En France, clairement, il y aura un avant et un après-7 octobre 2023, date à laquelle le Hamas a causé 1200 morts en Israël. Le soir même le président Emmanuel Macron a dicté le tempo, autant dire la doxa, avec une défense énergique et aveugle d’Israël, quel que soit le prix qu’il fera payer aux civils palestiniens. Le président de la République a fait exploser le cadre de la politique traditionnelle française au Moyen-Orient, fondé sur l’équilibre, la pondération et une analyse objective de la situation. Quand Macron a compris qu’il a bazardé le précieux héritage du général de Gaulle, qu’il a accordé un permis de massacrer à Israël et qu’il fallait faire machine arrière c’était déjà trop tard…
Macron a fait de sacrés dégâts
D’abord le mal est déjà fait au Moyen et au Proche-Orient, en termes d’image de la France, qui était pourtant perçue comme une amie du monde arabe. Ensuite il y a toutes ces convulsions qui ont pris la société française depuis que le président de la République a imposé la pensée unique, le soir du 7 octobre, avec une piqûre de rappel 4 jours après. Autrement le Parlement français ne se serait jamais permis de visionner la vidéo insoutenable de l’attaque du Hamas alors que dans le même temps un hommage est refusé aux employés de l’ONU morts dans les bombardements israéliens.
Plus grave encore : les dégâts que cette pensée unique provoque dans les médias, le dernier refuge de la liberté d’expression, la liberté de penser, d’analyser, d’objectiver. Avant l’attaque du 7 octobre jamais un média français n’avait désavoué publiquement un de ses journalistes. Depuis c’est arrivé à deux reprises, au moins et les faits choquent au “pays des droits humains”…
D’abord il y a le cas de l’humoriste Guillaume Meurice, sur France inter. Ensuite il y a les mésaventures du journaliste Mohamed Kaci, rabroué par la direction de sa chaîne, TV5 Monde, pour avoir conduit de manière très professionnelle une interview avec un porte-parole de l’armée israélienne, Olivier Rafowicz, le 15 novembre. Après ce qu’a fait la chaîne francophone elle ne sera plus regardée de la même façon dans le monde arabe et en Afrique.
Comment l’officier israélien a piégé le professionnel des médias
Pour commencer le cadre : l’émission «Le 64’ – le monde en français», très suivie dans l’univers de la Francophonie. Dès le début on a senti qu’il y avait des étincelles dans l’air entre le haut gradé israélien et le présentateur. Il est vrai que l’Etat hébreu peut difficilement défendre les horreurs qu’il sème à Gaza, même dans les hôpitaux, au nom de la poursuite des fantômes du Hamas avec d’ailleurs un très maigre résultat, à part des morts à la pelle, par milliers.
Justement le journaliste a mis les pieds dans le plat en évoquant les assauts de Tsahal à l’hôpital al-Chifa, le plus grand hôpital de Gaza, un acte qui horrifie le monde entier. «Ils manquent de tout dans cet hôpital d’al-Chifa. D’ailleurs, les soldats israéliens vont sans doute vous le rapporter. Est-ce que vous allez prendre compte, désormais, de l’urgence humanitaire dans l’enclave palestinienne ?», a lancé Kaci…
Le porte-parole de l’armée israélienne, sur la défensive – et ce n’est pas la première fois -, a répliqué : «Est-ce que vous prenez l’État d’Israël pour un État qui ne connaît pas les règles de la démocratie et du droit international ? Nous sommes une armée d’un État démocratique face au fascisme islamiste intégriste le plus horrible […].»
«Mais entrer dans un hôpital, ça correspond selon vous au respect des règles du droit international, en particulier humanitaire ?», a embrayé Mohamed Kaci.
Là Rafowicz a commencé à perdre son flegme de militaire : «Mais pour vous, un hôpital qui est utilisé comme base militaire… ».
Le journaliste a glissé très habilement : «Non mais moi je ne donne pas mon point de vue. Olivier Rafowicz, vous êtes porte-parole de l’armée israélienne, je suis journaliste, je vous pose la question.»
L’officier supérieur s’est alors adressé au «journaliste», à l’«être humain», à l’«habitant en Europe» : «Vous connaissez le Hamas, vous avez vu ce qu’ils ont fait. Ils ont massacré des enfants, éventré des femmes, brûlé des gens, brûlé des maisons. Vous croyez qu’ils se comportent selon le droit international ? Qu’ils se comportent selon la justice, selon le respect du droit humain ?»
Loin de se démonter Kaci réplique : «Donc vous vous comportez comme le Hamas, c’est ce que vous me dites ce soir ?». Là les choses ont commencé à s’envenimer…
« Là, vous vous comportez maintenant non pas comme un journaliste mais comme quelqu’un qui est pour une position politique», a jeté perfidement le porte-parole de l’armée israélienne..
«Olivier Rafowicz, vous venez de dire : ‘’Le Hamas, comment s’est-il comporté ?’’ Je demande si vous vous calquez sur eux ?», a répondu Kaci pour tenter de recadrer l’échange. Trop tard…
«Non, non, non, Monsieur, je vous demande un peu de respect, s’il vous plaît. Ce que vous me dites, c’est une attaque [contre] l’État d’Israël et Tsahal [l’armée israélienne]» a dit le haut gradé israélien. Il était conscient à ce moment-là qu’il mettrait en difficulté le journaliste auprès de sa hiérarchie, et ça n’a pas loupé.
La direction lâche lâchement son journaliste, les internautes le défendent
La direction de TV5MONDE a réagi en ces termes dans un communiqué : «les règles journalistes, applicables à toute interview, n’ont pas été respectées (…). Ce qui a conduit à donner l’impression, dans la dernière question, que les modalités d’intervention de l’armée israélienne étaient équivalentes à la stratégie du Hamas, organisation considérée comme terroriste par de nombreux États.»
La chaîne française enfonce le clou : «Par ailleurs, l’entretien ne s’est pas terminé selon les normes en vigueur de maîtrise de l’antenne mais de façon trop abrupte. Ce que la direction de l’information de TV5MONDE regrette profondément.»
Puisque les patrons de Mohamed Kaci l’ont lâché alors que déontologiquement il est resté dans les clous d’autres l’ont défendu, sur les réseaux sociaux. «Je n’ai pas vu cette émission mais Mohamed Kaci m’a interviewé plusieurs fois et il a toujours été très bien préparé et professionnel. Surprenant que TV5MONDE ait ressenti le besoin de publier ce communiqué après avoir interviewé un propagandiste israélien. Soutien et solidarité à Mohamed Kaci», commente en anglais un internaute.
«TV5MONDE nous dit que M. Kaci aurait dû participer à la diffusion de la propagande israélienne génocidaire ; ne poser que des questions en faveur d’Israël ; et ne surtout pas faire son vrai travail de journaliste, qui consiste à poser de vraies questions», a écrit sur X Radia Ayad, qui a fondé l’association Défense des musulmans de France (DMF).
«Pour TV5MONDE, ‘’les règles journalistiques applicables à toute interview’’ ne doivent donc jamais contredire la propagande israélienne ! Soutien à Mohamed Kaci !», a posté sur X Jean-Guy Greilsamer, militant de l’Union juive française pour la paix (UJFP) et de la campagne BDS France (Boycott, Désinvestissement, Sanctions).
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