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Par Abdelaziz Gatri : Entre l’égout et la tranchée, mon cœur ne balance pas

Par Abdelaziz Gatri : Entre l’égout et la tranchée, mon cœur ne balance pas

J’ai évité de réagir à chaud aux propos orduriers attribués à Yadh Elloumi et adressés à Abir Moussi. Il lui aurait dit en substance qu’elle avait largement sa place dans une célèbre maison de tolérance de Tunis. Un membre du parti de Moussi a rapporté l’incident à la télé, en termes crus, et à une heure de grande écoute, ne manquant pas de rappeler à Elloumi que, si maison de tolérance il y a, c’est bien le parti auquel il appartient. Un discours à faire rougir de honte un charretier.

Le décor ainsi planté, nous sommes partis pour une folle semaine d’accusations, de contre accusations, d’invectives. L’opinion publique est prise à témoin par les uns et les autres, et les tunisiens sommés de prendre position. Elloumi est présenté comme le grand méchant loup (ce qu’il est sûrement), accrochant la robe du Petit Chaperon Rouge (que Moussi n’est pas).

Toujours est-il qu’à ce jour, aucune preuve n’a été apportée que de tels propos aient été tenus par le député macaroni qui jure tous ses dieux qu’il est innocent, et qui dit avoir porté plainte contre son accusatrice pour diffamation.C’est donc, à ce jour, parole contre parole, et je n’ai aucune raison de croire l’un plutôt que l’autre, bien que je crois Elloumi capable de pareilles ignominies.

Bien sûr, comme la majorité des forces vives du pays, j’aurais condamné sans hésitation ces propos qui, s’ils étaient avérés, seraient une insulte à toutes les femmes tunisiennes, et à tous les hommes qui les respectent. Mais comment condamner ce dont on n’est pas tout à fait sûr?

May Ksouri a bien voulu apporter son témoignage, en lui lançant qu’elle a été victime à son tour il y a quelque temps de propos semblables de sa part. Soit. Mais l’avocate qu’elle est doit bien savoir qu’on ne peut condamner quelqu’un, quels qu’aient été ses antécédents, sur de simples présomptions.

Pour ma part donc, je me réserve le droit de n’exprimer mon opinion qu’une fois en possession d’informations probantes ou après jugement définitif sur la plainte déposée.

En attendant, et après m’être infligé le supplice du visionnage de la longue vidéo de la séance de la commission chargée d’auditionner le ministre du Commerce à propos du scandale des masques, il apparaît clairement que la violence verbale était de part et d’autre, indépendamment de qui a commencé le premier. Ce fut un festival de provocations, d’invectives, d’obscénités et de menaces, à la limite du pugilat. On en a oublié l’ordre du jour de la réunion : demander des comptes au ministre qui a failli. Et longtemps après cette réunion, les protagonistes ont prolongé la troisième mi-temps, via médias interposés, à l’affût de tout ragot, de toute dégénération.

Mais le comble de l’indécence fut atteint, lorsque beaucoup de partisans de la cheffe du parti héritier du défunt RCD, empaillé et resservi sous l’appellation de PDL, ont voulu capitaliser sur l’élan de sympathie des tunisiens, considérant que tous ceux qui n’étaient pas avec elle, sont forcément avec son présumé agresseur.

A supposer que Elloumi ait proféré de telles insultes, ne sommes-nous pas en droit de les condamner le plus fermement du monde, sans pour autant succomber au bas chantage auquel la présumée agressée veut nous soumettre ? Car abhorrer l’un ne doit pas aboutir à se ranger politiquement derrière l’autre.

Faut-il oublier tout simplement que ces deux tristes personnages sont des rébus du RCD, qu’ils y ont fait leurs premières classes, et qu’ils furent des laudateurs de Ben Ali ? Et même si Elloumi a nié de la plus éhontée des manières cette ascendance, sa repentance sur sa propre page Facebook pour les crimes commis par le régime de ce parti sont encore là et sonnent comme un cinglant démenti. Depuis, il a eu l’occasion d’exercer ses talents au sein de plusieurs partis avant d’atterrir dans cette supercherie électorale qu’est Qalb Tounes. Quant à sa compère, elle s’est rappelée au bon souvenir de Bourguiba dont elle arbore le portrait devenu fonds de commerce, Bourguiba qui fut enterré vivant par Ben Ali, l’homme à qui personne ne ressemble selon le célèbre éloge de Abir, ma kifou 7add, youyous à l’appui.

Entre temps, et après les scandales des fuites du cahier de charges du marché d’acquisition des masques et de l’attribution de ce marché par téléphone, et après avoir effectué des coupes illégitimes sur les revenus des salariés et des retraités, soi-disant pour financer sa campagne anti COVID19 (coronavirus), Fakhfekh qui a déjà nommé Jawhar Ben M’barek comme conseiller avec rang de ministre dans son cabinet pour services rendus à qui vous savez, vient de nommer Imed Hammami, titulaire d’un master d’Ezzitouna où il avait soutenu son mémoire à huis-clos, et de Oussama Ben Salem, fils de son père et initiateur d’une chaîne tv pro intégriste, au poste de conseillers au gouvernement.

Ces élections ressemblent à un casse où les malfaiteurs-élus se partagent le butin. Mais la victime n’a pas dit son dernier mot.

Donc trêve de gesticulations les Moussi et les Elloumi. Non, madame. Non, monsieur. Nous n’avons rien oublié. Vous ne réussirez pas à nous entraîner dans les eaux saumâtres de vos marécages nauséabonds. Ni la tranchée de l’une, ni l’égout de l’autre ne nous tentent, car nous avons d’autres projets autrement plus exaltants pour notre Tunisie.

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