure sur l’ensemble du continent (universités, voies ferrées, ports, routes, etc.) ; Pas un jour ne se passe sans que les médias internationaux, ne se fassent l’écho de la présence accrue de la Chine en Afrique.

Motif d’inquiétude pour les uns, opportunité à saisir pour les autres, l’émergence de cette présence chinoise n’a pas manqué non plus d’interpeller les acteurs institutionnels et les spécialistes du développement, sur fond de vives polémiques, et d’oppositions sur la nature et les implications, les mérites et les limites, les défis et les risques posés par ce rapprochement sino-africain, symbolisé par le désormais très médiatisé et commenté Forum on China Africa Coopération.

A en croire certains experts occidentaux, la Chine serait littéralement en train de dévorer et d’inféoder l’Afrique. Galvanisée par sa formidable croissance économique et mue par sa quête éperdue de matières premières, la recherche de nouveaux débouchés et son désir d’accroître sa sphère d’influence, la Chine ferait primer ses intérêts sur toute autre considération. Derrière la vielle rhétorique d’une nouvelle « solidarité Sud-Sud », la Chine poursuivrait une stratégie agressive et planifiée de longue date, visant à imposer à l’Afrique un nouveau rapport.

En outre, la Chine est bien en train de s’employer à casser le monopole de la Banque mondiale et du FMI sous domination occidentale. Le mouvement est manifeste depuis quelques années : au-delà des 50 milliards de dollars qu’elle va mobiliser pour son bras financier international la Banque asiatique d’investissement pour les infrastructures l’AIIB, elle va allouer 40 milliards à un fonds pour la « nouvelle route de la soie », destiné à asseoir son influence dans les pays de son pourtour via des chantiers d’infrastructures.

Il faut y ajouter 10 milliards au sein d’une nouvelle banque créée par les « BRICS » (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud) et 41 milliards pour un fonds d’urgence lancé par les mêmes pays pour prévenir les risques de crise. Près de 150 milliards de dollars au total.

La réalité est plus complexe. Non seulement parce que les méthodes de la Banque mondiale et le Fonds monétaire international, en matière d’aide au développement, n’ont pas brillé, jusqu’à présent, par leur exemplarité. Mais surtout parce que les deux institutions ressortent fragilisées de d’une réputation contestée.

En effet, aucun pays ne se résout à contacter le FMI de gaîté de cœur. Cet ultime recours est vécu comme un aveu d’impuissance quand les caisses publiques sont vides. « Parmi ces Etats, il y a certains pays en Afrique subsaharienne. Mais aussi des pays qui vont bien et sont frappés par un choc comme le Covid ou l’augmentation des matières premières comme les pays non-pétroliers de la zone MENA comme la Tunisie.

La banque des BRICS comme alternative

En juillet 2014, les dirigeants politiques des BRICS ont décidé de contourner les institutions de Bretton Woods, faute de pouvoir les transformer de l’intérieur. Lors de leur sommet de Fortaleza ils ont décidé le 16 juillet de créer une Nouvelle Banque de Développement, capitalisée pour 100 milliards de dollars à parts égales entre les cinq pays fondateurs. C’est la première initiative significative de déplacement du pouvoir politico-financier depuis Bretton Woods.

Le financement de long terme de la BM est lourdement conditionnel et incorpore des critères conformes à ce qu’on peut appeler « le fondamentalisme du marché ».

Jusqu’à la crise, il venait en appui aux crédits bancaires syndiqués qui faisaient la majeure partie du financement international vers les pays en développement. Il en est de même de la Banque Asiatique de Développement. Les apports en capital des États-Unis et du Japon ont un rôle prépondérant dans son « business model ».

L’initiative des BRICS, comme celle de la Chine qui a créé une Banque Asiatique d’Investissement l’AIIB, sont des outils financiers pour atteindre d’autres buts : financer des infrastructures par des accords de long terme pour renforcer les interdépendances des pays émergents et donc faciliter l’expansion internationale des entreprises, sans conditionnalité politique et en dehors de l’espace du dollar.

Cette stratégie est donc complémentaire à celle de l’internationalisation du yuan pour en faire un pivot des transactions en Asie.

C’est pourquoi la Chine est très intéressée par l’autre volet : l’accord qui crée une mise en commun de réserves pour combattre collectivement l’incidence des crises financières en dehors du FMI.

Mise dans une perspective plus longue, la conception chinoise des relations monétaires internationales a été énoncée par le gouverneur Zhu Xiaochuan dès 2009 par la nécessité de voir un nouveau régime monétaire international fondé sur des principes multilatéraux communément acceptés, des règles d’ajustement symétriques et une liquidité ultime fournie par le DTS qui n’est la dette d’aucun pays.

L’enjeu est de mettre les États-Unis en situation d’être contraints d’accepter la négociation. Il en sera ainsi lorsque la transformation des rapports de force économiques en faveur des pays émergents sera telle que les répercussions des politiques unilatérales américaines feront retour sur les taux d’intérêts dans les marchés financiers des États-Unis et pourront donc mettre en péril la gestion de la dette publique. En créant le dispositif institutionnel qui accélère la formation d’un système pluri-devises, l’initiative des BRICS participe de la formation de centres de pouvoir monétaire concurrents. 

La coopération Sud-Sud, une alternative pour la Tunisie ?

La coopération Sud-Sud est d’atténuer la dépendance à l’occident en matière de développement et de financement. Ainsi, par exemple, les pays émergents concentrent leur aide sur la mise à disposition de services et la construction d’infrastructures (routes, hôpitaux, etc.), non sur la consolidation d’institutions, à l’instar de l’Occident.

Si l’on se réfère au discours des institutions financières occidentales classiques par exemple, il s’agit d’une stratégie appartenant au passé et ce genre d’action se fait plus rare de nos jours. Toutefois, les pays émergeants insistent sur l’aspect empathique de leurs actions, sur les liens qu’ils partagent avec leurs partenaires en tant qu’ex-colonies ou contestataires des inégalités Nord-Sud ; là où les donateurs occidentaux agiraient uniquement dans un esprit de profit envers des peuples en détresse.

En fait, plusieurs chercheurs affirment que les relations, aussi bien Sud-Sud que Nord-Sud, peuvent s’équilibrer à condition que les Etats en développement, dont la Tunisie, adoptent des positions plus fermes quant à leurs ambitions et leurs besoins. Il s’agit pour eux d’exiger une coopération plus juste qui leur permettrait de mettre en œuvre une stratégie qu’ils ont eux-mêmes déterminée. La Tunisie peut aussi tirer profit de la concurrence que se livrent les pays occidentaux et émergents. Enfin, s’appuyer sur le transfert de technologies pour développer les entreprises est une stratégie non négligeable.

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