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Francophonie : On dirait qu’ils font tout pour que Macron et Trudeau boycottent

Francophonie : On dirait qu’ils font tout pour que Macron et Trudeau boycottent

Ce qui se passe actuellement en Tunisie est très étrange. Cette conjonction de frappes judiciaires spectaculaires crée une atmosphère délétère qui fige le pays. Et le timing de ces affaires retentissantes est encore plus énigmatique, sur fond de défilé des invités en Tunisie dans le cadre du Sommet de la Francophonie. Le pays est sous les radars. On voudrait flinguer la grand-messe internationale de Djerba on ne s’y prendrait pas autrement !

Une dangereuse glissade

Hier Business News, aujourd’hui l‘homme d’affaires et ancien ministre du Développement Fadhel Abdelkefi. Le moins qu’on puisse dire est que le département de la Justice se débrouille très bien pour qu’on parle de la Tunisie à l’international, mais pas dans des termes qui vont dans le sens de ses intérêts…

Bon, pour l’affaire Abdelkefi on n’en dira pas plus sur le fond, n’ayant aucun élément probant sur le dossier. Mais on pourra regretter l’absence totale de communication, de transparence – vous me direz que ce n’est pas nouveau – sur un dossier qui concerne, tout de même, un des hommes politiques les plus en vue du pays. Ce sont des procédés dommageables pour la réputation du pays. Que la Justice passe, qu’elle prenne ses droits, tous ses droits, admettons, mais qu’elle le fasse en restant dans les clous.

Des délits d’opinion pour des articles de presse certes durs, sans concession mais qui ne tombent pas sous le coup de la loi, c’est un très mauvais service qu’on rend à la Tunisie, à la jeune démocratie. Si dans le contenu de l’article de Business News il y avait des propos de l’ordre de la diffamation ou de la diffusion de fausses nouvelles, on n’en parlerait même pas ici, ce serait l’affaire de la Justice. Le fait est que ce que nous avons lu ne contient rien de tel, l’argumentaire est certes rude, implacable mais il est l’émanation d’une réflexion, d’une vision personnelle sur la trajectoire du pays et c’est son droit.

Une bataille perdue d’avance

Par définition on ne peut pas dicter à un journaliste sa manière de penser, de procéder, de tourner les phrases pour que ça rentre dans les cases d’une pensée qu’on veut unique, de la bienséance et du politiquement correct. Sinon c’est la mort de la liberté de la presse, un des piliers de toute démocratie qui se respecte.

Si – à ce stade nous sommes contraints de faire des conjectures en l’absence d’éléments factuels – le but inavoué de toute cette agitation est de museler la presse et toute la société civile derrière, et bien c’est une bataille perdue d’avance. Personne ne l’a jamais gagnée dans une démocratie. Les pouvoirs défilent, passent et les médias restent. La coutume dans les démocraties c’est une presse intransigeante avec le pouvoir en place, quel qu’il soit. C’est ainsi.

Le gouvernement actuel devra s’y faire, comme tous ceux qui l’ont précédé. La presse a été encore plus intraitable avec ceux qui ont précédé Najla Bouden à la Kasbah et ils ne bronchaient pas, en tout cas pas publiquement et ils ont encore moins demandé qu’on traîne des journalistes devant le juge pour des délits d’opinion. Il ne faudrait pas que ces habitudes s’installent en terre tunisienne.

Macron et Trudeau devront sortir du bois

De fait ces tours de vis sur les médias ne peuvent pas prospérer en Tunisie parce que des gens sont morts pour cette liberté, ont souffert le martyre pour ça. Ça pèse lourd. Par ailleurs la Tunisie n’est pas seule, heureusement et ses amis tiennent à ce que son modèle démocratique ait un essor, même au-delà des frontières. Rappelons que le Premier ministre canadien, Justin Trudeau, oeuvrait pour faire capoter le Sommet de la Francophonie au motif que la Tunisie foule au pied les droits humains et les idéaux démocratiques. Ce n’est pas parce que Trudeau a décidé de venir in fine que Tunis a un chèque en blanc.

Je rappelle aussi tous les griefs formulés par la Commission de Venise et qui sont les mêmes que ceux listés par le Parlement européen. Ce n’est pas parce que la Tunisie, en dépit de tout ce qu’on lui reproche, a finalement reçu l’aide de 300 millions d’euros plus un don de 100 millions d’euros dernièrement que Tunis a un blanc-seing sur les libertés fondamentales et individuelles. Les députés européens avaient donné un quitus jusqu’aux élections législatives de décembre 2022 pour commencer à solder leurs comptes avec le chef de l’Etat, Kais Saied. Attention, on y est presque…

Le président français, Emmanuel Macron, qui vient d’officialiser sa venue à Djerba – d’après l’émissaire de Paris à Tunis, André Parant – et le Premier ministre canadien ne pourront pas faire l’économie de mises au point publiques sur ce qui se passe en Tunisie. S’ils arrivent à éluder ces épineuses questions et à passer entre les gouttes de la presse locale ils ne pourront pas le faire face aux médias de leurs pays.

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