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Sommet Russie-Afrique : 17 chefs d’État contre 45 en 2019, dont 6 “achetés” avec le blé de Poutine

Sommet Russie-Afrique : 17 chefs d’État contre 45 en 2019, dont 6 “achetés” avec le blé de Poutine

On savait qu’ils viendraient, la question était combien se rendraient au Sommet Russie-Afrique, lequel a commencé ce jeudi 27 juillet à Saint-Pétersbourg. On savait qu’ils viendraient parce que le maître des lieux, Vladimir Poutine, s’est très bien débrouillé pour que ses “amis” africains viennent lui quémander du blé. En déchirant l’Accord sur les céréales et en menaçant de tirer sur tous ceux qui s’aventureraient sur la mer Noire Moscou a pris en otage les Occidentaux, pour les obliger à desserrer la vis sur les sanctions financières mais il a aussi exercé un chantage qui ne dit pas son nom sur l’Afrique. Et certains – pas tous – ont cédé à l’appel du ventre…

On est loin de la ferveur de 2019

49 délégations africaines – dont 17 chefs d’Etat – ont répondu présentes à la grand-messe de Poutine. Ce n’est pas rien, mais ce n’est pas non plus l’affluence de la première édition, en 2019, pour laquelle 45 chefs d’Etat ou de gouvernement étaient venus et 54 pays avaient envoyé des émissaires. Beaucoup d’eau a coulé sous les ponts depuis, notamment l’incursion des chars russes en Ukraine, le 22 février 2022. Cette affaire a mis dans l’embarras les partenaires occidentaux de la Russie et beaucoup ont été forcés de choisir leur camp. La plupart a choisi le camp de la légalité internationale, celui de l’Ukraine.

L’Afrique aussi a été travaillée par la question, et elle l’est toujours d’ailleurs, mais les alliés de Moscou dans le continent, même ses soutiens les plus zélés, sont de plus en plus mal à l’aise avec ce dossier. Et les rangs derrière la Russie se dépeuplent. Moscou soutient que l’Occident a exercé une “pression sans précédent” sur les Africains pour les forcer à boycotter le Sommet de Saint-Pétersbourg. La réalité est que ce que fait subir Poutine aux Ukrainiens est de plus en plus insoutenable, même pour des Africains qui en savent un rayon sur la violence et la barbarie.

L’autre raison de la tiédeur des Africains c’est qu’ils ne savent pas dans quel état la Russie sortira de cette guerre, si elle s’en sort d’ailleurs. Alors ils se disent qu’il est peut-être plus prudent de ne pas trop claironner ses accointances avec le maître du Kremlin. Les Africains aussi, comme tous les autres, sont capables de réalisme, de realpolitik et de pragmatisme…

Et ceux qui sont venus chez Poutine ne sont pas moins pragmatiques que ceux qui sont restés à la maison, c’est juste que les urgences sont ailleurs : les céréales. Cela évitera dans l’immédiat à ces dirigeants coupables de tas de crimes contre leurs nations d’être balayés par une tempête sociale. A ceux-là qui ont fait le déplacement Moscou dit ceci : “Notre pays peut remplacer les céréales ukrainiennes sur le plan commercial mais aussi sur celui (des livraisons humanitaires) à titre gracieux“.

Le cynisme absolu de Moscou 

Poutine, qui se vante d’être un producteur “solide et responsable“, s’engage à livrer “dans les mois qui viennent” jusqu’à 50 000 tonnes de céréales, gratuitement. 6 pays bénéficieront des largesses du Kremlin : le Zimbabwe, la Somalie, l’Erythrée et les nouveaux amis de Poutine, que sont le Mali, la Centrafrique et le Burkina Faso, tous logés parmi les plus pauvres de la planète…

Dans toutes ces contrées la propagande russe tourne à plein régime et souffle sur les braises ; elle a soufflé si fort que les soldats français ont été éjectés du Mali et du Burkina Faso dès que les militaires ont mis la main sur le pouvoir. Et dès que les Occidentaux sont partis les miliciens russes de Wagner se sont installés. Le Niger, dirigé depuis le 26 juillet 2023 par des putschistes, suit la même trajectoire.

Au sujet du coup d’Etat qui a renversé le président nigérien, le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov, a dit que ce sujet sera “activement” traité ; en attendant la diplomatie russe a exigé la “libération rapide” du président Mohamad Bazoum, toujours aux mains des putschistes. Mais si on veut savoir ce que Moscou pense réellement de cette affaire il faut lire le journal Kommersant, très proche du palais : “si Mohamed Bazoum avait décidé dès le départ de participer au sommet de Saint-Pétersbourg, il n’y aurait eu aucun problème“, le président nigérien aurait alors “paisiblement découvert les sites touristiques du palais de Peterhof et du palais Constantin“. Sans commentaire.

C’est cela le fond de la pensée du président russe : Le camp de ses amis et celui de ses ennemis, et rien entre les deux, et encore moins la légalité internationale, les droits humains, le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes ou que sais-je encore.

“Magic Putin” ne fait plus illusion

Le 20 mars 2023 Poutine avait promis monts et merveilles aux Africains, avec des méga projets qui changeraient leur destin. 10 jours après il décrète la fin de toutes les relations avec les pays occidentaux – alors que ses ambassadeurs y sont encore – et un virage vers l’Asie – essentiellement vers la Chine et l’Inde – et vers l’Afrique. D’abord il continue de vendre du pétrole et du gaz aux Européens. Ensuite il n’a pas les moyens de ces ambitions, et encore moins depuis que la guerre en Ukraine lui a fermé ses plus gros marchés en Europe, surtout les marchés allemand et italien.

Entre temps qu’a fait Poutine pour l’Afrique, à part le blé qu’il lui fait miroiter ? Rien, ou pas grand-chose. Et même quand il en avait les moyens il ne le faisait pas. Déjà qu’il ne développe pas son pays – je ne parle pas des armes, je parle d’un vrai développement dans tous les coins et recoins du pays -, qu’est-ce qu’il peut bien faire pour les Africains…

On nous dit que Poutine a conversé hier mercredi avec le Premier ministre éthiopien Abiy Ahmed et dans la foulée avec le président égyptien Abdel Fattah al-Sissi autour de projets dans l’énergie. Mais ce que la Russie n’a pas réalisé avant de plonger dans le gouffre de sa guerre en Ukraine elle ne le fera plus. Et ça les Africains le savent, ils ne sont pas dupes. C’est en Chine que l’Algérie a trouvé un investissement de 36 milliards de dollars, pas chez “l’ami” Poutine.

 

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